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14 Mar 19:24

Bonne nuit, Monsieur Lénine

by allylit

Un livre de Tiziano Terzani traduit par Marta de Tena et publié aux éditions Intervalles


En août 1991, Tiziano Terzani navigue sur le fleuve Amour lorsqu’il apprend qu’un coup d’État vient de renverser Gorbatchev. Il se lance aussitôt dans un long périple qui le mène pendant plus de deux mois à travers la Sibérie, l’Asie centrale et le Caucase jusqu’à Moscou, capitale de ce qui est en train de devenir la nouvelle Russie. Chemin faisant, Terzani compose l’oraison funèbre du communisme soviétique et un récit de voyage inoubliable.

L’auteur analyse les contradictions du communisme, mais aussi celles du capitalisme sauvage qui le remplace. De Samarcande à Boukhara, de Bichkek à Erevan et jusqu’aux confins du Birobidjan, Terzani observe le réveil des nationalismes et de l’islamisme sur les cendres encore chaudes du colonialisme soviétique. Trente ans après, cet ouvrage constitue une immersion fascinante pour comprendre le passé et peut-être surtout entrevoir l’avenir géopolitique de ce territoire qu’on appelait autrefois l’URSS.

Tiziano Terzani est une légende du grand reportage. Correspondant en Asie du Spiegel pendant près de 30 ans, il a été témoin de la chute de Saïgon, du génocide khmer et de la Chine maoïste. Bonne nuit, Monsieur Lénine prouve une fois de plus ses qualités de grand reporter et son talent de visionnaire.


Le nom de Tiziano Terzani ne vous dit peut-être rien. Il s’agit pourtant d’un grand reporter italien, qui semble avoir vécu plusieurs vies en une seule.
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En août 1991, le voilà embarqué pour une croisière sur le Fleuve Amour. L’occasion de découvrir ce fleuve légendaire en compagnie de compatriotes russes et chinois.
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Seulement, l’Histoire se mêle à leur histoire lorsqu’un putsch éclate à Moscou donnant, ainsi, une nouvelle perspective au voyage. 
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Terzani souhaite se rendre à Moscou pour observer les événements depuis la capitale, l’œil du cyclone. 
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Mais les événements vont se jouer de lui. Le putsch est un échec qui sonne le glas du bloc communiste.
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Le journaliste décide d’analyser cet événement majeur mais, cette fois-ci, depuis la périphérie, lors d’un périple qui va le conduire au sein des républiques socialistes d’Asie centrale. Avec une question centrale : comment le communisme pouvait-il mourir ? 
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Car oui, si le bloc de l’ouest avait tendance à ne voir en l’URSS qu’un bloc monolithique, les républiques socialistes vont reprendre dans la foulée leur indépendance.
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Le journaliste va vite réaliser que souvent, elles vont se trouver confronter aux mêmes difficultés : des communistes au pouvoir qui vont juste changer d’appellation, la montée du fanatisme religieux et des forces démocratiques exsangues. 
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Le journaliste livre le témoignage, parsemé d’anecdotes, d’un système communiste gris et sombre ayant échoué dans son projet. D’une corruption et d’une manipulation généralisées. D’une spécialisation des productions conduisant à l’interdépendance et l’appauvrissement des états satellites. 
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Un tel témoignage, avec toute la subjectivité d’un homme, offre un point de vue intéressant sur les événements racontés dans les livres d’histoire. Une vision plutôt critique du monde socialiste, que j’ai eu plaisir à parcourir avec un ordinateur à mes côtés pour voir si les prévisions de l’auteur se sont révélées justes ou non. 
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Un livre qui se savoure et donne envie de voyager !


« Le temps est radieux, les collines sont vertes, l’eau du fleuve devient presque bleue. A l’horizon, enfin, la tant attendue Nikolaïevsk… Mais quel dommage ! Autrefois, les villes, aussi petites fussent-elles, s’annonçaient aux voyageurs venus de loin par les silhouettes de leurs clochers, les coupoles de leurs églises, les toits de leurs palais ou de leurs maisons. Maintenant, au contraire, même cette lointaine Nikolaïevsk s’annonce par deux grandes cheminées socialistes crachant de la fumée. L’église était là avant – je l’ai vue sur de vieilles photographies – mais elle aussi, comme tant d’autres belles choses du passé, a dû brûler dans le feu de la révolution bolchevique. »

06 Feb 14:36

Madame lit Le drapeau anglais, suivi de Le Chercheur de traces et de le Procès-verbal

by Madame lit
«Être moral dans un monde immoral est immoral.» ( p.196) Chère lectrice, Cher lecteur,  J’ai répondu avec enthousiasme à l’invitation lancée par les blogues Et si on bouquinait un peu? et Passage à l’Est. pour une lecture commune autour de l’Holocauste du 27 janvier au 3 février 2022. De plus, Passage à l’Est a créé un défi (vous savez …
22 Jan 17:18

MES TRADUCTIONS PUBLIEES EN 2021

by bejanovska

LA BOITE A ECRITURE de Milorad Pavic (Editions Le Nouvel Attila)

EXEMPLAIRE UNIQUE de Milorad Pavic (Editions Monts Metallifères)

LE CAHIER VOLE A VINKOVCI de Dragan Velikic (Editions Agullo)

LA FENETRE RUSSE de Dragan Velikic (Editions Agullo)

21 Jan 18:40

Quelques parutions récentes

by noreply@hautetfort.com (livresrhôneroumanie)

Essai, Roman, Roumanie, Vladimir Cretulescu, Florin Turanu, L’Harmattan, Alina Nelega, Florica Courriol, éditions des femmes, Marin Malaicu-Hondrari, Laure Hinckel, InculteVladimir Cretulescu, Ethnicité aroumaine, nationalité roumaine. La construction discursive d'une identité nationale (1770-1878). Préface de Florin Turanu, L’Harmattan, 2021

« Vers la moitié du XIXe siècle, les Aroumains sont une population de bergers, marchands et dirigeants de caravanes, éparpillée dans toute la région des Balkans. Suite au bourgeonnement des idées nationales modernes dans le sud-est de l'Europe, ce groupe ethnique, parleur d'un idiome néolatin, est revendiqué par deux discours identitaires rivaux : l'un faisant d'eux des membres de la nation grecque, l'autre, leur attribuant la nationalité roumaine. Notre ouvrage se propose de tracer le développement du discours identitaire aroumain-roumain, qui construit les Aroumains comme des membres du peuple roumain, dès ses origines balkaniques jusqu'en 1878, l'année où le mouvement aroumain-roumain persuade les Ottomans de reconnaître le droit des Aroumains à bénéficier d'enseignement dans leur supposée langue nationale : le roumain. En mobilisant le modèle de Paul Brass, nous suivrons le processus de construction discursive qui rend l'ethnicité aroumaine assimilable à la nationalité roumaine. »

« Vladimir Cretulescu est docteur en histoire et en science politique, diplômé des universités de Bucarest et de Bordeaux. Il est lecteur des universités à la Faculté d'Histoire de l'Université de Bucarest. »

www.editions-harmattan.fr

 

Essai, Roman, Roumanie, Vladimir Cretulescu, Florin Turanu, L’Harmattan, Alina Nelega, Florica Courriol, éditions des femmes, Marin Malaicu-Hondrari, Laure Hinckel, InculteAlina Nelega, Comme si de rien n’était, traduit du roumain par Florica Courriol, éditions des femmes, 2021

« En écrivant, elle se dit qu’elle réussira à mieux comprendre – en inter­changeant le personnage de Nana avec celui d’un garçon, peut­-être, avec Dani ou Mits, par exemple, ce serait plus facile – ah non, ce ne se­rait pas plus facile. Elle devrait s’instruire davantage sur les corps et les émotions, comprendre pourquoi son ventre est serré, nœud de désirs et d’inquiétudes, elle les reconnaît bien, ils sont clairs ces mots, mais elle a peur de les exprimer. Ah, si elle pouvait courir, voler, se jeter sur le sable chaud d’une mer, écouter, éperdue, le bruit des vagues. Elle s’imagine les vagues et au­ dessus, la montagne. » A.N.

« Cristina traverse son adolescence dans les années 1980, durant la dernière décennie de la dictature roumaine. Élève dans un lycée de province, elle s’éprend d’une camarade de classe issue d’un milieu plus élevé et se découvre une passion pour l’écriture. Mais les diktats imposés par le régime lui barrent le chemin. Jeune adulte, elle s’efforce de naviguer entre les contraintes politiques, familiales et sociales qui pèsent sur les femmes. Elle essaie d’écrire, jonglant entre précarité, censure et autocensure. Avec un humour corrosif, les plus subtils rouages de l’oppression sont mis à nu. »

« Alina Nelega a chamboulé avec Comme si de rien n’était les habitudes littéraires roumaines par un sujet peu abordé jusque ­là : l’homosexualité féminine. Placé dans un cadre historique précis, mais qui s’éloigne du souvenir des Roumains – la dernière décennie du « règne » Ceausescu -, le livre se présente comme un arrêt sur image de toute la société roumaine. Il y est question de la fameuse Securitate, du contrôle de la sexua­lité par le Parti, de pénurie, de corruption, de relations interethniques en Transylvanie – où se déroule principalement la narration -, d’abus politiques, de révolte étouffée. Il y est question d’amour et de féminité mais surtout de liberté. »

www.desfemmes.fr

 

 

essai,roman,roumanie,vladimir cretulescu,florin turanu,l’harmattan,alina nelega,florica courriol,éditions des femmes,marin malaicu-hondrari,laure hinckel,incultePompei Cocean, La Roumanie au début du troisième millénaire. Préface de Jean-Marie Miossec, L’Harmattan, 2021 

« À destination d'un public francophone, cet ouvrage est une ouverture sur la Roumanie, avec la volonté d'en donner une image réelle. Le paysage naturel du pays est analysé à travers ses éléments particuliers. Le peuple roumain est présenté à la lumière de son histoire millénaire, pleine de méandres et de contradictions. Pompei Cocean s'intéresse ainsi à la dynamique des structures démographiques, aux interférences ethniques, mais également à la dérive numérique de la période actuelle, une période de transition vers une nouvelle économie et une nouvelle société. D'un point de vue géographique, la Roumanie se trouve à un véritable carrefour, entre l'Occident et l'Orient, offrant de nombreux avantages sur lesquels le pays devrait, selon l'auteur, baser sa vision de développement. »

« Pompei Cocean a effectué son activité de recherche scientifique à l'Institut de spéléologie « Emil Racovita ». Il a été doyen de la faculté de géographie et vice-président de l'Université Babes-Bolyai. Il est le fondateur du Centre de géographie régionale et des revues scientifiques Romanian Review of Regional Studies et Geographia Napocensis. »

 

 

Essai, Roman, Roumanie, Vladimir Cretulescu, Florin Turanu, L’Harmattan, Alina Nelega, Florica Courriol, éditions des femmes, Marin Malaicu-Hondrari, Laure Hinckel, InculteMarin Malaicu-Hondrari, Le livre de toutes les intentions, traduit du roumain par Laure Hinckel, Inculte, 2021

