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05 Mar 16:01

Alvydas Šlepikas en poche

by Unknown

Un an après une première édition en français chez Flammarion, le récit que l'écrivain lituanien Alvydas Šlepikas a consacré aux enfants-loups vient de paraître en format poche. Rappelons le sujet ! Alors qu'en 1944 les troupes soviétiques progressent sur le front de l'Est, femmes, enfants et vieillards de Prusse-Orientale sont exposés aux exactions des soldats de l’Armée rouge, dont le mot d'ordre est : "Tuez tous les Allemands, leurs enfants aussi. Il n'y pas d'Allemand innocent. Prenez leurs biens et leurs femmes. Tel est votre droit, telle est votre récompense !" Certains s'enfuirent, beaucoup furent massacrés sur place par les troupes du NKVD, la police politique soviétique, ou moururent de faim et de froid, laissant de très nombreux orphelins derrière eux. L'unique espoir pour ceux-ci était de gagner la Lituanie voisine pour trouver de quoi se nourrir, alors que tout autour d'eux n'était que désolation. Malgré la menace omniprésente des soldats russes, nombreux d'entre-eux entamèrent le périlleux voyage à travers les forêts et seront recueillis par des paysans lituaniens qui risquaient - pour eux et leurs familles - la déportation en Sibérie pour cet acte d'humanité. L'Histoire appellera ces enfants les Wolfskinder(enfants-loups). Dans ce roman bouleversant, Alvydas Šlepikas fait revivre plusieurs de ces destinées en s’inspirant du témoignage de deux survivantes. À ce terrible hiver, dont on sent presque la morsure du froid, il prête une poésie et une beauté aussi inattendues que fascinantes qui confèrent à ce livre une force irrésistible.

> À l'ombre des loups, Alvydas Šlepikas, traduit du lituanien par Marija-Elena Bacevičiūtė, Editions J’ai Lu, collection Littérature étrangère, 2021, 288 pages, 7,90€

https://www.jailu.com/a-l-ombre-des-loups/9782290236659

04 Mar 17:54

De Klaipėda à Tambov, parcours d’un prisonnier français en 1940-44

by Unknown

Vient de paraître le récit de l’éprouvant parcours de guerre de Francis Leclerc, un soldat français qui, fait prisonnier avec son unité lors de la défaite de juin 1940, fut envoyé dans un stalag en Lituanie prussienne où il fut affecté, de 1940 à 1944, dans une ferme au sud de Memel (Klaipėda). L’ouvrage a été écrit par son fils, François Leclerc, assisté d’un historien local de Klaipėda, Egidijus Kazlauskas, et de plusieurs témoins lituaniens de cette époque. Il raconte comment la guerre a commencé pour ce jeune Normand, lors de la "drôle de guerre" (1939-40) en Alsace, sa reddition dans les Vosges, sa captivité durant quatre ans chez des fermiers prussiens, puis l’horreur absolue quand il fut "libéré" par l’Armée rouge et envoyé dans le sinistre camp russe de Tambov rejoindre les jeunes Alsaciens enrôlés de force dans la Wehrmacht et faits prisonniers par les Soviétiques. Et enfin le retour dans son village natal de Normandie, qui, sur le front opposé de ce conflit continental, avait également souffert par la destruction de sa maison familiale lors des bombardements du débarquement de juin 1944. L’ouvrage décrit les longues recherches du fils (Francis Leclerc étant décédé accidentellement dès 1949) durant ces dernières années à partir de quelques rares photos jaunies et notices noircies par le temps. Recherches menées auprès d’anciens camarades de captivité de Francis Leclerc ou leurs descendants, auprès d’instances publiques – ambassades, mairies, services d’archives – ou privées – presse, sites web, etc., ainsi que lors de deux voyages sur le terrain en Lituanie. Abondamment illustré de photos, cartes, listes de noms, reproduction de documents administratifs et autres, l’ouvrage est une source de renseignements pour tout esprit curieux de détails de l’histoire de la Seconde guerre mondiale, quand la « petite histoire » rejoint la grande.

Un bout de crayon – Mes parents dans la guerre, François Leclerc, Egidijus Kazlauskis, One Book, 2021, 174 pages, 19,50 €

Pour en savoir plus : francoisleclerc003@free.fr

23 Feb 18:53

Les groseilles de Novembre

by allylit

Un roman d’Andrus Kivirähk traduit par Antoine Chalvin et publié aux éditions le Tripode

Considéré en Estonie comme le meilleur roman d’Andrus Kivirähk, Les groseilles de Novembre nous plonge dans la vie quotidienne d’un village où tout pourrait sembler normal et où, très vite, plus rien ne l’est. Les seigneurs sont dupés par leurs serfs, des démons maraudent, des vaches magiques paissent sur les rivages, les morts reviennent, le diable tient ses comptes, une sorcière prépare ses filtres dans la forêt et, quotidiennement, les jeux de l’amour et du désir mènent la danse.


Votre frigo est vide ce soir et vous avez la flemme de sortir faire des courses ?

Une seule solution : fabriquez-vous un Kratt ! Cette créature pourra vous ramener de l’argent ou de la nourriture.

Pour la fabriquer, Il vous faudra rassembler un balai, un vieux sceau ou tout autre bric-à-brac et aussi trois groseilles. Celles-ci serviront à tromper le Vieux Païen, le diable, qui donnera une âme au kratt en échange de trois gouttes de sang, promesse d’un aller simple pour vous pour l’enfer.

Enfin, c’est ce que prévoit le folklore estonien selon la « recette » reprise par l’auteur dans ce roman.

L’on y suit la vie d’un village moyenâgeux pendant un mois, celui de novembre. Un village étrange dans lequel les démons hantent les forêts, les onguents permettent de se changer en loups et autres intrusions fantastiques.

Ce roman est très plaisant à lire, très truculent, et comme dans « l’homme qui savait la langue des serpents » plusieurs niveaux de lectures se dévoilent au lecteur.

Comme un vieux conte traditionnel on utilise l’humour pour dénoncer la cupidité… Pour autant, derrière cette légèreté, la vie reste quand même cruelle : les amours ne sont pas toujours réciproques, la ruse ne permet pas de fuir la mort éternellement…

Encore une belle découverte grâce au Tripode.


« Il était rentré chez lui très tard, les oreilles pleines des récits étranges du bonhomme de neige, tandis que devant ses yeux défilaient encore les visions de ces curieux pays lointains aux coutumes très différentes et aux habitants complètement idiots. Tout cela avait excité son esprit. Il s’était retourné longuement sur son lit en écrasant de nombreuses punaises et n’avait réussi à s’endormir qu’au petit matin. Mais son sommeil avait été agité : les images décrites par le bonhomme de neige dansaient sans cesse devant ses yeux. Il s’était réveillé, était sorti pour faire pipi et avait découvert le démon. Cet événement le rassura et lui rendit sa tranquillité d’esprit. »

23 Feb 18:53

La guerre des salamandres

by allylit

Un roman de Karel Capek traduit par Claudia Ancelot et publié aux éditions Cambourakis

Les « Salamandres » de Capek sont secrètement parvenues, parallèlement à l’homme, à un degré d’évolution presque comparable.
Ce sont de braves créatures peuplant discrètement, à l’abri des requins, certains hauts-fonds de nos côtes maritimes. L’homme (en la personne truculente du Capitaine Van Toch) les découvre d’abord au large de l’Indonésie, sur une petite île sauvage. Ce sont des êtres paisibles, corvéables à merci et mêmes… comestibles.