« Le narrateur du Livre de toutes les intentions a quitté sa Roumanie natale pour bourlinguer sur les routes d’Espagne et du Portugal, animé par une double obsession : écrire un livre en une nuit et rassembler dans ses pages la vie de tous les grands écrivains suicidés. Qu’il sillonne le pays à bord d’une Lexus « empruntée », garde un garage à l’abandon ou loge dans une sorte de chenil délirant, ses pensées ne s’éloignent jamais vraiment des « embaumés exemplaires », qu’il s’agisse de César Pavese, Sylvia Plath, Cortázar, ou même Diane Arbus, Kurt Cobain. Une femme traverse sa vie, une certaine Iris, qui prend forme dans sa fumée de cigarette ou quand il retrouve « un bout de liste de courses, une pince à linge cassée, quelques grains de riz »…

Dans ce bref récit d’une liberté explosive, Marin Malaicu-Hondrari réussit à mêler road-trip et méditation, amour de la poésie et excès de café, composant de façon inattendue une sorte de galerie à la fois loufoque et érudite des grands suicidés de la littérature, accompagné par une musique endiablée, celle du « tacatacatac ininterrompu des touches » de sa machine à écrire et rêver. »

« Marin Malaicu-Hondrari est né à Sângeorz-Bai en 1971. Cet écrivain roumain, à la fois poète et romancier, est également traducteur de l’espagnol, avec à son palmarès de grands noms comme Roberto Bolaño, Mario Vargas Llosa ou Alejandra Pizarnik. Il a publié un recueil au titre évocateur : Le Vol de la femme au-dessus de l’homme et écrit, en collaboration avec le réalisateur Tudor Giurgiu, le scénario d’après son roman Apropierea pour le film Parking, sorti en 2019. Le livre de toutes les intentions est son premier roman (publié en 2006 en Roumanie). »

https://inculte.fr

 

essai,roman,roumanie,vladimir cretulescu,florin turanu,l’harmattan,alina nelega,florica courriol,éditions des femmes,marin malaicu-hondrari,laure hinckel,inculteCatherine DurandinIrina GridanCécile Folschweiller, 1918. Nation et revolutions, L’Harmattan, 2022

« 1918, annus mirabilis pour les Roumains, année de l'Union, celle qui ouvre la Grande Roumanie, dont le centenaire fut fêté en grande pompe en 2018. Au-delà des commémorations, c'était l'occasion de réinterroger la complexité du moment, du déroulement, des engagements, des narrations. Car les enjeux de 1918 ne sont pas seulement militaires mais aussi politiques, idéologiques, intellectuels. Les acteurs sont roumains mais également européens. Le moment est national et révolutionnaire. Et cet avènement est aussi un écroulement - celui des empires - dont le nouvel État porte une part d'héritage. Cent ans après, onze spécialistes de la Roumanie et de la République de Moldavie revisitent avec acuité ce lieu de mémoire. Les enjeux d'hier éclairent ceux d'aujourd'hui. »

« Sous la direction de : Catherine Durandin, Cécile Folschweiller, Irina Gridan.
Avec les contributions de : Gavin Bowd, Matei Cazacu, Angela Demian, Jean-Noël Grandhomme, Lucie Guesnier, Alina Pavelescu, Fabien Schaeffer, Florin Turcanu. »

17 Jan 18:40

Déportés en URSS. Récits d’Européens au goulag, 1939-1950

by Unknown

C’est en URSS, de 1939 à 1950, que plus d’un million d’Européens furent déportés à des milliers de kilomètres de chez eux dans des camps de travail ou dans des villages isolés en Sibérie ou en pleine steppe du Kazakhstan ou de l’Extrême-Orient russe. Ces déportations se firent dans des conditions effroyables et visaient de nombreux peuples d’Europe : Finlandais de Carélie, Lituaniens, Lettons, Estoniens, Polonais, Ukrainiens, Slovaques et Hongrois de Subcarpathie, Saxons et Souabes de Transylvanie, Grecs et Arméniens de Crimée, Allemands de la mer Noire et de la Volga, etc. C’est tout ce pan de l’histoire européenne, longtemps occulté et dont les responsables n'ont jamais été jugés, qui est raconté dans l’ouvrage ici en référence, à partir de témoignages récoltés par une douzaine d’auteurs qui ont sillonné toute l’Europe, la Russie et le Kazakhstan.

On y lira avec un intérêt tout particulier les témoignages de Iser Šliomovičius, déporté dans la région de l'Altaï (recueilli par Marta Craveri, p.78-86), de Juozas Miliautskas et de Elena Paulauskaitė-Talanina, déportés dans la région d’Irkoutsk en Sibérie (recueillis par Emilia Koustova, p. 228-243) et celui de Rimgaudas Ruzgys, déporté avec toute sa famille en Bouriatie (recueilli par Jurgita Mačiulytė, p. 251-266).

Le livre Déportés en URSS a paru initialement en 2012 aux éditions Autrement sous la direction d’Alain Blum, Marta Craveri et Valérie Nivelon. Épuisé depuis, il vient d’être réédité en 2021. Sur le site web de l’éditeur, il est possible d’écouter en langue originale et en traduction française, les témoignages recueillis des déportés interrogés par les auteurs :
https://www.autrement.com/deportes-en-urss/9782746761827

L’ouvrage prend un sens particulier aujourd’hui au moment où les autorités russes, dans leur souci de réhabiliter la période stalinienne, viennent de dissoudre l’association Mémorial, créée en 1989 avec l'aide du prix Nobel de la paix Andreï Sakharov pour assurer la préservation de la mémoire des victimes du pouvoir soviétique. Notons par ailleurs que ces mêmes autorités russes n’autorisent plus les familles lituaniennes à se rendre sur les lieux de sépulture de leurs membres décédés en Sibérie pour honorer leurs mémoires.

Signalons également trois témoignages de déportées parus dans les Cahiers Lituaniens ces dernières années.
- Celui de Aldona Graužinytė, déportée dans la région de Krasnoïarsk :
http://www.cahiers-lituaniens.org/GRAUZINYTE-MATULEVICIENE-Cinq-ans-deportation-Siberie-n-4-2003.pdf

- Celui de Vanda Juknaitė, exilée sur les rives de la mer de Laptev :
http://www.cahiers-lituaniens.org/JUKNAITE-deportes-de-Laptev-n-6-2005.pdf

- Et le récit d’Elena Žindžiuvienė-Deksnytė, également déportée dans le pays du "Dragon rouge" :
http://www.cahiers-lituaniens.org/ZINDZIUVIENE-DEKSNYTE-La-tour-blanche-n-9-2008.pdf

De nombreux autres témoignages de déportés sont par ailleurs disponibles dans les Archives Sonores des Mémoires Européennes du Goulag :
https://museum.gulagmemories.eu/fr/

 

28 Dec 10:01

LA FENETRE RUSSE de Dragan Velikic

by bejanovska

Parution le 13 janvier 2022

Editions Agullo

Traduit du serbe par Maria Béjanovska

 » Peut-être notre identité véritable se trouve-t-elle dans tout ce qu’on a omis. « 
Pour ce roman explorant l’histoire européenne de la fin du xxe siècle d’un point de vue intime Dragan Velikic a reçu les deux prix littéraires les plus importants en Serbie: le prix NIN et le prix Meša Selimovic en 2007.

Une fenêtre russe est une petite fenêtre encastrée dans une plus grande, utilisée pour la ventilation dans les régions froides ;  » une tentative d’inhaler le monde extérieur sans perdre notre chaleur intérieure « .
La Fenêtre russe met en scène deux personnages principaux : Daniel, un chef d’orchestre âgé, fait le bilan de sa vie, de toutes les opportunités loupées, dans une sorte de confession adressée à Rudi Stupar, jeune comédien raté. À la fin des années 90, ce dernier quitte son pays bombardé et dérive à travers l’Europe de petit boulot en petit boulot, s’inventant des vies, composant et décomposant sa propre personnalité dans un effort constant pour réconcilier la réalité de son existence avec ses attentes et la conviction qu’il accomplirait de grandes choses.

Avec une grande maîtrise narrative, un humour intelligent et une subtile ironie, Dragan Velikic juxtapose les opportunités manquées de chaque personnage avec les chemins qu’il choisit, dépeignant la vie à la fois réelle et imaginaire.
Pour ce roman doux-amer explorant l’histoire européenne de la fin du xxe siècle d’un point de vue à la fois intime et objectif, Dragan Velikic a reçu les deux prix littéraires les plus importants en Serbie et en ex-Yougoslavie – le prix NIN et le prix Meša Selimovic en 2007.
Prix NIN
Prix international Vilenica

PRESSE

DRAGAN VELIKIC – UN PEREC SERBE ET LUCIDE

« Je me demandais comment qualifier ce livre, et la réponse n’est pas simple : il y a du Perec dans la tentative d’épuisement des détails, du vécu et des pensées, comme du ressenti par tous les sens. Un Perec serbe et lucide, sans illusion mais au plus près de l’humain. En tout cas, voilà un style qui ne m’a pas laissé indifférent« . (Jérôme Vaillant : http://songazine.fr/v2/la-fenetre-russe-dragan-velikic/?fbclid=IwAR3HepXMycPQY1l2b9CQP3aPAw–QUJBf0qyylQgnXcwJnKsfpy59UoLReI ( 16 jan. 2022)

LE JARDIN DE NATIORA : https://lejardindenatiora.wordpress.com/2022/01/28/la-fenetre-russe-de-dragan-velikic%ef%bf%bc/#comment-15560

« Cette fois encore, je suis magnétisée par cette écriture d’une beauté incroyable (encore bravo à la traductrice Maria Bejanovska). Dragan Velikić a la tête remplie d’idées et de mots qui nous touchent en plein cœur. Une vision de la vie douce amère, voire acide, en tout cas lucide. Je me suis sentie très proche de ce personnage Rudi, qui tente tant bien que mal de rester sur les rails dans les virages soudains que prend son existence, en quête de la « pure existence » qu’on lui a vantée.« 

extrait : Chacun n’est qu’un wagon, avec ou sans motrice, mais de toute façon un wagon, a dit Danijel le premier matin sur la terrasse de son appartement. Il voyage sur les rails, attend dans les gares, traverse les croisements, s’arrête au signal qu’il ne peut pas prévoir. Il s’accroche, il se décroche, il change de rame et finit sur une voie sans issue, aux rails envahis par les mauvaises herbes.

UN GRAND ROMAN DE DRAGAN VELIKIC !

UNE TRES BELLE TRAVERSEE, REVEUSE COMME DANS TOUT BEAU VOYAGE EN TRAIN.

»https://viduite.wordpress.com/2022/01/30/la-fenetre-russe-dragan-velikic/

« Quel plaisir de trouver un roman de cette densité, un de ceux dont souvent on s’arrête pour noter des citations, dans lequel plus souvent encore on se reconnaît. On pourrait commencer ainsi l’approche de La fenêtre russe : sa grande réussite est la capacité de Dragan Velikic d’y déployer une géographie imaginaire, « une guide touristique pour une ville universelle », intérieur et donc, en partie imaginaire. Tout est dans ce en partie puisque tout roman tient par la distance qu’il instaure avec une réalité reconnaissable par le lecteur, par ses façons de touchers des vies dont le lecteur puisse deviner la cohérence, comprendre le comportement. « Observer le monde de la bonne hauteur. Éloigné, mais si près. » Nous en sommes tous là, non ? Loin de nous-mêmes, idiots, en se sachant que trop que « seul ce qu’on ne peut pas apprendre à du sens.

DES PEPITES SUR LESQUELLES ON A ENVIE DE S’ATTARDER

Un livre dans ma valise; Babelio

« A l’inverse des poupées russes qui s’imbriquent les unes dans les autres, « fenêtre russe » montre tous les possibles, où tout peut être question d’interprétation et de point de vue. Observer le monde en changeant de fenêtre en permanence est un jeu auquel l’auteur s’est adonné pour le plus grand plaisir des lecteurs…. Certaines de ses phrases ou pensées sont des pépites sur lesquelles on a envie de s’attarder. » (Un livre dans ma valise; Babelio)

DRAGAN VELIKIC AU FESTIVAL ATLANTIDES A NANTES

DRAGAN VELIKIC AU FESTIVAL ATLANTIDES A NANTES

DU 24 AU 27 FEVRIER 2022

LA LIBRAIRIE LES PAPIERS COLLES A DRAGUIGNAN

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L’EXPRESS sur LA FENETRE RUSSE de Dragan VELIKIC

LE LIVRE A NE PAS MANQUER!

« UN ROMAN IMPRESSIONNANT D’INGENIOSITE ET D’ACUITE »

« Un roman ironique, à la structure intrigante, déclinée en deux parties qui se répondent et finissent par composer le passionnant tableau de plusieurs générations de Serbes. »

La Fenêtre russe », roman de l’écrivain et diplomate serbe Dragan Velikic, compose le passionnant tableau de plusieurs générations de ses compatriotes

https://www.lexpress.fr/…/la-fenetre-russe-de-dragan… (6 mars 2022)

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LE FIGARO LITTERAIRE sur LA FENETRE RUSSE (le 3 mars 2022)

« Et Velikic nous conte tout cela avec brio, dans une douce mélancolie en noir et blanc, qui s’achève dans une apothéose choral convoquant les principaux acteurs de ce roman profondément touchant ». -(Thierry Clermont)

https://www.lecteurs.com/livre/la-fenetre-russe/5780602 (fév. 2022)

C’est un voyage dans l’espace et le temps, à la fois, et dans l’omniscience de l’intériorité de chacun : c’est tout le principe de cette fenêtre russe. Préserver son intimité tout en s’initiant à la culture d’autrui….Des mondes élastiques, des mondes doubles et multiples, parallèles et convergents, émaillés d’incessantes interrogations, aux frontières toujours mouvantes depuis celles de l’Europe centrale jusqu’à celles de l’appartement familial. (Géraldine C.)

UN IMMENSE TEXTE

27 avril 2022 Julien Delorme

Toujours dans cet incroyable roman, depuis plus d’un mois. Je corne une page sur trois, dans laquelle je trouve des fulgurances. Il y a une dizaine d’années, Claro avait une boutade qu’il répétait souvent en soirée – quand on lui demandait de lire un extrait ; il disait qu’il faudrait des livres qui ne soient fait que d’extraits, ca serait plus facile. Un extrait, c’est souvent une extraction au forceps d’un morceau de texte, un morceau auquel on peut faire dire ce qu’on veut. Ca pourrait être aussi le signe, pour explorer la pire possibilité, d’un livre où l’auteur aurait enfilé des perles, très jolies, mais qui n’ont pas de cohérence bout à bout. Un truc qui ne se tient pas qui est une collection plus qu’une construction. Cette FENÊTRE RUSSE, c’est un livre d’extraits, mais un de ceux, au contraire de ce que je viens de présenter, dans lequel le tout est plus que la somme des parties. Et donc chaque extrait que je pourrais proposer serait très limitatif pour restituer la puissance du texte (et une fois de plus chapeau à la traductrice Maria Bejanovska, et à Agullo Editions pour nous donner à lire en français cet immense texte)

Au temps pour celles et ceux qui croient que l’âge des grands romans psychologiques est terminée, que Dostoievski ou Sartre ont clôturé le sujet, cette Fenêtre Russe dit énormément sur la condition humaine, et elle le dit d’une manière incroyablement intelligente et élégante.

C’est un livre très dense, et il mérite du temps et de l’attention. Tout comme PAPA TOMBE DANS LA LUNE, de Dieudonne Niangouna, quoique dans un style radicalement différent, je vis avec lui depuis plusieurs semaines, j’entrecoupe la lecture de plus courts textes poétiques pour m’accorder des respirations.

LE MONDE DES LIVRES

DEUX VOIX MAJEURES DES LITTERATURES DES BALKANS : DRAGAN VELIKIC ET SEMEZDIN MEHMEDINOVIC

« Puissants, singuliers brillants, intrigants, dérangeants parfois, ces textes baignent dans une ambiance profondément mitteleuropeenne. Des situations aux contours sans cesse mouvants, comme chez Musil. Des personnages à la Singer, agis par la vie plus qu’ils n’agissent sur elle. Un soupçon de nihilisme à la Cioran, un éclat de rire à la Ionesco et une bonne dose d’ironie à la Kundera. ‘Continue, ce n’est pas mal, conclut le héros de Velikic. Si tu t’organises bien, tout sera insignifiant' ». (Florence Noiville, le Monde, 13 mai 2022)


LE TRAIN COMME UNE METAPHORE

« Chacun n’est qu’un wagon, avec ou sans motrice, mais de toute façon un wagon », ajoute le même Danijel. « Il voyage sur les rails, attend dans les gares, traverse les croisements, s’arrête au signal qu’il ne peut pas prévoir. Il s’accroche et se décroche, change de rame et finit sur une voie sans issue, aux rails envahis par les mauvaises herbes. »

« Ce sont toujours ces mêmes vies anonymes qui s’écoulent aux marges des mondes, dans des scénographies similaires », poursuit ailleurs Dragan Velikić. « Ils ne partent jamais, ils sont des figurants dans les représentations des autres, réduits à des meubles, nés sur une voie secondaire, en attente permanente du sifflet et du signal vert. Il n’existe pas d’aiguillage qui les orienterait vers le lointain où l’on respire à pleins poumons. Leur temps s’écoule hors du monde. »

https://www.courrierdesbalkans.fr/Blog-o-La-vie-est-un-exil (Pierre Glachant)

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DRAGAN VELIKIC A LA COMEDIE DU LIVRE A MONTPELLIER, 21 mai 2022

21 Dec 18:11

Livre désirable. Radu Bata, »Le fou rire de la pluie »

by Cristina Hermeziu
Un poème où le mal du pays se dissout comme un carré de chocolat doux-amer, comme une friandise rare, mi-sucrée mi-salée.
12 Dec 16:21

L’Art des pays baltes par Serge Fauchereau

by Unknown

À la suite de la belle exposition Âmes sauvages, qui s’était tenue en 2018 au musée d’Orsay à Paris et qui présentait la peinture des pays baltiques au prisme du symbolisme, un ouvrage vient opportunément de paraître : L’Art des pays baltesde Serge Fauchereau chez Flammarion.

Ce beau livre comble un manque dans la littérature francophone et, de surcroît, le sujet est servi par l’étendue des compétences de l’auteur. Celui-ci est en effet un historien de l’art reconnu, dont  l’œuvre importante – publications sur les mouvements artistiques du XXe siècle, nombreuses monographies ainsi que missions de commissaires d’expositions majeures – est garante de la profondeur de l’analyse.

Voici non seulement un bel ouvrage largement illustré mais aussi un texte dense et très structuré. S’agissant d’États dont l’histoire n’est guère familière à la plupart des lecteurs, une introduction générale, ainsi que des paragraphes liminaires pour chacune des trois parties consacrées respectivement aux trois États, offrent un raccourci qui, bien que synthétique,  permet d’appréhender  le contexte politique et historique des œuvres et des artistes, peintres et sculpteurs présentés , lesquels s’inscrivent dans une période allant du milieu du XXe jusques et y compris le temps soviétique.

C’est à Osvaldas Daugelis, longtemps directeur du Musée Čiurlionis de Kaunas et trop tôt disparu, qu’est dédiée la première partie consacrée à la Lituanie qui s’ouvre par une évocation approfondie de M. K. Čiurlionis, pour se terminer par un chapitre sur une photographe surréaliste peu connue, Domicelė Tarabildienė.

Pour la Lettonie, l’auteur nous fait notamment rencontrer les artistes qui ont construit l’art national autour du Groupe des Artistes de Riga, au tout début de l’indépendance, après la guerre et l’exil. Car pour ce pays, frappé de plein fouet par la guerre et les évacuations, la guerre est un épisode fondateur.

Enfin l’Estonie, dont l’évolution en matière d’art évoque celle des deux autres pays : influence de la guerre, création d’un mouvement national (Pallas), et évolution vers « l’ordre » qui, de choisi devient obligatoire, selon l’expression de l’auteur, sous la houlette du gouvernement autoritaire qui s’installe, comme dans les autres Pays baltiques, avant la Seconde guerre mondiale.

Cette présentation inscrit l’art balte dans le temps long, avec sa continuité et ses ruptures. On passe en effet du symbolisme au cubisme, dans ses diverses déclinaisons, puis aux mouvements avant-gardistes, pour aboutir à un « retour à l’ordre » général, avant la Seconde guerre mondiale, sorte de préparation au réalisme soviétique qui suivra. Le tout  est brossé avec ampleur et remarquablement contextualisé.

Enfin, on voit vivre les groupes d’artistes des tendances modernistes, finement différenciés, les revues et leur circulation, les liens entre littérature et art.  Si certains artistes font l’objet de gros plans éclairants, la diaspora artistique de ces trois pays est largement évoquée et aucun domaine de l’art n’est laissé de côté : peinture, sculpture, gravure, décors de théâtre et d’opéra, arts appliqués, photographie.

Le pavillon commun aux trois pays, lors de l’Exposition Internationale des sciences et des techniques de Paris en 1937, constitue comme un point d’orgue pour les trois régimes autoritaires de l’époque qui, après une plongée dans la modernité veulent donner à voir, outre des réalisations techniques, l’art figuratif, le folklore et l’art populaire après les années de modernisme que décrit cet ouvrage.

Suzanne Plasseraud, plasseraud@orange.fr

 

> L’Art des pays baltes, Serge Fauchereau, Flammarion, 2021, 256 pages, 45 €.
https://editions.flammarion.com/lart-des-pays-baltes/9782080204912


05 Dec 17:54

Olga Tokarczuk, Sur les ossements des morts, Libretto

by Anne-yes

"Un pays est à l'image de ses animaux. De la protection qu'on leur accorde. Si les gens ont un comportement bestial envers les animaux, aucune démocratie ne pourra leur venir en aide. Pas plus qu'autre chose d'ailleurs."

 

 

Janina Doucheyko, la narratrice, vit dans un hameau isolé de Pologne, à la frontière avec la République tchèque. Cette retraitée est l'une des rares habitantes à l'année sur ce plateau où l'hiver dure sept mois.Les deux autres sont Matoga et Grand Pied -des surnoms qu'elle leur a donnés- également vieux célibataires. Quand Grand Pied est retrouvé mort, étouffé par un os de la biche qu'il était en train de manger, Janina ne regrette guère ce voisin déplaisant, grossier et braconnier. Mais voilà que d'autres hommes de la ville voisine sont retrouvés morts. Tous étaient chasseurs et il semblerait que des animaux étaient présents sur le lieu de chacune des morts. Les victimes ne sont certes pas des personnages positifs dans ce roman : ils sont violents et peu respectueux de la loi. Qu'ils se présentent en défenseurs de la culture et protecteurs des animaux excède Janina.