Asservies, exploitées, les salamandres finiront cependant par se révolter, initiées en cela par la pensée marxiste et sensibilisées aux droits accordés aux ouvriers. Emportées par leur élan, ces dernières découvriront alors l’impérialisme, le nationalisme, grignotant peu à peu l’habitat terrestre, nos côtes s’effondrant dans leurs océans. Succéderont-elles alors à l’homme, seules maîtresses d’un globe aquatique, imitant celui-ci jusque dans sa manie d’autodestruction ?


Le capitaine J. Van Toch, en quête de nouveaux sites fournisseurs de perles va faire une rencontre étonnante : des salamandres, étranges, grandes, laides au possible mais dotées d’une étrange faculté d’apprentissage qui va conduire à un troc improbable : elles fourniront des perles au capitaine en échange de couteaux qui serviront à tuer les requins qui les dévorent.

Les années ont passées et les salamandres se sont multipliées car les hommes ont voulu toujours plus de perles.

Les années ont passées et les salamandres sont exploitées, étudiées et torturées.

Les années ont passées et les salamandres ont obtenu des droits, des devoirs aussi.

Les années ont passées et les salamandres…à vous de le découvrir !

Ce roman de l’auteur tchèque Karel Čapek est d’une très grande finesse d’analyse, d’une effroyable véracité sur l’homme et ses travers.

Le récit commence sur un ton presque absurde avec ce capitaine, spécialiste des coups de colère avant de passer à un ton professoral, journalistique, philosophique.

Tout ceci pour évoquer l’avilissement d’une espèce, son exploitation et le désarroi créée par un ennemi que l’on a,soi-même, fait entrer dans sa maison.

La typographie, les jeux sur les polices de caractères, les encadrés qui parsèment une partie du récit rendent celui-ci incroyablement atypique.

Ce roman est une très belle découverte qui, grâce à un vernis de science fiction parvient avec brio à dépeindre les travers humains : soif de pouvoir et de conquête, égoïsme.

C’est brillant, intelligent, divertissant et une vraie réussite.


« Elles marchaient assez adroitement mais en se dandinant sur leurs pattes de derrière. Elles s’assirent en formant un grand cercle et se mirent à faire tourner leur buste d’un mouvement particulier. On aurait dit qu’elles dansaient. W. Kleinschmidt se leva pour mieux voir. Alors, les salamandres tournèrent la tête vers lui et s’immobilisèrent un instant. Puis, elles commencèrent à s’approcher de lui assez rapidement en émettant des bruits sifflants et des sortes d’aboiements. Quand elles furent à environ sept pas de lui, nous fîmes feu. Elles prirent hâtivement la fuite et se jetèrent à la mer. Elles ne se montrèrent plus ce soir-là. Sur la côte, il ne restait que deux salamandres mortes et l’une à la colonne vertébrale brisée qui émettait un bruit étrange comme « Ogod, ogod, ogod ». Elle mourut plus tard. Quand W. Kleinschmidt ouvrit sa cavité pulmonaire…( Suivent des détails anatomiques que nous autres profanes ne comprendrions pas de toute façon. Les lecteurs spécialisés sont priés de consulter le bulletin précité). »

21 Feb 15:48

Paris-Bucarest-Paris. Journal d’un écrivain

by noreply@hautetfort.com (livresrhôneroumanie)

Autobiographie, Roumanie, Dumitru Tspeneag, Virgil Tanase, P.O.LDumitru Tsepeneag, Un Roumain à Paris, traduit du roumain, avant-propos et notes par Virgil Tanase, P.O.L., 2021

« Au moment même où je suis sur le point de devenir un écrivain professionnel (horribile dictu !), j’ai décidé, par un choix délibéré, de me prêter à cet exhibitionnisme autorisé (et inoffensif) qui est de tenir un journal. C’est pour cette raison que je suis à Paris ! » En 1970, au moment où il écrivait cela, Dumitru Tsepeneag ne savait pas qu’à partir de 1975, déchu de sa nationalité roumaine, il ne pourrait retourner dans son pays qu’après la chute de Ceauşescu. Ce journal, entrecoupé de « notes à la va-vite » datées de 1972, de notes sur un « voyage en Amérique » accompli en 1974, suivi d’un entretien avec Monica Lovinescu intitulé « La condition des intellectuels en Roumanie. Entre censure et corruption » (Radio Free Europe, 30 septembre 1973) et précédé d’une solide préface historico-biographique de Virgil Tanase, court de 1970 à 1978, avec quelques interruptions plus ou moins longues, et il est un vrai journal d’écrivain qui, la trentaine bien sonnée, s’est lancé dans la littérature de fiction.

Car si l’auteur s’adonne çà et là à quelques confidences personnelles (ses relations avec ses parents, son mariage…), c’est le monde intellectuel et artistique qu’il décrit avec beaucoup de précision et de diversité, notamment celui qui concerne les écrivains roumains, exilés ou restés au pays, dissidents ou s’accommodant du régime, notoires ou méconnus. Alors on croise à plusieurs reprises Cioran et Ionesco, Paul Goma (souvent) et Vintilă Horia (un peu), Virgil Tanase et Leonid Dimov, bien d’autres encore. Et aussi les Français Robbe-Grillet et Michel Deguy, le traducteur Alain Paruit, les éditeurs, dont Paul Otchakovsky (qui, devenu P.O.L., publiera les ouvrages de Tsepeneag, dont celui-ci), et encore Roland Barthes, sous la direction duquel il commença une thèse sur Gérard de Nerval. On en passe une multitude, tant ces 600 pages regorgent de rencontres et d’événements qui suscitent récits et réflexions.