 

 

J'ai trouvé sympathique la narratrice, personnage excentrique qui place les êtres vivants à égalité, animaux ou humains et qui se passionne pour l'astrologie. Elle se procure les dates de naissance des victimes, dresse leur thème astral et en conclu qu'ils ont été tués par des animaux qui se vengeaient de ces chasseurs. Elle écrit de nombreuses lettres à la police pour lui signaler ses conclusions et passe bientôt pour une vieille folle. Elle a heureusement des amis fidèles qui savent la femme intelligente et attentive aux autres qu'elle est et sur lesquels elle peut compter.

 

 

J'ai apprécié la description de la nature dans laquelle vit Janina. Sa solitude face aux éléments me fait parfois penser à l'héroïne du Mur invisible. J'ai apprécié le regard ironique et intelligent que la narratrice porte sur elle-même. Il y a une réflexion sur les souvenirs et le vieillissement qui me touche. J'ai apprécié l'intérêt porté aux animaux et à la préservation de l'environnement. C'est donc un roman que j'ai apprécié.

 

 

Les avis de Ingannmic, KeishaKrol et Lilly.

 





Article original rédigé par Anne-yes et publié sur Mon biblioblog
Reproduction interdite sans autorisation
19 Nov 18:49

Passport. The Litvaks

by Unknown

Depuis quelques années, les Juifs originaires de l’ancien territoire du grand-duché de Lituanie suscitent un intérêt nouveau. Plusieurs ouvrages en anglais et même en français ont ainsi vu le jour depuis le retour à l’indépendance de la Lituanie. Passport. The Litvaks en faut partie. Gros et bel ouvrage en langue anglaise, c’est une initiative originale publiée sous les auspices d’une pléiade d’institutions, tant publiques que privées : ministère lituanien de la Culture, Vilna Gaon Museum, Musée national de Lituanie, Arctic Paper, etc. Le volume se compose de trois parties : les 80 premières pages sont consacrées aux témoignages d’un certain nombre de personnalités d’origine litvake, parmi lesquelles notre chère Irena Veisaite. Puis vient une présentation thématique de l’histoire et de la société litvakes (p.85-272), de la cuisine à la politique. Enfin, les dernières pages (p.276-316) présentent les témoignages d’un certain nombre d’observateurs avertis.
Yves Plasseraud

> Passport. The Litvaks. The Lithuanian Jews, yesterday, today, tomorrow. Lithuanian Identity. Post scriptum, Littera, Vilnius, 2021.

Il est possible de se procurer le livre à l’adresse suivante :
https://www.passport-journal.com/en/product/passport-journal-iii-t-anglu-k/

18 Nov 11:19

Le papillon, Andrus Kivirähk

by theunamedbookshelf

Depuis l’au-delà, August Michelson, ou Mihklisoo comme il s’est nommé lui-même pendant la parenthèse républicaine qu’a connue l’Estonie, décide de nous raconter sa vie, sans garantie aucune de nous dire la vérité, et avec la théâtralité parfois surjouée mais toujours amusante d’un acteur dans l’âme. Il nous parle de ses débuts sur les planches, de sa vie d’ouvrier puis de celle d’acteur qu’il commença par un heureux hasard et grâce à laquelle il rencontra la femme de sa vie. Marquée par les rebondissements politiques d’un pays sans cesse occupé, cette vie ne fut pas toujours rose mais notre narrateur s’applique à en retirer les côtés positifs, et les moments de franche rigolade, même au plus fort de la guerre, et à souligner l’incroyable espoir que maintenait l’Estonia, leur théâtre, dans le coeur des habitants.

Premier livre d’Andrus Kivirähk que je lis, Le papillon m’a séduite par son ton décalé, avec ses interpellations directes au lecteur depuis le royaume d’outre-tombe, et ses constantes plaisanteries ironiques, et par l’astucieux mélange de réalisme et d’imaginaire. Alors que l’auteur semble maîtriser historiquement son sujet, il se focalise sur la vie des gens simples qui firent cette époque, racontant leur vie banale comme il aurait raconté celle de grands héros de la Résistance estonienne. Loin de vouloir en faire des exemples, il nous parle sans détours de leurs faiblesses et de leurs bêtises, nous rendant attachants ces quelques hommes et femmes qui continuèrent à vivre du mieux qu’ils purent alors que la mort rôdait non loin de leur théâtre.

Incorporant au récit quelques épisodes fantastiques, à coup de femmes-oiseaux et de loups-garous, Andrus Kivirähk brise le côté dramatique de son histoire de guerre et de combats, remettant un peu de magie dans une époque qui devait cruellement en manquer. En montrant le pouvoir d’évasion du théâtre, cette réalité annexe qu’il permet de créer pour libérer les hommes d’un présent trop lourd, il nous offre un message d’espoir intemporel et touchant, qui nous fait refermer ce livre le sourire aux lèvres.


Résumé de l’éditeur:

Estonie, début du XXe siècle. Un soir, au sortir de l’usine dans laquelle il travaille, August rencontre par hasard le directeur du théâtre l’Estonia. Il quitte son emploi d’ouvrier et intègre la troupe, qui s’avère aussi loufoque qu’hypersensible : Pinna, le fondateur, les comédiens Alexander, Eeda, Sällik, Oskar… mais aussi Erika, sa future femme, qui rejoint le théâtre peu de temps après lui. Elle symbolisera le Papillon, l’emblème du théâtre, en lui insufflant la légèreté dont le début de siècle prive le pays. Les planches de l’Estonia sont bientôt le seul lieu où la liberté et l’amour peuvent encore résonner, où les rires de l’amitié, les jeux et l’espièglerie ont encore leur place. Mais le théâtre, comme le papillon, est gracile : la brutale réalité du monde s’y invite, et, aux alentours, le chien gris qui la représente rôde et menace de soumettre cette troupe de rêveurs solidaires à la violence, à la séparation et à la mort.


Une illusion, de part en part, voilà ce qu’était cette vie que nous montrions sur scène : une illusion de toute beauté ! Si quelqu’un mourait, c’était élégamment, dans son lit, dispensant aux pleureurs rassemblés autour de lui quelques paroles édifiantes et pardonnant à ses ennemis le mal qu’ils lui avaient fait ; aucune bombe ne réduisait qui que ce soit en miettes, personne ne hurlait au fond d’une tranchée, en proie à une cruelle agonie. Il est facile de comprendre pourquoi le chien gris courait autour du bâtiment en glapissant férocement et pourquoi, lorsqu’il apercevait un comédien, ses poils se dressaient sur son échine. Derrière les murs de l’Estonia, on vivait une vie qui ne se pliait pas à ses lois ; c’était une tour d’ivoire, pour l’escalade de laquelle ses griffes s’avéraient trop émoussées. C’était une cita­delle.

Plus d’informations et de citations sur Babelio.

17 Nov 13:14

Saul Bellow et Norman Manea. Une conversation ininterrompue

by Cristina Hermeziu
Les lecteurs de Ravelstein (Saul Bellow, 2000) ou ceux du Retour du hooligan (Norman Manea, 2003) vont trouver jubilatoire le spectacle des idées qui naissent et l’énergie de la pensée qui s’auto-réfléchit dans cette conversation « ininterrompue » entre deux grands écrivains des Etats-Unis et de l’Europe.
07 Nov 17:15

MIRACLE À LA COMBE AUX ASPICS

by A_girl_from_earth
 
MIRACLE À LA COMBE AUX ASPICS

traduit du croate par Marko Despot

Un roman qui ne paie pas de mine comme ça au premier abord mais dont la mention "coup de coeur" dans une petite librairie à Beaune a attiré mon attention. Traduit du croate... Hmm... Intéressant ! Justement, je recherchais depuis un moment des recommandations côté littérature croate. 
Un rapide coup d'oeil à la quatrième de couv qui décrit ce road-movie littéraire comme une comédie hilarante achève de me convaincre.
L'histoire commence dans un hameau déserté en haut des montagnes, où ne résident plus que Jozo Aspic et ses quatre fils. Depuis la mort de sa femme qui s'était résignée à cette vie fruste, ils vivent en totale autarcie et n'admettent l'ingérence d'aucune autorité extérieure au sein de leur petite communauté.
LIRE LA SUITE...
07 Oct 15:03

J’étais libre libre libre

by Laure Hinckel
Il y a des livres qui vous font repartir. A bord d’une Lexus, comme le héros de Marin Mălaicu-Hondrari, ou dans une Audi achetée d’occasion, 140 CH, intérieur cossu, ou encore à pied, tout simplement – mais il faudra plus d’abnégation. Le livre de toutes les intentions fait partie de ces livres essentiels qui vous … Read More
07 Oct 15:02

Détours

by Laure Hinckel
Le Livre de toutes les intentions Kleist ouvre la danse. Marin Mălaicu-Hondrari écrit « Kleist – cel mai avid dintre toţi. » Le plus avide? Dans une première version en 2011, j’avais écrit « insatiable ». « Kleist – le plus insatiable de tous ». Une première phrase énigmatique. Avide de quoi? Insatiable ? Aujourd’hui, je vais préférer  » Kleist – … Read More
07 Oct 14:44

Mendelssohn est sur le toit

by Sylvie

Auteur: Jiri Weil

Editeur: Le Nouvel Attila – 2020 (304 pages)

Lu en septembre 2021

Mon avis: 1941, Prague est à l’heure nazie depuis l’annexion de la région de Bohème-Moravie par le Troisième Reich. A la tête du protectorat, Reinhard Heydrich, par ailleurs investi de la suprême mission consistant à organiser la logistique de la « solution finale ». Pour ce qui concerne Prague et le territoire qui correspond à peu près à l’actuelle Tchéquie, la mortelle entreprise est d’ailleurs déjà en place : au fur et à mesure que les Juifs ne sont plus utiles aux nazis, ils sont arrêtés, envoyés dans le ghetto de la petite ville-forteresse de Terezin (Theresienstadt), avant d’être déportés vers les camps de la mort.

Mais Heydrich n’est pas qu’un sociopathe sadique maître ès planification. Il est aussi cultivé, mélomane et imprégné d’idéologie nazie jusqu’au bout des ongles. Aussi, lorsqu’un soir après l’opéra il aperçoit sur le toit la statue de Mendelssohn, compositeur d’origine juive, il entre dans une colère noire et ordonne que la statue soit déboulonnée toutes affaires cessantes. S’ensuit un branle-bas de combat dans la sous-hiérarchie SS, dans la bureaucratie tchèque locale et parmi les ouvriers de la mairie envoyés sur le toit. Mais pas un seul ne s’avère capable d’identifier l’intrus parmi toutes les statues, aucune ne portant de plaque nominative. Il faut pourtant bien exécuter la mission, sous peine de sanctions terribles. On se décide donc pour la statue qui a le plus gros nez (trait physique distinctif des Juifs, c’est bien connu…), et c’est ainsi que Wagner, compositeur fétiche des nazis, faillit être déboulonné. La catastrophe est frôlée, mais finalement Mendelssohn est repéré et abattu.