Il y a bien sûr ce qui a trait à la situation en Roumanie et à sa dégradation vers plus de censure, d’hypocrisie, d’intimidations, de répression ; ce qui concerne, par extension, la situation internationale et les questions idéologiques (« Confusion des termes ! Quel rapport entre l’Union soviétique et le communisme ? Confusion qu’entretiennent aussi, cela va de soi, et par tous les moyens, les adversaires du communisme. ») ; et les mouvements littéraires, dont l’onirisme, bien sûr (que l’auteur, qui en fut le chef de file avec Dimov, distingue précisément du surréalisme), le nouveau roman et ses théories… Dans tous les cas, Dumitru Tsepeneag affirme nettement sa personnalité et ne mâche pas ses mots, conformément à son habitude (souvenons-nous de ses Frappes chirurgicales) : « Lorsque quelqu’un m’est antipathique, j’ai du mal à changer d’avis. » Même les gens qu’il apprécie sont parfois passés au crible, et cela concerne aussi ses propres écrits, dont ce journal, qui parfois lui pose problème : « À quoi bon ce journal ? Je ne le publierai jamais. Je ne suis même pas sûr de ne pas le détruire un jour ou l’autre. L’idée de me regarder plus tard dans un miroir (déformant) est stupide et je doute que l’envie m’en vienne un jour. D’autant plus que je note des impressions très superficielles, occasionnées par des événements extérieurs. »

Sévère voire injuste avec lui-même, l’auteur a beau dire, son journal est du plus haut intérêt pour toute une série de raisons, dont les conditions et le déroulement de la vie littéraire, collective et individuelle, n’est pas la moindre. Il n’est pas indifférent, loin s’en faut, de savoir par exemple comment sont nés, non sans difficultés, Les Cahiers de l’Est, ou comment se sont élaborés certains romans comme Les Noces nécessaires, Arpièges ou, surtout, Le Mot sablier, où « la langue roumaine s’écoulera dans la langue française comme à travers l’orifice d’un sablier. » Une belle image, qui résume la riche destinée linguistique et littéraire d’un écrivain qui, sans fausse pudeur ni étalage complaisant, montre comment l’exil a été un frein et un moteur de la création littéraire.

Jean-Pierre Longre

www.pol-editeur.com  

07 Feb 15:19

Le Journal d’Olga Kalinowska Ogińska

by Unknown

Le Journal tenu entre 1836 et 1840 par la comtesse Olga Kalinowska, future princesse Ogińska (1819–1899), était jusqu’à présent inconnu du public. Et pour cause : ce manuscrit de 500 pages, rédigé en français et précieusement conservé à la section des manuscrits de la Bibliothèque de l’Université de Vilnius, n’avait jamais été transcrit. Son intérêt est pourtant grand : il décrit la vie quotidienne d’une jeune comtesse issue de la noblesse polono-lituanienne à la cour de Saint-Pétersbourg et dépeint ses états d’âme. Olga était en effet la demoiselle d’honneur de l’une des filles de l’empereur Nicolas Ier, la grande-duchesse Marie. Or, en 1837, se noua une relation amoureuse entre l’héritier du trône, le grand-duc Alexandre et la jeune femme. Cette passion sera assez forte pour inquiéter l’empereur et l’impératrice. Ils éloigneront donc Alexandre et feront tout pour marier Olga. De fait, elle épousera le prince Ireneusz Ogiński et se retirera à Rietavas, dans l’actuelle Lituanie. Plus encore qu’une histoire sentimentale à la cour de Russie, le Journal d’Olga présente un intérêt sociologique et historique, car la jeune fille décrit son quotidien, entre chatoiement des apparences, poids des interdits et amertume des désillusions. En outre, ce Journal se présente pour partie sous la forme d’un herbier sentimental et permet au lecteur de découvrir ces émouvants témoignages du passé, fleurs séchées, dessins et souvenirs qu’Olga conserva pieusement. Le Journal est précédé d’un important texte liminaire dans lequel Irena Buckley et Marie-France de Palacio, à l’origine de cette belle édition, détaille la chronologie et le contexte autour d’une dizaine de chapitres afin de permettre au lecteur une meilleure compréhension de ce document exceptionnel.

> Le Journal d’Olga, Comtesse Kalinowska, Princesse Ogińska 1836–1840, Irena Buckley et Marie-France de Palacio, Vytauto Didžiojo universitetas, 2020, 374 pages, 32,49 €

L’ouvrage peut être commandé directement en ligne :
https://www.patogupirkti.lt/knyga/le-journal-d-olga-comtesse-kalinowska-princesse-oginska-1836-1840.html

 

03 Feb 18:16

Journal de Melancolia, une traduction en confinement

by Laure Hinckel
Depuis quelques jours, Melancolia, le nouveau livre de Mircea Cartarescu est en librairie, publié par  les éditions Noir sur Blanc  (cliquer sur leur nom pour accéder à la page du livre sur leur site) et l’ouvrage est accueilli par une belle presse!  Vous pouvez retrouver tous les articles parus sur cette page de mon site, accessible … Read More
30 Jan 17:31

"Lettres de ma mémoire" - Hanna Krasnapiorka

by Ingannmic,

Sur le vif.

J’ai découvert avec ce récit d’Hanna Krasnapiorka un épisode méconnu de l’histoire de l’Holocauste, celui du ghetto de Minsk, ghetto qui pourtant se classe tristement deuxième, en nombre de morts, au palmarès des exactions commises par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. 100 000 prisonniers, dont 20 000 juifs, y résident entre 1941 et 1943, année de sa destruction. Seuls 2000 à 5000 en seraient ressortis vivants.

Hanna a quinze ans lorsqu’en juillet 1941, elle s’y retrouve assignée à résidence, dans la partie juive, avec sa mère médecin et sa sœur. Elles parviendront à s’en échapper en 1942, et rejoindront les partisans.

Elle publie "Lettres de ma mémoire" en 1984. C’est alors le seul témoignage connu en langue biélorusse sur la vie dans le ghetto de Minsk, et il reste rare, même aujourd’hui, puisque la destruction de ce ghetto a eu pour conséquence la quasi-disparition de la population et de la culture juives de Biélorussie. 

Son texte est constitué d’une succession de scènes qui, s’enchaînant sans transition, évoquent son quotidien et celui de ses proches, auxquelles elle ajoute parfois les notes prises par d'autres prisonniers. La narration en acquiert un caractère d’urgence, comme si l’auteure avait voulu capter a posteriori l’immédiateté, la vérité des événements, annihiler l’espace et le temps séparant l’expérience du moment où elle la transcrit. Elle fait ainsi naître dans l’esprit du lecteur des images précises.

Le puzzle qui se dessine sous nos yeux nous immerge dans une ville mutilée par les bombardements, brûlée par les incendies. Les prisonniers s’y terrent dans des logements vidées de leurs habitants, où ils cohabitent avec d’autres, chacun ayant droit à deux mètres carrés. Certains vivent dans des caves, dormant tête bêche sur des planches superposées.

Les journées sont rythmées par la recherche de nourriture et par le travail, pour ceux qui comme Hanna sont jugés aptes à participer à l’effort de guerre. Mais elles sont surtout plombées d’une terreur permanente, qu’alimentent les rafles et les pogroms réguliers, les fusillades arbitraires auxquelles on assiste soudain, les rumeurs sur les camps de concentration où peuvent échouer les juifs et les communistes du ghetto s’ils se font arrêter par les allemands.

La mort est ainsi omniprésente, sous la forme des cadavres de ceux qu’on a jetés dans des fosses avant de les arroser d’essence, de femmes abattues ou d’enfants égorgés, des pendus qui se balancent au bout des potences. Toutes ces horreurs s’entremêlent à un quotidien par ailleurs marqué par la famine, la crasse, la promiscuité, composant un interminable cauchemar. 

Mais Hanna, comme sa mère et sa sœur, ne désespèrent jamais. Focalisées sur l’impératif de survie, elles mettent tout en œuvre pour s’en sortir. Le physique aryen de la jeune femme, qui lorsqu’elle est susceptible de croiser des soldats ennemis enlève l’étoffe jaune qui la désigne comme juive, et sa parfaite maîtrise de la langue allemande lui sauvent la mise à plusieurs reprises. L’évocation d’un mariage, ou simplement les efforts d’une telle pour rester coquette, démontrent par ailleurs que beaucoup, par des gestes anodins ou des actes importants, dépassent l’effroi pour célébrer la vie. Et si certaines connaissances ferment leurs portes lorsqu’Hanna ou sa mère sollicitent leur aide, elle témoigne aussi des gestes d’entraide et de courage parfois inattendus qui les font tenir, comme ceux d’Otto, le chef d’équipe pourtant allemand qui les gardent toute une nuit à l’usine pour leur éviter un pogrom, où Ingrid, l’inconnue de l’autre côté du ghetto qui sympathise et lui offre une chemisette…

Un témoignage précieux oui, et édifiant.


Cette lecture a été effectuée dans le cadre de l'activité organisée par Patrice & Eva et Passage à l'Est !, qui invitent à des lectures communes autour de l'Holocauste, du 27 janvier au 3 février.


Elle me permet par ailleurs de continuer à compléter une ligne du Petit Bac 2021 d'Enna, dans la catégorie "objet".


28 Jan 17:26

Il y a des larmes dans les choses.

by nathalie

Daniel Mendelsohn, Les Disparus, traduit de l’américain par Pierre Guglielmina, parution originale 2006.

 

L’auteur se souvient des réunions familiales, quand il était enfant, quand tous ces vieux juifs américains le regardaient les larmes aux yeux, parce qu’il ressemblait tellement à Oncle Shmiel. Oncle Shmiel, sa femme et leurs quatre filles, tués par les nazis. L’auteur se souvient aussi des histoires que racontait son grand-père. Et il raconte comment il a décidé de savoir ce qu’il s’était réellement passé pour pouvoir le raconter à son tour.


Olga nous a raconté que le bruit de la mitrailleuse en provenance du cimetière (qui était au bout de la route, à deux pas de chez elle) était tellement horrible que sa mère, qui avait alors une quarantaine d’années, avait sorti une vieille machine à coudre et s’était mise à piquer, afin que le grincement de la machine déglinguée pût couvrir les coups de feu. La mitrailleuse, la machine à coudre.


C’est un gros livre passionnant. Nous y suivons le long parcours de Mendelsohn, souvent accompagné d’un frère, pour rassembler quelques informations sur la mort, mais surtout sur la vie de ceux qui ont disparu. Les souvenirs des anecdotes familiales, avec les premières confrontations de témoignages. La lecture d’archives. La rencontre avec les juifs survivants de cette petite ville d’Ukraine, qui nécessite des voyages en Europe, en Israël et en Australie. Le voyage sur place, une fois, deux fois, sans oublier de se retourner une dernière fois, de poser une dernière question.

Très vite apparaît l’impossibilité de savoir exactement ce qu’il s’est passé. Parce que ceux qui ont survécu, forcément, n’étaient pas présents, sinon ils n’auraient pas survécu. Parce que si longtemps après il reste des bribes d’information transmises de façon indirecte. Les histoires se mélangent et deviennent indécidables (il est facile de reconnaître un proustien dans l’auteur). Le livre fait la part belle aux minces phrases que l’on peut répéter à propos d’un voisin ou d’une camarade d’école dont on se souvient vaguement, tout ce qu’il reste après toutes ces années (elle avait de belles jambes ; il était un peu sourd).


Euh, a-t-elle répondu en haussant les épaules, comment voulez-vous que je la décrive ? Elle était accueillante, sympathique et… Euh… Je ne peux pas vous en dire plus, parce que la vie…

Tout le monde est resté silencieux un moment, et puis Sarah a rompu le silence en riant. Elle a dit, Elle était probablement comme toutes les autres mères juives !


Il y a aussi la place de la photographie. Mendelsohn dispose de plusieurs photographies de sa famille disparue et réalise avec embarras que les survivants qu’il rencontre ne possèdent aucun souvenir de leur vie d’avant, pas même une photographie. J’ai trouvé très émouvant le passage où un de ces survivants explique avoir sauvé quelques photographies et les protéger et leur souhaiter tous les soirs une bonne nuit, comme il souhaiterait une bonne nuit à sa famille. Par ailleurs, l’auteur est souvent accompagné de son frère photographe qui immortalise les différents témoins et les lieux. Cela s’est passé là. En revanche, il aurait été utile de légender les photographies et de les lister pour pouvoir s’y retrouver plus facilement.

Et la langue. Mendelsohn est américain, parle allemand, comprend approximativement le yiddish. Il restitue autant que possible la prononciation si typique de ses locuteurs qui parlent polonais, yiddish, hébreu, russe, ukrainien, car ces petits faits de langue sont autant de fragments d’un passé lui aussi disparu. Il en va de même des plats cuisinés dans cette Europe juive.

Les interrogations comme autant d’abîmes sans fond sur le rôle joué par les Ukrainiens. Les Allemands étaient nazis, mais les voisins ? On est ici dans la Shoah de proximité, la Shoah par balles, étudiée plus récemment que celle des camps d’extermination. Il y a ceux qui ont trahi, ceux qui ont caché, ceux qui ont fait comme ils ont pu. Des années plus tard, le petit Daniel se demande avec angoisse si leur femme de ménage aurait pu trahir ses parents.


Berlin, Mémorial de l'Holocauste.
Les quatre filles, qui seront toujours jeunes, auraient été les « cousines polonaises » entre deux âges que nous serions allés voir un été, disons, dans le milieu des années 1970, mes frères, ma sœur et moi. Quand j’ai fait part de cette étrange idée à mon frère Andrew, il est resté silencieux un moment et il a dit, Ouais, ça te fait penser que l’Holocauste n’est pas quelque chose qui a simplement eu lieu, mais que c’est un événement qui est toujours en cours.


Le récit de cette grande quête est entrecoupé par le commentaire de la Genèse, en suivant le rite juif et en citant les exégètes de la Torah. Ce récit mythique est celui d’une création et d’une annihilation de l’humanité (le Déluge), de la mort injuste des innocents (destruction de Sodome), une histoire d’exil et de cohabitation entre peuples (la vie d’Abraham), une histoire de famille où un frère tue un frère comme un voisin tue un voisin, parce que les tragédies se produisent surtout entre les très proches. Où les différentes histoires s’éclairent mutuellement, ce qui permet de faire le lien entre le petit témoignage sur un individu et les six millions de morts à l’échelle de l’humanité. Mendelsohn s’attache de façon maniaque au plus petit détail (des fraises), car s’il cherche une histoire mémorable, il récolte les bribes d’une vie ordinaire, qui est tout autant mémorable et attachante. Et puis les mythes grecs sont présents aux côtés de ceux de l’Ancien Testament, pour parler des tragédies humaines.

L’image frappante d’un cimetière vide.