C’est sur cette anecdote que s’ouvre le roman de Jiri Weil. Cocasse et ridiculisant les nazis, elle ne donne cependant pas le ton du livre, puisque, à partir de là, on n’en finira plus de s’enfoncer dans l’horreur et la tragédie. Jiri Weil, lui-même réchappé de la déportation après avoir organisé son faux suicide et être entré dans la clandestinité, livre une chronique de Prague-la-désespérée, de 1941 à 1943. Peu touchée par les bombardements, la ville a conservé beaucoup de sa splendeur, figée dans la pierre. Mais ses habitants, Juifs ou non, n’en finissent pas de s’éteindre sous l’oppression. Du collabo au résistant, Jiri Weil décrit toute la gamme de ceux qui cherchent à survivre, qui aident leur prochain et/ou s’arrangent avec l’ennemi pour gagner du temps avant la fin. Leur propre fin, ou celle du régime nazi, puisque les rumeurs, étouffées, en provenance de Stalingrad semblent annoncer la débâcle du Reich. Qu’ils en soient conscients ou non, les Juifs de Prague sont coincés dans une sorte de compte-à-rebours horrible, et ce n’est pas l’assassinat de Heydrich en mai 1942 qui arrêtera le temps, au contraire.

Les habitants de Prague s’agitent et se débattent avec la vie et la mort, les privations et le désespoir, sous les yeux des SS sanguinaires et de la bureaucratie SS indifférente mais qui s’en met plein les poches en confisquant les biens des Juifs. Sous le regard des statues aussi : celle du Commandeur de l’opéra auquel assiste Heydrich, celle de la Justice qui s’effondre sous les coups de masse, celle de l’Ange aux ailes creuses remplies de viande qui nourrira le ghetto pendant un jour ou deux, celle que devient ce médecin juif atteint de la maladie de la pierre…

Terrible roman sur la déshumanisation, la violence banale et gratuite, la spoliation des biens, le courage et la lâcheté. Sarcastique, ironique, cruel, déchirant dans les scènes de la pendaison à Terezin et des fillettes tabassées, « Mendelssohn est sur le toit » est un grand roman, bouleversant et (encore et toujours) nécessaire.

Présentation par l’éditeur:

Prague, octobre 1941. Reinhard Heydrich, protecteur de Bohême mélomane, s’évertue à déboulonner de l’Opéra la statue de Mendesshon. En vain, car personne n’arrive à identifier Mendelssohn : il n’y a pas de plaque sous les statues… en cherchant celle qui a le plus gros nez, ils tombent sur la statue de Wagner !

Ainsi commencent le récit et les malheurs des petits fonctionnaires tchèques chargés de la purification du Prague… Sauf que Heydrich a vraiment existé, il était même chargé de penser la « solution finale ». Son assassinat par un commando de résistants tchèques a déclenché une répression atroce. Jiri Weil fait partie des quelques milliers de juifs qui ont survécu : il a conçu ce livre en 1946, pour conjurer son histoire et ses années de clandestinité. Une histoire cruelle et lucide, comique et douloureuse des juifs et des nazis où, comme chez Bruno Schulz ou Edgar Hilsenrath, le sarcasme et la bouffonnerie côtoient la tragédie.

Evaluation :

L’article Mendelssohn est sur le toit est apparu en premier sur Voyages au fil des pages.

07 Oct 08:31

Des âmes vagabondes

by Temps de lecture
#blog-littéraire #chronique-littéraire #littérature-bulgare #poésie #editions-le-soupirail #poésie-bulgare Ces quatorze « âmes vagabondes » constituent une anthologie des poètes symbolistes bulgares les plus emblématiques du début du XXe siècle et ne manqueront pas d’étonner le lecteur français tant leurs poèmes, fortement marqués par la philosophie de Schopenhauer et de Nietzsche, nourris d’influences russes, allemandes et polonaises, révèlent,... Lire la Suite →
23 Sep 16:51

Désolé, mais je dois y aller, y a l’ange qui m’appelle.

by nathalie

 Petru Cimpoeṣu, Siméon l’Ascenseurite, parution originale 2001, traduit du roumain par Dominique Ilea, édité en France par Ginkgo.

 

Dans les années 90, dans HLM d’une petite ville de Roumanie, les habitants vaquent à leurs occupations, tandis que l’ascenseur est (encore) bloqué. L’un rêve de gagner à la loterie, l’une donne des rendez-vous à un monsieur dont nous tairons le nom, l’un donne des cours de yoga orgasmiques, l’autre répare sa moto, etc. Finalement, il faut bien se rendre compte que si cet ascenseur est bloqué, c’est parce que le cordonnier Siméon s’y est installé pour méditer. Et le lecteur doit bien se rendre compte aussi que les noms de tous les personnages fleurent bon l’Antiquité tardive aussi.


Cette méthode à validité universelle, unanimement connue sous le nom de « pipeau », prouve en toute circonstance son efficacité.


C’est un joli portrait plein d’humour de la Roumanie des petites gens. Ceux qui affrontent les coupures d’eau chaude, le boucan de leur voisin et leurs désirs d’ascension sociale qui retombent comme un soufflé. Des gens qui se posent volontiers des problèmes existentiels (et Dieu dans tout ça ? Et Ceauşescu ?). On a la sensation d’une grande farce où chacun cherche à se fabriquer ses propres repères et à se raccrocher à quelque chose qui aurait du sens. Le communisme s’est effondré et le capitalisme… n’est guère concluant, la religion est insatisfaisante, bien qu’il doive bien y avoir un sens à tout cela. Peut-être que les paraboles du cordonnier les aideront ?


Mme Alice avait découvert, à son propre compte, et quelque peu par hasard, que les règles de la vie chrétienne sont comme les règles grammaticales. Quoique très rigoureuses, et on ne peut plus détaillées, on ne risque pratiquement rien en les enfreignant. Cependant, il vaut mieux les observer, puisque c’est la tradition.


Il y a un appel téléphonique à l’horloge parlante, une inauguration de statue complètement ratée, un séisme créé par une moto et une histoire : comment Dieu a partagé les dons entre les différentes nations à la création du Monde et comment la Roumanie s’est retrouvée avec un fil de fer.

Le roman cite un grand nombre d’intellectuels, d’hommes politiques et d’écrivains roumains (dont Mircea Cărtărescu !), ce qui souligne l’aspect parodique du texte, même si le lecteur français n’y comprend pas grand-chose.

L’auteur fait preuve d’une grande ironie, tendresse et compréhension pour des personnages qui, après tout, n’y peuvent pas grand-chose si tout va à vau l’eau.


Jusqu’en 1989, les Roumains ignoraient ce qu’une campagne électorale signifiait au juste ; en revanche, ils savaient que, chaque fois que les magasins d’alimentation proposaient du salami et de la feta, il fallait voter Ceauşescu. Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Dès qu’il s’agit d’élections, tout peut arriver, même l’imprévisible.

Panneau avec Saint Siméon le stylite (Syrie V-VIe siècle) Bode museum

 

Un extrait de mon précédent billet :

"La plupart des personnages ont des noms appartenant aux premiers siècles du christianisme : Siméon, Pélagie, Hélène, Alice, Basile, Thémistocle… Je suppose que saisir ces allusions apporte quelque chose mais on peut aussi simplement sourire du contraste entre ces noms ronflants et les personnages associés. M. Nicostrate est ainsi un professeur de yoga, option éveil sexuel, dont Melle Zénobie est une fervente disciple. Quant aux pèlerins de Siméon, il s’agit ici des locataires venant boire des bières dans la cage d’escalier."

Notez que si vous avez séché les cours sur le début de l’érémitisme et sur la Syrie des premiers temps du christianisme, ce n’est pas grave.

 

Un extrait du billet de Keisha :

"Tous discutent, se disputent, sous l'oeil omniscient de l'auteur qui profite de cette fable fantaisiste pour évoquer les problèmes certains de la Roumanie d'après Ceaucescu (et d'avant, un peu)."

 

Apparemment c’est le seul roman traduit en français de l'auteur, mais un autre a été traduit en espagnol.


16 Sep 17:29

Le film “Lituanie, ma liberté” le 10 novembre à Strasbourg

by Unknown

Le mercredi 10 novembre prochain à 17h30 sera projeté le film documentaire “Lituanie, mano laisvė” à l’auditorium de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNU). Il s’agit d’une interprétation libre et contemporaine de l’aventure lituanienne à Paris en 1919. La réalisatrice Martina Jablonskytė décrit ainsi son film : « Les Lituaniens s’y sont réunis non pas pour admirer la Tour Eiffel mais pour annoncer au monde entier qu’ils voulaient créer leur propre État. Il s’appellera la Lituanie. Le Paris d’après-guerre était un lieu idéal pour de telles déclarations. Accompagnés d’une Lituanienne curieuse qui a grandi à Paris, nous rencontrerons des personnalités intéressantes, errerons dans les archives à la recherche de photos et de cadres de films grâce auxquels nous composons une mosaïque de l’histoire qui a eu lieu il y a cent ans. »

La projection a été initiée par l'Association Alsace-Lituanie à l’occasion de son 30e anniversaire et bénéficie du soutien du Consulat honoraire de Lituanie à Strasbourg, de l'Ambassade de Lituanie à Paris et de la Représentation Permanente de la Lituanie auprès du Conseil de l'Europe.

Mercredi 10 novembre 2021 à 17:30  │ BNU, place de la République - Auditorium 1er étage  │ Gratuit, sur réservation.

https://www.bnu.fr/fr/evenements-culturels/agenda-culturel/lituanie-ma-liberte-en-1919

12 Aug 09:32

le Retour du Hooligan – Norman Manea

by Miriam Panigel

LIRE POUR LA ROUMANIE

 

« Hooligan ? Qu’est-ce qu’un hooligan ? Un déraciné, un non-aligné, un marginal ? Un exilé ? 

Un déraciné, un exilé, un dissident : est-ce cela, être un hooligan juif ? Et l’anti-parti, l’extraterritorial, l’apatride
cosmopolite qui te parle, quelle sorte de hooligan est-il ? »

Norman Manea, écrivain roumain, exilé aux Etats Unis depuis 1988, accompagne un ami musicien à Bucarest en 1997 où il n’est jamais retourné. Ce livre s’articule en plusieurs parties, tout d’abord avant le départ, les hésitations de celui qui a fui le régime communiste. Il a écrit un essai critiquant le soutien de  Mircea Eliade  au mouvement nationaliste La Garde de Fer antisémite, a été accusé de blasphème et de trahison par les patriotes locaux  et par la presse de la nouvelle démocratie. Critique aussi de l’écrivain  juif Sebastian qui  ne s’est pas désolidarisé de Mircea Eliade . Les  Hooligans sont justement le titre d’un livre Eliade. Sebastian a aussi  utilisé  le mot « Hooligan »  dans un ses titres Comment je suis devenu un hooligan? Ce livre s’annonce donc comme très littéraire en ce qui concerne la littérature et l’histoire roumaine. Heureusement, j’ai déjà entendu cette histoire dans plusieurs livres (Eugenia de Lionel Duroy et Athénée Palace de Rosie).

 

Après ces préambules, Manea raconte son histoire et celle de sa famille à Suceava, en Bucovine, histoire d’une famille juive dans les années 30, « années hooliganiques » qui sera déportée en Transnistrie en 1941, et reviendra en 1945 à 9 ans. En même temps que le communisme s’installe en Roumanie, le jeune garçon est enrôlé comme pionnier tandis que son père, comptable dans une sucrerie, se voit offrir la carte du parti et promu directeur du « commerce socialiste ». L’utopie  séduisante, tout d’abord, se révèle mortifère. Piégé, son père est condamné aux travaux forcés dans le camp de Periprava. Norman Manea, ingénieur hydraulicien, mène sa carrière d’écrivain et son travail d’ingénieur. La seule solution pour survivre : l’exil. Nombreux sont ceux qui ont émigré, en Israël ou ailleurs. Manea ira aux Etats Unis, accueilli par une université en 1988. 