Matt a dit sur un ton véhément, Beaucoup de gens veulent savoir comment ils sont morts, mais pas comment ils ont vécu !

Suivant le fil de sa pensée, Marek a hoché la tête et dit, Les gens pensent qu’il n’est pas important de savoir si un homme était heureux ou s’il était malheureux. Mais c’est très important. Parce que, après l’Holocauste, ces choses ont disparu.

 

J’avais lu ce livre à sa sortie en France. Je voulais le relire depuis plusieurs années et la semaine consacrée à l’Holocauste organisée sur les blogs littéraires par Passage à l’Est et Si on bouquinait m’en a donné l’occasion.



28 Jan 17:26

Goetz et Meyer - Daniel Albahari

by ivre de livres

Voilà un roman à la fois passionnant et déroutant lu dans le cadre de la lecture commune proposée par Passage à l'Est et Si on bouquinait.

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Un roman passionnant sur le fond, l’Holocauste et le problème de la  responsabilité, la question torturante du bien et du mal. 
Un roman déroutant par sa forme qui flirte avec l’humour noir, une ironie dévastatrice et même le ridicule. 

Un texte provocant chez le lecteur une quasi apnée, un quasi étouffement par la particularité de l’écriture et par le choix d’un paragraphe qui court sur plus de 100 pages.

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Belgrade après l'invasion allemande

Le roman se situe à Belgrade, dans un passé assez proche mais non daté.

Le narrateur un juif professeur de lettre dont pratiquement toute la famille a disparu dans les camps, est amené à faire des recherches sur son passé et celui de sa famille.

Ses recherches dans les archives sont décevantes mais il a trouvé un petit fil rouge, deux SS envoyés d’Allemagne pour leur compétence particulière, conduire et faire fonctionner un camion transformé en chambre à gaz. Ils sont mutés à Belgrade pour leur « savoir faire »

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Un camion à gaz utilisé en Pologne 

Goetz et Meyer, deux SS que David Albahari transforme en une seule entité « Goetz et Meyer » 

Le narrateur tente de comprendre ce qui s’est passé, de comprendre qui étaient ces deux hommes qui ont participé à l’élimination de sa famille et à celle de  cinq mille juifs de Serbie

Cette enquête tourne à l’obsession et le narrateur frôle parfois la folie par la difficulté a retrouver trace de sa famille et au fur et à mesure qu’il découvre les faits, les noms, les chiffres.

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Déportations en ex-Yougoslavie

Pourquoi « Goetz et Meyer » ont-ils participé au Génocide ? Comment ont-ils fait pour supporter cela ?  Voir des femmes, des enfants, des vieillards, monter dans ce camion, leur sourire, faire « comme si » il s’agissait d’un petit voyage anodin puis débarrasser le camion des corps, nettoyer le tout et … recommencer.
Sont ils  inconscients ? Sont ils des modèles d’obéissance ? Sont-ils des monstres ?

A la lecture de tous les livres sur l’Holocauste, les questions lancinantes sont toujours les mêmes : pourquoi, quel homme peut faire cela, qu’est-ce qui me différencie de tels hommes, qu’aurais je fais dans les mêmes circonstances …

Que reste-t-il aux survivants ? J’ai pensé à plusieurs reprises au livre de W.G. Sebald Les émigrants, en lisant ce roman.

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David Albahari livre ici un roman d’une très grande force qui ouvre la porte aux interrogations, à l’incompréhensible, à l’inhumain.

J’ai été bouleversée par ce roman. Tout d’abord parce qu’il évoque, ce que j’ignorais totalement, l’existence de camps en Serbie, et parce que quand on dit Holocauste on ne pense pas forcément à ce pays.

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 Staro Sajmiste Camp de concentration Serbe

Un roman sombre bien entendu mais qui palpite pourtant de vie, une vie douloureuse certes mais la vie « malgré tout ».
Il plonge le lecteur dans un magma brûlant le contraignant à courir devant les coulées de lave qui déferlent.
Sa façon de transformer ces deux hommes en une seule entité « Goetz et Meyer » les liant définitivement car ils sont les « rouages d’un vaste mécanisme » 

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Les témoins de l’Holocauste sont en train de disparaitre et il est indispensable que des voix reprennent ce récit, empêchent l’oubli.

Un grand et beau roman qui date déjà de 2002, alors un grand merci à Passage à l’Est qui me l’a fait connaitre et qui a initié cette lecture commune avec Patrice.

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Le livre : Goetz et Meyer - David Albahari - Traduit par Gabriel Iaculli et Gojko Lukic- Editions Gallimard

 

28 Jan 17:21

Une île, une forteresse - Hélène Gaudy

27 Jan 19:24

"Si c’est un homme" - Primo Levi

by Ingannmic,

"Nous ne reviendrons pas. Personne ne sortira d’ici, qui pourrait porter au monde, avec le signe imprimé dans sa chair, la sinistre nouvelle de ce que l’homme, à Auschwitz, a pu faire d’un autre homme".

L’horreur de l’Holocauste a donné lieu à une littérature abondante, traversée par un questionnement douloureux et récurrent sur la possibilité et la manière d’exprimer l’indicible, faute de pouvoir véritablement faire partager cette expérience. On retrouve souvent, chez ceux qui s’y sont essayé, une volonté commune d’éviter toute digression et tout pathos. L’événement, dans toute son absurde cruauté, échappe en effet à l’analyse, et la transcription brute des faits, par ceux qui, jour après jour, les ont vécus, est sans doute la façon la plus juste, la plus éloquente, d’en rendre l’ignominie.

Telle est aussi la démarche de Primo Levi avec ce témoignage.

Fin 1943, il est fait prisonnier par la Milice fasciste. Il a alors vingt-quatre ans, il est juif, et vient de rejoindre dans la clandestinité quelques amis aussi peu expérimentés que lui, pour mettre sur pied un groupe de partisans affiliés à Giustizia e Libertà, principal mouvement de résistance antifasciste. Il est envoyé à Auschwitz avec une centaines de ses compatriotes. Ils seront à peine une poignée à revenir.

Il restitue, a posteriori, le long cauchemar qui débute avec le voyage dans un wagon surpeuplé où succombent déjà les plus fragiles, la première sélection dès l’arrivée à Auschwitz, où en un instant disparaissent femmes, enfants, parents, puis évoque sa condition de Häftling (détenu), sous le numéro 174 517, ainsi que son processus d’intégration dans cet univers nouveau, grotesque et dérisoire qu’est le Lager (le camp).

Le rythme est vite établi : sortir pour aller travailler dans des conditions physiques et climatiques terribles, fouettés par le terrible vent des Carpates, rentrer, dormir et manger, tomber malade, guérir ou mourir. On vit au jour le jour, sans perspective hormis celle de survivre jusqu’au lendemain, en subissant la faim, la fatigue et la crasse (d’une ampleur telle qu’il faudrait de nouveaux mots pour les définir), les nuits peuplées d’insomnies alternant avec d’interminables cauchemars, la promiscuité et la terreur créant une insoutenable tension morale et nerveuse. Le moindre désagrément physique prend des proportions démesurées. 

La lutte implacable pour la vie, accompagnée d’une désespérante solitude, induit l’apprentissage de combines souvent risquées : trocs pitoyables pour gagner un bout de pain dur, stratagèmes compliqués pour obtenir une chemise pas trop déchirée ou être admis à l’infirmerie, vigilance permanente pour ne pas se faire voler ses chaussures…

La survie est aussi morale. Dans cet univers où la multitude de langues limite les interactions, et où parler d’avant est de fait proscrit, certains petits gestes, qui peuvent sembler vains -comme s’obstiner à se laver chaque jour, sans savon, dans l’eau trouble d’un immonde lavabo-, n’ont pour but que de conserver quelque dignité, de contrer l’absurdité de la monstrueuse machine à créer des bêtes. 

Car l’un des buts des SS est de nier leur humanité à ces hommes, en les humiliant, en les ravalant au niveau d’une foule anonyme, en les plongeant dans un dénuement et une déchéance qui privent chacun de sa singularité, de son identité, de son amour-propre. En leur imposant une justice arbitraire et des règles absurdes. En les plongeant dans une déchéance physique qui fait d’eux des êtres ridicules et répugnants, décharnés et nauséabonds.

Et en effet, Primo Levi constate la disparition des habitudes et des instincts sociaux sous la pression harcelante des besoins et d'une souffrance physique qui empêche même de penser. Quand l’oppression dépasse un certain stade, il n’y a plus de solidarité. Réduits à leur douleur et à l’assouvissement de leurs besoins vitaux, les hommes deviennent violents, âpres à conserver la moindre chose -photo, lettre ou mouchoir- qui leur appartient et les rattache à leur condition d’individu. 

Les gardiens eux-mêmes, d’ailleurs, sont davantage décrits comme éléments d’une entité qu’en tant qu’êtres singuliers. Car le Lager est la matérialisation d’un système, d’une entreprise d’extermination conçue par la haine, mais réalisée avec une froideur méthodique. 

Dans cette lutte, il n’y a plus parmi les détenus ni bons ni méchants. En revanche, l’auteur établit une distinction entre ceux qu’ils nomment les damnés et les élus qui, parce qu’ils sont mieux lotis (et ce sont rarement des juifs), ou plus forts, plus malins, sont susceptibles, par des chemins multiples et imprévisibles, toujours épineux, de trouver "le salut". Les autres, quantité négligeable d’une masse que l’absence de valeur rend plus facile à éliminer, se laissent glisser, vides et silencieux, vers la fin.

Lui-même n’est pas de l’étoffe de ceux qui résistent. Il s’épuise au travail, il est trop humain, il pense trop… sa chance est d’être chimiste, statut qui lui permet d’échouer au laboratoire du camp où, à l'abri du froid, il peut par ailleurs améliorer son quotidien en volant quelques marchandises. Et il a gardé, tenace, la volonté de voir en lui-même et ses camarades, des hommes et non des choses, ce qui lui a évité le naufrage spirituel. C’est ce même souhait acharné qui le pousse à témoigner. 

Il le fait sans se référer à des chiffres, sans évoquer les mécanismes des chambres à gaz ou des fours crématoires car ce sont des données qu’il ne connaissait pas quand il était au Lager. Le but est de replonger dans le présent d’alors, de son expérience, de l’horreur, dans toute sa nudité. Et ce qu’il veut mettre en avant, ce sont les valeurs fondamentales, sinon toujours positives, qui l’ont préservé du délitement total, les rencontres qui lui ont permis de garder la tête droite. Lui-même rend leur identité à quelques-unes des figures broyées dans ce cauchemar de l’Histoire, dotant cette foule d’anonymes de quelques visages qui la ré-humanise. Ainsi la petite Emilia, trois ans, curieuse, gaie et intelligente, exterminée dès son arrivée car inutile jeune âge et nuisible car juive… Schmulek , qui avant de partir à la douche pour n’en jamais revenir, lui laisse sa cuillère et son couteau… Lorenzo, à qui il doit de n’avoir pas oublié que lui aussi était un homme grâce à sa seule présence, sa façon simple et facile d'être bon, non contaminé par la barbarie… 

Un texte nécessaire.

"Le sentiment de notre existence dépend pour une bonne part du regard que les autres portent sur nous : aussi peut-on qualifier de non humaine l’expérience de qui a vécu des jours où l’homme a été un objet aux yeux de l’homme".


Cette lecture a été effectuée dans le cadre de l'activité organisée par Patrice & Eva et Passage à l'Est !, qui invitent à des lectures communes autour de l'Holocauste, du 27 janvier au 3 février.


Elle me permet par ailleurs de continuer à compléter une ligne du Petit Bac 2021 d'Enna, dans la catégorie "Etre humain".



27 Jan 19:23

Marceline Loridan-Ivens – Et tu n’es pas revenu

by Patrice

C’est lors d’une émission spéciale de La Grande Librairie, en 2015, dédiée à Marceline Loridan-Ivens, que j’ai découvert son livre Et tu n’es pas revenu, co-écrit avec la journaliste et essayiste Judith Perrignon. « Un livre admirable, un livre fort… Un livre que je voudrais que tout le monde lise », ainsi s’exprimait François Busnel en présentant l’émission. Un titre qui ne pouvait donc pas manquer à notre semaine consacrée aux Lectures communes autour de l’Holocauste.

Tu aurais dû revenir. J’ai toujours pensé qu’il eût mieux valu pour la famille que ce soit toi plutôt que moi.

Marceline Loridan-Ivens, née Marceline Rozenberg, a été arrêtée au début de l’année 1944, avec son père, Salomon Rozenberg. Détenus au camp de Drancy, ils sont ensuite envoyés à Auschwitz-Birkenau. Marceline, alors âgée de 15 ans, sera ensuite déportée vers Belgen-Belsen, puis Theresienstadt. Rescapée mais marquée à vie par cette expérience, pas seulement dans sa chair, elle passera la fin de sa vie à témoigner sur ce qu’elle a vécu, après avoir consacré sa vie au cinéma engagé, en compagnie de son mari Joris Ivens.

« Et tu n’es pas revenu » fait allusion à ce père, qui, contrairement à sa fille, n’a pas survécu à l’enfer des camps. Le livre est en fait une lettre écrite par sa fille à celui qui lui manque tant. Dès les premières pages, Marceline évoque un billet que ce dernier avait pu lui faire passer à Birkenau.

Je revois ce mot que tu m’as fait passer là-bas, un bout de papier pas net, déchiré sur un côté, plutôt rectangulaire. Je vois ton écriture penchée du côté droit, et quatre ou cinq phrases que je ne me rappelle pas. Je suis sûre d’une ligne, la première, « Ma chère petite fille », de la dernière aussi, ta signature, « Shloïme ». Entre les deux, je ne sais plus. Je cherche et je ne me rappelle pas. Je cherche mais c’est comme un trou et je ne veux pas tomber. Alors je me replie sur d’autres questions : d’où te venaient ce papier et ce crayon ? Qu’avais-tu promis à l’homme qui avait porté ton message.