 » Captivité et liberté ne cesseraient jamais, au cours des quarante années suivantes, leurs improbables négociations, leurs compromis et complicités de tous les instants, leurs escapades vers des refuges, des compensations secrètes. L’Initiation se poursuivait, et le prisonnier attaché au pilier de granit socialiste persistait à rêver, comme tous les prisonniers, de délivrance et d’évasion. Mais entre-temps, il s’était lui-même enchaîné, Ulysse immature, à sa table à écrire. »

Après avoir fait part de ses doutes, de ses craintes, de ses hésitations, il raconte par le menu son retour, une dizaine de jours du 21 avril au 2 mai 1997. L’écrivain  célèbre est invité à des festivités officielles, au Séder de Pâques de la Communauté juive. Il retrouve ses amis, ses anciens collègues. il voyage à travers le pays. Plus éprouvant, il se rend sur la tombe de sa mère qu’il n’avait pas revue. Et c’est l’occasion de présenter toute une galerie de personnages, intellectuels ou politiques. Occasion aussi de faire le point sur la situation du pays après la chute des Ceausescu. C’est intéressant mais il y a des longueurs pour le lecteur qui ne connaît pas la Roumanie et les arcanes de sa bureaucratie. J’ai préféré la première partie, plus personnelle, plus intime.  

Ce qui me retenait en Roumanie n’était pas la religion ni le nationalisme, mais la langue, et les chimères qu’elle me
faisait entrevoir. Et aussi, naturellement, pour le meilleur et le pire, ma vie entière, dont elles étaient l’essence.

C’est aussi une réflexion sur l’identité. L’écrivain est attaché à la langue roumaine. Religion ou nationalisme ne le concernent pas, écrire en Roumain, entendre parler Roumain constituent le principal de la personnalité de l’auteur.

C’est bien sûr une critique mais critique avec humour!

Un milicien envoyé d’urgence dans le grand hôpital psychiatrique de la capitale resta interdit devant les fous qui, se
contaminant mutuellement, s’écriaient allégrement ici et là : « À bas le communisme ! À bas le Conducător ! »
Alors qu’il s’apprêtait à les arrêter, il s’était heurté à l’opposition du directeur. « Nous sommes dans
un asile de fous. De fous, ne l’oubliez pas ! » Ce à quoi le policier rétorqua, avec un parfait bon sens :
« Fous ? Comment ça, fous ? Mais alors, pourquoi ne crient-ils pas : “Vive le Communisme, vive le
Conducător” ? » Il formulait, sans le vouloir, toute l’ambiguïté de la maladie nationale.

 

 

 

 

10 Aug 17:49

Et on entendait les grillons, de Corina Sabău

by Emmanuelle Caminade
Corina Sabău est journaliste, scénariste et romancière. Son troisième roman , publié en 2019 en Roumanie, est le premier à être traduit en français par Florica Courriol, à qui l'on doit la découverte de nombre d'oeuvres marquantes de la littérature roumaine...
10 Aug 17:47

L’ÉTÉ OÙ MAMAN A EU LES YEUX VERTS – Tatiana Tibuleac

by meellaa

«Ce matin-là, alors que je la haïssais plus que jamais, maman venait d’avoir trente-neuf ans. Elle était petite et grosse, bête et laide. C’était la maman la plus inutile de toutes celles qui n’ont jamais existé. Je la regardais par la fenêtre, plantée comme une mendiante à la porte de l’école. Je l’aurais tuée rien que d’y penser.» 

Ces premiers mots durs, intrigants, ouvrent l’histoire singulière et inoubliable de L’été où maman a eu les yeux verts.

Aleksy, le narrateur, déteste sa mère. La violence et le dégoût qu’il affiche envers elle, sa vision noire de la vie, n’en font pas un ami du lecteur. Les paroles d’Aleksy repoussent.  

«Maman avait des yeux verts tellement beaux qu’ils semblaient être une erreur, pour qu’on les gaspille sur un visage aussi ingrat que le sien.»

Au fil de brefs chapitres, nous découvrons les casseroles que traîne la famille d’Aleksy. Et alors, le rejet fait place à l’empathie. Une mère broyée par le chagrin et les regrets. Un père qui a quitté le navire. Un enfant traumatisé, sans moyen de compréhension, psychotique et violent. Le poids de leurs vies pèsent sur les épaules du lecteur.

Mais, un rayon de soleil filtre. Une maisonnette louée dans un petit village du nord de la France. La mère, le fils.

Elle, elle est venue y mourir. Lui, il va apprendre. Leur relation, se métamorphoser. Leur amour, se révéler. Timidement, avec difficulté, le soleil tout entier pénètre ce foyer d’un été. 

«(…), je lui demandé pourquoi elle s’était coiffé pendant toutes ces années d’une queue-de-cheval, et pourquoi elle n’avait pas les cheveux courts comme maintenant. Maman a parlé une heure. En résumé, sa réponse a été qu’une décision idiote résultait toujours d’une autre décision idiote. Une vêtement moche et bon marché attire un autre vêtement moche et bon marché. Une gifle pardonnée sera immanquablement suivie d’un coup de poing, et un mensonge que l’on croit se transformera en un cimetière de vérités. Sa queue-de-cheval, dont elle savait très bien qu’elle nous tapait sur le système, était un prolongement de sa vie triste et dépourvue de sens. Mais, si elle n’avait changé que de coiffure, le reste n’en aurait été que plus évident.»

Des années plus tard, devenu peintre célèbre, Aleksy tente de panser ses blessures en se souvenant. De cet été, celui du premier amour. Et de la suite, terrible.

La sincérité de ce texte apprivoise le coeur du lecteur. Malgré la rudesse des mots, la beauté est partout. Dans le jardin de la petite maison normande, dans l’attente interminable d’Aleksy pour apercevoir un instant la fille aimée, dans les paroles d’une mère à la vie gâchée, dans la rage et la révolte d’un fils.

L’été où maman a eu les yeux verts rappelle combien il est urgent de vivre.

 

 

La lecture de ce titre me confirme que les blogs littéraires ont encore toute leur raison d’être. Sans avoir lu la chronique enthousiaste de hop! sous la couette, je n’aurais certainement pas eu la chance de tomber sur la plume remarquable de l’auteure moldave Tatiana Ţîbuleac. Mais finalement, les joyaux sont souvent cachés.

Éditions des Syrtes, 2018, 170 pages, titre original «Vara în care mama a avut ochii verzi», traduit du roumain par Philippe Loubière.

14 May 17:04

Quelques parutions récentes

by noreply@hautetfort.com (livresrhôneroumanie)

Essai, Théâtre, Roman, Roumanie, Norman Manea, Nicolas Véron, Odile Serre, Olivier Guez, Nicoleta Esinencu, Nicolas Cavaillès, Oana Lohan, Florina Ilis, Marily Le Nir, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, Points, L’Arche, Les éditions du chemin de fer, Éditions des Syrtes, Le Matricule des anges.Norman Manea, Le retour du hooligan, traduit du roumain par Nicolas Véron et Odile Serre, préface d’Olivier Guez, Points, 2021

"Qu'est-ce qu'un hooligan ? Un déraciné, un non-aligné, un marginal ? Un exilé ?"

« L’exil a duré dix ans. Norman Manea revient dans sa Roumanie natale où le communisme s'est effondré, mais où rien n'a vraiment changé. Entre réalité et fiction, le souvenir affleure : sa mère est morte, le communisme s’est effondré et les fantômes du passé voilent son regard. Reste la douleur lancinante d’avoir fui sa patrie véritable : sa langue maternelle.

Né en 1936 à Bucovine, Norman Manea s'est exilé aux États-Unis en 1987. Auteur d'une dizaine de romans, il est l'écrivain roumain contemporain le plus traduit. Le Retour du hooligan a reçu le prix Médicis étranger 2006. »

 

Essai, Théâtre, Roman, Roumanie, Norman Manea, Nicolas Véron, Odile Serre, Olivier Guez, Nicoleta Esinencu, Nicolas Cavaillès, Oana Lohan, Florina Ilis, Marily Le Nir, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, Points, L’Arche, Les éditions du chemin de fer, Éditions des Syrtes, Le Matricule des anges.Nicoleta Esinencu, L'Évangile selon Marie – Trilogie, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, L’Arche, 2021

« Au commencement était le Verbe

Et l’homme accapara le Verbe...

Et l’homme dit à la femme de se taire. »

« L’Évangile selon MarieL’Apocalypse selon Lilith et L’Arche de Noréa célèbrent la parole de la Femme, libérée des violences subies au sein des sociétés patriarcales. Une nouvelle Bible s’écrit au travers de trois dissidentes : Marie Madeleine, Lilith et Noréa. Animée d’un souffle poétique libérateur, cette trilogie mêle souvenirs d’enfance, détournement de prières traditionnelles, et récits de femmes de différentes générations, classes et cultures. Dans cette nouvelle liturgie, Nicoleta Esinencu abat les piliers des civilisations occidentales essoufflées, en faveur d’une reconstruction du monde au féminin.

Ce recueil est composé des textes suivants :

  • L'Évangile selon Marie (Evanghelia după Maria, traduction Nicolas Cavaillès)
  • L'Apocalypse selon Lilith (Apocalipsa după Lilith, traduction Nicolas Cavaillès)
  • L'Arche de Noréa (Arca Noreei, traduction Nicolas Cavaillès). »

 

 

Essai, Théâtre, Roman, Roumanie, Norman Manea, Nicolas Véron, Odile Serre, Olivier Guez, Nicoleta Esinencu, Nicolas Cavaillès, Oana Lohan, Florina Ilis, Marily Le Nir, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, Points, L’Arche, Les éditions du chemin de fer, Éditions des Syrtes, Le Matricule des anges.Oana Lohan, Mars violet, Les éditions du chemin de fer, 2021

“Se barrer à vingt ans d’un pays qui sort d’une dictature atroce et ouvre ses frontières, rien d’étonnant là-dedans. Franchement ça a été la première chose réellement bandante qu’elle ait faite depuis sa naissance. Ou presque.”

« Mars Violet est un roman total, un roman monstre. Oana Lohan, met tout ce qui fait sa vie, son éducation, la révolution, les blessures et les deuils, la fuite, l’exil ou le retour, les amours et les errances dans ce texte furieusement intime et complètement rock.

Le pivot du livre, c’est une nuit de décembre 89 aujourd’hui entrée dans l’histoire, le soir où les Ceausescu vont tomber, le jour où la Roumanie communiste va finir, pour entrer tout à trac dans le magma du capitalisme sauvage. Mais cette Histoire avec un H majuscule a une tout autre saveur quand elle est vécue au ras des événements, quand elle est racontée à chaud par une jeune fille un peu bizarre et son groupe d’amis, partis à la recherche d’un des leurs disparu, eux-mêmes égarés dans les circonvolutions d’une nuit de révolution qui mêle la panique à l’exaltation, l’incompréhension à l’inquiétude.