… et à lire ce livre court, on se dit qu’il ne faut pas plus de cent pages pour faire passer au lecteur non seulement l’enfer des camps, la difficulté de surmonter le retour, les blessures non cicatrisées et tout l’amour d’une fille pour son père, le tout de manière très émouvante :

Aujourd’hui encore, quand j’entends dire Papa, je sursaute, même soixante-quinze ans après, même prononcé par quelqu’un que je ne connais pas. Ce mot est sorti de ma vie si tôt, qu’il me fait mal, je ne peux le dire que dans mon for intérieur, surtout pas l’articuler. Surtout pas l’écrire.

L’auteur décrit également l’éclatement de sa famille. Entre une mère qui n’a jamais pu ou voulu comprendre ce que sa fille a vécu et des frères et soeurs qui resteront traumatisés jusqu’à commettre un suicide. « Morts des camps sans y avoir été » est l’expression utilisée par Marceline quand elle parle d’eux :

Sache que notre famille n’y a pas survécu. Elle s’est disloquée. Tu avais fait des rêves trop grands pour nous tous, nous n’avons pas été à la hauteur. (…) Michel et Henriette sont morts de ta disparition. Il leur a toujours manqué des mots qui les accompagnent, leur indiquent quelle était leur place dans cette histoire et dans ce monde. Moi j’en ai une. Je suis la survivante. Je sais où tu es mort et pourquoi. J’ai surtout des bouts de toi qui n’appartiennent qu’à moi. Tes derniers pas, tes derniers mots même si je les ai oubliés, tes derniers gestes, tes derniers baisers.

Quant à Marceline, elle porte encore à la fin de sa vie les séquelles de ce qu’elle a vécu, jusque dans les détails du quotidien : refuser de prendre une salle de bains avec douche à l’hôtel, ne pas supporter la vue des cheminées d’usines, ou l’impossibilité d’envisager la maternité :

Mes orteils gelés sont engourdis à tout jamais. Les infections ont laissé sur mes bras et mes jambes des cercles blanchâtres où la peau est fine et more. Longtemps, j’ai gardé sur la nuque les traces des coups de bâtons. Et si je suis restée sèche, menue, c’est parce que j’ai souvent pensé devant ma glace, dix, vingt ou trente ans plus tard, Faut que je reste mince et svelte pour ne pas passer au gaz la prochaine fois.

Je n’ai jamais eu d’enfants. Je n’en ai jamais voulu. Tu me l’aurais sans doute reproché. Le corps des femmes, le mien, celui de ma mère, celui de toutes les autres dont le ventre gonfle puis se vide, a été pour moi définitivement défiguré par les camps. J’ai en horreur la chair et son élasticité. J’ai vu là-bas s’affaisser les peaux, les seins, les ventres, j’ai vu se plier, se friper les femmes, le délabrement des corps en accéléré, jusqu’au décharnement, au dégoût et jusqu’au crématoire.

Je voulais terminer ce billet en évoquant le fait que le maire du village où habitait Salomon Rozenberg, voulait inscrire son nom sur le monument aux morts. Marceline s’est battue pour que l’inscription « Mort à Auschwitz » y soit présente ; en effet, il y avait pour elle une grande différence entre les soldats s’étant battus pour la France, et ceux, disons-le comme cela doit être dit, ont été condamnés par l’Etat français. Même si on peut parfois s’élever contre une repentance aujourd’hui trop systématisée, la reconnaissance en 1995 par Jacques Chirac de la responsabilité de l’Etat français dans la shoah s’est avérée être un acte courageux et réparateur :

Tu n’es pourtant pas mort pour la France. La France t’a envoyé vers la mort. Tu t’étais trompé sur elle.

A l’image de François Busnel, je ne saurais trop vous conseiller de lire ce livre.

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lisez autre chose

Et tu n’es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon. Grasset, 2015. 110 pages.

Ce livre a été lu dans le cadre des Lectures communes autour de l’Holocauste.

27 Jan 19:23

Les Furies de Hitler. Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah, de Wendy Lower

by Goran
Les Furies de Hitler. Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah, de Wendy Lower (Tallendier) — ISBN-13 : 9791021038202 — 368 pages — 10,50 € — Genre : La femme est sans aucun doute l’égale de l’homme. C’est dans le cadre d’une lecture commune autour de l’Holocauste, organisé par deux extraordinaires blogs (Passage… Lire la suite Les Furies de Hitler. Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah, de Wendy Lower
27 Jan 19:22

Mémoire de l'Holocauste

15 Jan 18:22

Ce ne sont plus des recherches, c’est la bouteille à l’encre.

by nathalie

 Ismaïl Kadaré, Le Général de l’armée morte, traduit de l’albanais par Jusuf Vrioni, parution originale 1963.

Le général, accompagné du prêtre, se rend en Albanie pour recueillir les corps des soldats tués là, 20 ans auparavant. Le roman raconte cette mission, triste et morbide, dans un pays de montagne.


La voilà, cette terre étrangère, se dit-il. La même boue noire que partout ailleurs, les mêmes pierres, les mêmes racines et la même vapeur. Une terre comme toutes les autres. Et pourtant, étrangère.


Un premier sentiment d’étrangeté. Rien ne nous est dit sur la nationalité du général et de son armée, non plus que sur la guerre passée. Il est question de fascistes et de partisans et si l’on connaît bien l’histoire de l’Albanie et que l’on est attentif à certaines notes, on peut deviner, mais sans doute n’est-ce pas indispensable. Très peu de personnages portent des noms : une jolie veuve, une vieille, un ouvrier, mais ce sera tout. Nous baignons dans une atmosphère irréaliste et brumeuse, brouillasseuse même. À nous aussi d’avoir l’esprit perturbé par les montagnes. D’autant que l’Albanie est décrite comme une « terre étrangère » et racontée par ses clichés, comme vue d’un point de vue extérieur – alors que nous lisons un romancier albanais. Perte des repères, impossibilité de connaître le pays, le général a beau rester plus d’un an sur place, il demeurera à la surface.

Bien sûr, la noble mission ne se passe pas comme prévu. Équipé de cartes et de souvenirs de guerre, le général arpente les montagnes et les cimetières. Pas de champ de bataille à proprement parler, mais une dispersion des tombes. La guerre n’est pas si lointaine et on se souvient des exactions commises par les soldats, des combats et des petites lâchetés. Le prêtre joue à être dans un roman de Bernanos et le général sent ses certitudes s’affaisser peu à peu. Ils sont en mission officielle, mais ils sont loin d’être les bienvenus et on le leur dira.

S. Spencer, La Résurrection à Cookham, 1924, Tate

Le roman se tient le plus souvent d’un point de vue extérieur, mais proche du général. Dans quelques paragraphes nous avons l’irruption des témoignages des soldats, étrangers et albanais, ou de celui du général. Un « je » surgit alors dans la grisaille comme un coup de soleil.