Oana Lohan tisse une toile narrative complexe où se croisent des souvenirs d’enfance, ceux de la Roumanie communiste dans laquelle elle a grandi, des souvenirs plus intimes ou formateurs, ceux de l’Europe postcommuniste où elle a poursuivi sa voie et sa soif d’expérience de la fin des années 80 à nos jours. On y croise une foule de personnages décrits en touches de couleurs vives qui dresse, au-delà du portrait autobiographique, le portrait intime et déjanté d’un pays aujourd’hui disparu, la Roumanie d’avant 89.

Ce roman est un alcool fort que l’on déguste en gorgées avides »

 

Essai, Théâtre, Roman, Roumanie, Norman Manea, Nicolas Véron, Odile Serre, Olivier Guez, Nicoleta Esinencu, Nicolas Cavaillès, Oana Lohan, Florina Ilis, Marily Le Nir, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, Points, L’Arche, Les éditions du chemin de fer, Éditions des Syrtes, Le Matricule des anges.Florina Ilis, Le livre des nombres, traduit du roumain par Marily Le Nir, Éditions des Syrtes, 2021

« Le Livre des nombres est un roman monumental, à la fois fresque historique, saga familiale et monographie d’un village d’Europe centrale. Il embrasse un siècle de l’histoire mouvementée de la Transylvanie, ballottée entre l’Empire austro-hongrois, la Hongrie puis la Roumanie, tragiquement secouée par l’instauration du régime communiste.

Le lecteur est plongé dans l’entreprise d’un auteur qui tente d’écrire la chronique de sa famille. Il s’y emploie en interrogeant ses proches, en feuilletant des albums de photographies, en fouillant dans les archives de la police secrète, en lisant des Mémoires ou en écoutant des bandes magnétiques ; mais aussi en faisant appel à son imaginaire capable de toutes les transgressions. Peu à peu, devant ses yeux, se tisse ainsi l’épopée de deux familles apparentées, sur quatre générations, qui trouve des échos incessants dans le présent. Grâce à une construction littéraire magistrale, les disparus se racontent autant que les survivants ou leurs descendants. Et leur parole recompose la mémoire collective et un arbre généalogique séculaire, bien ancré dans la terre, dont les branches déploient des noms que l’Histoire n’a pas retenus.

Née en 1968, Florina Ilis est sans doute l’écrivaine la plus douée de sa génération et l’une des grandes plumes de littérature roumaine contemporaine. Elle débute en 2000 avec un recueil de haïkus, mélange de poésie et de calligraphie.
En 2010 paraît en français La Croisade des enfants et en 2015, Les Vies parallèles.
Outre le prix Courrier international du meilleur roman étranger 2010 pour La Croisade des enfants, elle est lauréate de nombreux prix littéraires roumains et internationaux. »

 

Le Matricule des anges (« le mensuel de la littérature contemporaine ») n° 223, mai 2021, contient plusieurs articles sur des livres roumains ou franco-roumains : L'Évangile selon Marie de Nicoleta Esinencu, Mars violet d’Oana Lohan, Le livre des nombres de Florina Ilis, Solénoïde de Mircea Cărtărescu, traduit par Laure Hinckel, réédité chez Points (http://jplongre.hautetfort.com/archive/2019/12/12/tout-est-reel-toujours-6197393.html#more).

24 Apr 17:31

Alina Nelega Comme si de rien n’était/ le silence des mots

by Litterama (Les femmes en littérature)

Alina Nelega Comme si de rien n’était, traduit du roumain par Florica Courriol, 2021, des femmes-Antoinette Fouque

La littérature roumaine possède une extrême vitalité, déjà éprouvée avec Gabriela Adamesteanu et Adina Rosetti , Marta Petreu, et pour la poésie avec la grande poétesse Ana Blandiana.

Alina Nelega, revisite la dernière décennie de la dictature Ceausescu à travers le destin de deux femmes, Nana et Cristina, dont les amours interdites par le régime  ne peuvent se vivre qu’à travers la clandestinité dans une société extrêment corrompue où tout se monnaye à coups de billets et de faveurs sexuelles.

A la violence étatique répond la violence d’une société extrêmement patriarcale, qui s’amplifient l’une l’autre, créant un enfermement, une peur sourde, rampante, quotidienne qui mine le fond des êtres, leur intériorité, jusqu’à leurs corps même.

Alina Nelega en démonte les mécanismes, car ce n’est pas de la terreur, non, mais « une brume légère qui descend peu à peu, invisible au début, telle une toile d’araignée qui se tisse dans un coin et qu’on ne remarque pas, puisqu’elle s’étend à chaque instant sans se faire remarquer. »

En effet, dans cet univers de faux-semblants où aucune parole sincère ne peut s’émettre, tout se passe comme si de rien n’était. Il faut faire comme si tout était normal, les coupures d’électricité, les magasins vides, l’interdiction de voyager et tutti quanti.

Cristina est adolescente dans les années 1980 et a une passion pour l’écriture. Mais comment écrire avec cette censure permanente ? Elle ne cesse d’écrire dans sa tête même lorsque ses mains, ses doigts restent silencieux, engourdis, pris dans la toile. Un texte, des mots, sont autant de preuves contre vous dans une société où existent les mots autorisés et les autres.

Elle aime Nana qui entreprend des études de théâtre dans un répertoire cadenassé, limité le plus souvent au folklore. Tout devient subversif dès lors qu’on ne respecte pas les codes, arbitraires, parfois absurdes et changeants fixés par le régime.

Les mots restent donc silencieux, ne peuvent ni s’inscrire dans le corps, ni se vivre, sinon dans des échanges mesurés, surveillés, commentés.

La sécuritate règne, et traque les mots interdits, dans une société verrouillée où l’on est parfois à soi-même son propre tombeau, enfermé dans une intériorité comme un no man’s land.

Le talent d’Alina Nelega est de dynamiter les tabous, avec une extrême précision narrative, même si elle cultive parfois l’ellipse, l’allusion (mais n’est-ce pas ainsi dans cette société qu’elle décrit et où tout se dit de manière détournée ?) dans un style contemporain et novateur, où des changements d’angle surviennent dans le récit, où les prises de paroles peuvent se fondre dans la narration, sans tiret, et le dialogue passer parfois du discours direct au discours indirect, créant une fluidité entre l’intérieur et l’extérieur, le dialogue, et le monologue intérieur,  une étrangeté qui rend ce style très poétique.

J’ai vraiment pris le temps de lire ce livre, de le laisser et d’y retourner, de lire et de relire.

Un beau texte.

16 Mar 17:21

Attention, livre désirable ! « Le livre des nombres » de Florina Ilis

by Cristina Hermeziu
J’aime la respiration large des romanciers, j’aime leur obstination d’échafauder des cathédrales de papier solides, imposantes, insurpassables. Portée par un souffle de monumentalité - Le Livre des nombres de Florina Ilis a plus de 500 pages -, cette saga transylvaine s’ouvre sur des scènes d’une beauté ancestrale époustouflante. Soudain, un paysan veut tuer ses bœufs...
14 Mar 11:30

le Cahier volé à Vinkovici – Dragan Velikic

by Miriam Panigel

Littérature d’Ex-Yougoslavie ou de Serbie?

Dragan Velikic est un écrivain et diplomate serbe, Le cahier volé à Vinkovici est traduit du Serbe mais il se déroule entre Pula, Rijeka et des villes d’Istrie qui se trouve maintenant en Croatie et Belgrade où sa famille s’est installée après avoir quitté Pula.  Il évoquera aussi Ohrid en Macédoine, Ristovac à la frontière Turco-serbe, maintenant en Serbie. Mais pas seulement en Ex-Yougoslavie, Budapest , Trieste et surtout Salonique.

Une carte de l’Istrie m’a été indispensable pour localiser les plus petites localités de Rovinj, Rasa, Opatija….

Géographie et Histoire : l‘Istrie a été italienne du temps de Mussolini qui y a construit une ville-modèle à Rasa. Occupation par les Alliés à la fin de la guerre quand les frontières ont changé. Fiume est devenue Rijeka…Histoire aussi plus ancienne quand Trieste était autrichienne. Les fantômes des anciens habitants hantent les maisons et les appartements.

« Je feuillette à l’aveuglette le gros livre de la mémoire. Il en sortira bien quelque chose. »

C’est un livre sur la mémoire, la mémoire de sa famille, la mémoire de sa mère qui est en train de la perdre, malade d’Alzheimer dans une maison de retraite. Mémoire perdue dans le train avec le déménagement de Belgrade à Pula avec ce cahier volé

« Dans le cahier volé à Vinkovci, elle ne notait pas seulement les noms des hôtels et des pensions où elle avait séjourné, les histoires et les contes de fées qu’elle inventait, incitée par une puissante exigence de justice, de vérité, mais aussi ses rêves. »

Evocation de la mère et de sa personnalité originale.

Comme Mendelsohn et Sebald , Velikic mène son enquête de manière circulaire. Il tourne et retourne, digresse, retrouve d’anciennes photographies, interroge des témoins comme le vieil horloger nonagénaire. Il fait revivre les anciens souvenirs familiaux comme ceux de son grand père cheminot. Surtout il raconte l’histoire de son ancienne voisine Lizeta, grecque, italienne et juive de Salonique dont les anciennes photos ont enchanté son enfance. L’incendie de Salonique (Aout 1917).

J’ai beaucoup aimé ce livre qui m’a promené dans des contrées que je ne connaissais pas. J’ai aimé ce regard sur la désintégration de la Yougoslavie, serbe mais aussi cosmopolite, critique  sans  parti pris nationaliste alors que la folie nationaliste a mis le pays à feu et à sang. Au contraire il dessine un palimpseste où interviennent les histoires, les photos de ses ancêtres , des voisins, et même d’inconnus comme les occupants anglais ou allemands à Pula.

« Comme étaient déterminants pour la survie de ce monde les socles invisibles sur lesquels grouillaient des vies si différentes ! Héritages, légendes, traditions séculaires, histoires privées – plongées dans la réalité socialiste avec ses rituels et sa propagande assurant la cohésion de ce monde – grouillaient sous la surface du quotidien. »

11 Mar 17:51

Portrait de groupe avec tache de sang.

by nathalie

 Ismaïl Kadaré, Avril brisé, traduit de l’albanais par Jusuf Vrioni, parution originale 1978.

 

Un jeune homme, Gjorg, tue d’un coup de fusil l’homme qui avait tué son frère et devient dès lors le prochain à être tué, selon la loi rituelle du Kanun. Un couple de jeunes mariés, lui écrivain, elle de la ville, vient se perdre dans la montagne pour son voyage de noces.

Un roman tragique.


Il marchait maintenant au milieu du cortège, pâle, le pas chancelant, sentant les regards des gens l’effleurer pour se détourner aussitôt et se perdre au loin dans les brouillards. La plupart d’entre eux étaient des parents du mort. Et, pour la centième fois peut-être, il gémit à part lui : pourquoi faut-il que je sois ici !


Au cœur du récit, il y a le Kanun, un corpus de lois qui fait passer la vendetta pour de l’aimable bave de bisounours. Les morts s’accumulent, obligatoires, l’un engendrant l’autre, sans fin (enfin…). On n’a pas affaire à une coutume, mais à une véritable codification, réglant tous les aspects de la vie, mais surtout la mort, avec ses fonctionnaires et son impôt. Malgré quelques indications historiques, il nous est présenté comme un mythe hors du temps, échappant à toute contingence, même si un grain de sable peut quelquefois ralentir la mécanique. Là encore, le point de vue adopté par Kadaré est habile. Il est à la fois de l’intérieur, présentant un ordre des choses naturel, et de l’extérieur, décrivant une manière de vie étrange et étrangère, située en dehors du monde connue. Il est aussi le personnage de l’écrivain, celui qui écrit sur le Kanun, plus ou moins exactement, celui qui est fasciné, qui est presque sur le point de le célébrer, mais qui est saisi de terreur quand il sent cette loi s’approcher de trop près de l’intimité de sa vie (et celui qui s’enfuit en courant).

J’ai eu un tout petit peu de mal avec le début du roman, qui est centré sur Gjorg, car je n’aime pas quand les personnages d’un roman sont en proie avec un déterminisme subi, face auquel le romancier ne leur laisse aucune marge de liberté. Heureusement, la possibilité de l’évasion (même imaginaire et illusoire) arrive avec les jeunes mariés, qui font trembler la ligne de l’auteur et le rendent beaucoup moins sûr de lui.


- Mais c’est terrible, dit-elle.

Il fit semblant de ne pas l’avoir entendue et se borna à sourire, mais d’un sourire froid, de ceux qui semblent vouloir rester étrangers au fonds d’une discussion.


Heures en l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie, Paris,1527 Musée Condé

Évidemment, le Kanun est l’image implacable du destin, absurde et tragique, face auquel il est vain de s’agiter, de crier ou de protester. La tragédie grecque et les héros de la guerre de Troie ne sont pas loin, même si j’avoue pour ma part avoir surtout pensé au Lévitique. Je suis impressionnée par la capacité de Kadaré à représenter l’Albanie de façon réaliste, mais tout de même en dehors du temps, à l’échelle de la mythologie universelle, avec une grandeur qui surplombe et élève tout à la fois ses héros des montagnes.

Il y a des pleureurs aux funérailles, un climat médiéval ou de roman de fantasy avec cette tour qui se dresse au milieu de nulle part et ce monde de légendes morbides. Pourtant, c’est aussi un système économique très concret. Le roman est comme une longue marche sous la pluie, un voyage interminable dans une campagne grise et oppressante. C’est ce monde qui faisait l’objet des discussions des personnages du Général de l’armée morte.

Finalement, j’ai été saisie par ce paysage de montagnes glacées et par l’angoisse qui pèse sur les personnages.


À deux ou trois reprises, il sembla qu’il allait pleuvoir, mais les gouttes se perdaient dans l’espace avant d’atteindre le sol. Quelques-unes seulement s’étaient écrasées sur la vitre de la voiture, et elles frémissaient comme des larmes. Il y avait un moment déjà que Diane les regardait tressaillir, et la glace elle-même en paraissait troublée.

 

L’avis de Passage à l’Est et de Miriam.

Bon pour le mois des pays de l’est sur les blogs 

littéraires.

 



11 Mar 17:50

"Le jardin de verre" - Tatiana Ţîbuleac

by Ingannmic,

"Tout le monde dit que la chose la plus précieuse, c’est la vie d’un homme ; mais combien elle coûte, personne ne le sait. Chaque fois que j’ai pu mettre un prix sur la vie des gens de notre cour, cela ne revenait pas cher du tout".

Après la lecture de "L’été où maman a eu les yeux verts", relire Tatiana Ţîbuleac était une évidence. "Le jardin de verre" est aussi une histoire d’enfance fracassée, douloureuse.

Lastochka, la narratrice, revient sur les années vécues aux côtés de Tamara Pavlova qui en l’adoptant l’a sortie de l’orphelinat. Elle a alors sept ans, est éblouie par sa nouvelle vie, éperdue de reconnaissance envers sa sauveuse. Mais elle déchante vite, ou du moins relativise (il n’y a sans doute pas pire que l’orphelinat). Si Tamara l’a "achetée", comme elle l’apprendra par la suite, c’est parce que prenant de l’âge elle a besoin de main-d’œuvre pour l’assister dans sa dure besogne de "bouteilleuse". Lastochka passe ainsi une grande partie de son enfance à ramasser des bouteilles dans une ravine, à vaincre la nausée provoquée par les odeurs de vomi, à supporter les ampoules aux pieds, les plaies à l’épaule, les brûlures aux mains provoquées par le nettoyage à l’eau bouillante de leurs collectes. Une enfance à compter sa petite monnaie sous la houlette d’une tutrice obsédée par l’argent. Car Tamara a des ambitions pour sa protégée, construisant avec le moindre kopeck l’empire qui un jour deviendra le sien. Il faut s’élever, même si c’est au prix d’un labeur dégradant, usant.

Cela passe d’abord par l’apprentissage du russe, qu’elle s’efforce de faire rentrer dans la tête d’une Lastochka rétive, dont les oreilles et la bouche sont en lutte perpétuelle, la bouche gagnant rarement. La petite se raccroche au moldave, par un inconscient besoin de révolte, traquant sans doute dans sa langue maternelle les traces d’une identité morcelée, à l’image de ce petit pays parmi les plus pauvres d’Europe, culturellement très proche de la Roumanie mais dont l’identité a été profondément malmenée, et constituant au début du roman l’une des quinze Républiques Soviétiques.

Les épisodes se succèdent, convoquant les souvenirs au fil d’une narration spontanée, faisant surgir tout un univers, celui d’un immeuble où, comme dans une cour des miracles, se sont retrouvés là au petit bonheur, à la suite d’on ne sait quel naufrage, Moldaves, Ukrainiens, Juifs, Russes, militaires démobilisés, braves femmes seules, jeunes et vieux, partageant un destin de misère et de débrouille entre entraide et conflits, formant une communauté animée et haute en couleurs. On retiendra notamment les figures de Zakhar Antonovitch, le vieil invalide de guerre veillant à toujours avoir des bonbons dans sa poche pour les enfants du quartier, Chourotchka et ses jambes éléphantesques, se faisant l’écho du monde sans quasiment mettre les pieds hors de chez elle, Pavlik l’enfant borgne, dont l’œil droit a été arraché par d’autres enfants avec une pique, Marina, qui malgré la violence des coups maternels n’en fait jamais qu’à sa tête... et tant d’autres.

Et parmi eux Lastochka, "l’hirondelle", gosse effrayée et seule, portée à la fois par une profonde mésestime d’elle-même et un puissant instinct de survie, qui entreprend de construire son nid avec des saletés et des restes, fait le rude apprentissage du monde, et s’y adapte finalement, troquant l’innocence contre le pragmatisme, les rêves contre la dureté, s’interrogeant sur la difficulté en tant que fille, à acquérir son intégrité. En quête inconsciente d’une improbable beauté dans ce sordide environnement, elle parvient toutefois à débusquer quelque lumière, quelque joie, au cours des longs étés qui jette les habitants dans la cour de l’immeuble, dans le spectacle du châtaignier en fleurs, les jets d’eau, les cornets de glace, le jus de bouleau… A l’école -moldave, la fillette a obtenu au moins sur ce point gain de cause-, elle est la première de sa classe, et souscrit aux espoirs d’élévation sociale de Tamara Pavlova : elle sera docteur sinon rien…

L’ensemble reste pourtant baigné d’une profonde désespérance, alimentée par la détresse fondamentale de l’abandon et l’horreur d’actes de violence -abus sur les stigmates desquels les adultes détournent les yeux-, souvent évoqués de manière allusive, laissant l’imagination et la sensibilité du lecteur se dépêtrer avec les images ainsi convoquées. Et le présent, dont nous sont parcimonieusement livrées quelques bribes, n’apporte ni salut ni réparation. Bien que devenue chef de service dans un hôpital de Bucarest, Lastockha est poursuivie par le malheur, mère d’une fillette atteinte -tragique ironie du sort- de la maladie des os de verre. Le besoin même qu’a la narratrice de dérouler son passé à l’attention de ces parents (désignés par un "vous" rhétorique) auxquels elle n’a jamais pardonné leur défection, révèle son incapacité à faire le deuil de son enfance brisée, de son innocence.

Cette fois encore, l’écriture de Tatiana Ţîbuleac donne à son texte une intensité et une singularité qui frappent le lecteur, en même temps que les sinuosités qu’emprunte la narration maintiennent sa curiosité en éveil. 

"Toute ma vie, j’ai arraché des morceaux de moi et je les ai distribués aux gens, qui ont gavé des gueules de chien avec."

Une première participation à l'édition 2021 du Mois de l'Est, orchestré par Goran, Patrice & Eva.

11 Mar 17:50

Passage, de Karel Pecka

by Goran
Passage, de Karel Pecka (Cambourakis) — ISBN-13 : 9782366240290 —  160 pages — 9 € — Genre : Perdu en chemin vers je ne sais où. Aujourd’hui, je vais vous parler d’un livre rédigé par un auteur tchèque que je découvre et pourtant je commence à en avoir lu un paquet : des romanciers originaires de ce… Lire la suite Passage, de Karel Pecka
06 Mar 11:37

Les belles histoires d’Alain Stanké

by Unknown

Natif de Kaunas, Alain Stanké  - né Stankevičius - avait 10 ans quand il fut déplacé avec sa famille dans un camp en Allemagne en 1944. À la fin de la Seconde guerre mondiale, il émigra en France puis, en 1951, au Canada où il passera toute sa vie. En tant que journaliste, il a été correspondant au Canada de France-Soir et du Figaro, mais également auteur, producteur et éditeur pendant plus de quarante ans. Après avoir dirigé les Éditions de l'Homme, il a fondé les éditions La Presse puis les Éditions internationales Alain Stanké. Grand humaniste, il s’est engagé auprès de nombreux organismes à caractère philanthropique. Âgé aujourd'hui de 85 ans, il revient sur la période du conflit mondial avec un regard lumineux. Pendant plusieurs années, il rechercha, se documenta, rencontra et discuta avec de nombreuses personnes. Son but était de rassembler les belles histoires sur cette sombre période. Ici, un amour retrouvé 75 ans après le débarquement de Normandie. Là, un Canadien qui a sauvé les arbres de Paris. Plus loin, une amitié de 40 ans entre un lieutenant de vaisseau québécois et le capitaine d’un sous-marin allemand, le navire du premier ayant coulé celui du second dont l’équipage a été rescapé. Ou encore, une fausse infirmière qui, dans la Pologne occupée, réussit à sauver la vie de quelque 2500 enfants. Et que dire de ce soldat allemand devenu archevêque après un séjour, comme occupant, chez les bénédictines. Un recueil d’anecdotes heureuses donc, publié aux éditions Hugo Doc !
On se souviendra qu’Alain Stanké avait fait paraitre en 1981 son témoignage très émouvant Des barbelés dans ma mémoire. L’histoire se situait en Lituanie, également lors de la Seconde Guerre mondiale, et racontait des faits vécus par l’auteur quand, en juin 1940, lui enfant et sa famille furent chassés de leur maison par des soldats russes qui avaient envahi leur pays.

> Les belles histoires d’une sale guerre. Ces héros (extra)ordinaires de la Seconde Guerre mondiale. Alain Stanké, Éditions Hugo Doc, 2020, 251 pages, 17,95 €

https://www.hugoetcie.fr/