Les morts, réduits à quelques ossements dans des sacs en plastique, prennent de plus en plus de place. Le reste de la réalité se délite, limité à des voyages en voiture et à de la montagne, les vivants étant étrangement interchangeables. Nous ne sommes pas très loin du monde de l’absurde (j’ai pensé à quelques nouvelles de Buzzatti). Il ne faudrait pas grand-chose (que les blockhaus se mettent à ricaner ?) pour basculer dans le fantastique.

Boue, neige, pluie ruissellent sur le général, venu accomplir sa grande mission, qui devient au fil du temps de plus en plus pitoyable.

Un humour noir et macabre plane sur l’ensemble. C’est un roman plein de poésie.

 

Tout le reste n’est qu’une chronique monotone. De la pluie, de la boue et des listes, des procès-verbaux, toutes sortes de chiffres et de suppositions, toute une technologie lugubre. Et puis, ces derniers temps, il m’arrive quelque chose d’étrange. Dès que je vois quelqu’un, machinalement je me mets à lui enlever ses cheveux, puis ses joues, ses yeux, comme quelque chose d’inutile, comme quelque chose qui m’empêche même de pénétrer son essence, et j’imagine sa tête rien que comme un crâne et des dents (seuls détails stables). Vous me comprenez ? J’ai l’impression de m’être introduit dans le royaume du calcium.

 

Lecture commune. Le billet de Passage à l'Est (la GO). Le billet de Patrice et celui de Marilyne.

Je me permets de mettre ici un lien vers cet excellent article sur la traduction de Kadaré, article recommandé par Passage à l’est.

L’avis de miriam sur ce roman.

 

 

15 Jan 18:21

Ismail Kadaré – Le général de l’armée morte

by Patrice

C’est en lisant récemment une chronique de Passage à l’Est! invitant à lire ou relire Ismail Kadaré, que l’envie m’est venue de découvrir cet auteur majeur de la littérature européenne contemporaine. Dans le cadre d’une lecture commune, c’est Le général de l’armée morte, premier roman de l’auteur, qui me sert donc d’introduction à son oeuvre. Un livre et une écriture qui m’ont beaucoup plu !

Ismail Kadaré est né en 1936, il a consacré sa vie à l’écriture, avec une omniprésence de la dénonciation du totalitarisme, avec souvent en toile de fond la région des Balkans et son pays, l’Albanie. Traduit dans plus de 45 langues, il a longtemps eu maille à partir avec les autorités de son pays en raison du contenu de ses écrits, ce qui l’a poussé à émigrer vers la France en 1990.

Dans Le général de l’armée morte, un général étranger se rend en Albanie une quinzaine d’années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour y rechercher des restes de compatriotes militaires inhumés sur le territoire ennemi durant le conflit. Il est accompagné d’un prêtre capable de traduire la langue albanaise. L’homme se sent investi de sa mission officielle : avant le départ pour l’Albanie, il avait reçu beaucoup de visites de gens le priant de retrouver les ossements des proches tués.

Il mit de côté les listes nominatives de base et en sortir d’autres, remplies de notes et de petites croix rouges en marge. C’étaient des listes contenant diverses indications concrètes qui devaient faciliter la recherche des dépouilles. Les militaires n’y étaient pas groupés selon leurs formations, mais d’après les lieux où ils étaient tombés, et à côté de chaque nom était inscrite la cote correspondant aux relevés des cartes topographiques, ainsi que la taille de chacun et les caractéristiques de sa dentition. Les noms de ceux qui avaient déjà été retrouvés étaient marqués de petites croix rouges, mais elles étaient encore rares.

Très rapidement, cette recherche s’avère être très éprouvante pour le général. L’homme fier, qui dans sa tête revivait le conflit en s’imaginant comment il aurait pu inverser l’issue de la bataille au profit de son pays, commence à souffrir d’insomnie. Les recherches s’avèrent difficiles : tous les corps ne reposent pas dans des cimetières, certains ayant été inhumé à la hâte dans des endroits mal renseignés ou difficiles d’accès. Parfois, c’est l’hostilité de la population locale qui vient freiner le général et le prêtre ; d’autres fois, c’est une autre délégation étrangère qui a reçu la même mission et qui empiète sur leurs fouilles.

Dans son billet, Passage A l’Est citait le traducteur David Bellos mentionnant que Kadaré est un conteur exceptionnel. En lisant cet ouvrage, j’ai compris la pertinence du propos. Dès l’ouverture du roman, Kadaré utilise un vocabulaire qui laisse à penser que de nombreux obstacles vont se présenter à la délégation. La description du relief, du temps qu’il fait, renforce cette ambiance si bien restituée. Les divers épisodes mentionnés, tels celles d’une prostituée « morte pour la patrie » ou encore d’un vieux paysan qui a déterré le corps de son valet de ferme, un déserteur ayant laissé son journal, nous font revivre certains aspects de cette guerre. Enfin, Kadaré tient également en haleine le lecteur à propos d’un certain général Z, chef du Bataillon Bleu, dont le corps est manquant et qui aura une importance particulière dans le livre. C’est donc un roman qui imprègne le lecteur.

J’ai également beaucoup apprécié les considérations historiques. Même si l’on ne connaît jamais le nom du général et du prêtre, ni leur nationalité d’ailleurs, Le général de l’armée morte se déroule en Albanie, et à travers les épisodes relatés, on lit avec intérêt les considérations sur le peuple albanais, que ce soit son rapport avec les armes ou encore la tradition du chant. Quand nos deux protagonistes majeurs entendent une chanson qui relate la vie soldat tombé en Arabie, on se dit que le territoire albanais a longtemps été l’objet de souffrances :

Le diable seul saurait dire ce que les peuples expriment par leurs chants, poursuivit le général. On peut fouiller et s’introduire facilement dans leur sol, mais, pour ce qui est de pénétrerleur âme, ça jamais !

Cette noble mission se terminera finalement par un épisode peu glorifiant pour le général et cela met un point final pour bien montrer le côté absurde de cette guerre.

Je vous conseille la lecture de ce livre en

X l’achetant chez votre libraire

X l’empruntant dans votre bibliothèque

lisant autre chose

Le général de l’armée morte, d’Ismail Kadaré, traduit de l’albanais par Jusuf Vrion. Le livre de poche, 1998. 320 pages.

Ce billet s’insère dans le cadre d’une lecture commune avec Passage à l’Est!, Lire et Merveilles et Nathalie. Vous pouvez également lire une autre chronique sur Carnets de voyages,

15 Jan 18:06

Le général de l'armée morte - Ismaïl Kadaré

06 Jan 16:57

Les Aventures Extraordinaires d’un Juif Révolutionnaire – Alexandre Thabor – TempsPrésent

by Miriam Panigel

MASSE CRITIQUE

Excellente Pioche à la Masse Critique!

J’ai dévoré ce livre, une fois commencé je ne l’ai plus laissé. Merci à Babélio et  l’éditeur du TempsPrésent

« Et bien, votre fils Sioma…en deux mots c’est un Don Quichotte tragique… un héros antique, en quelque sorte » […]…mais inspiré par un vieux philosophe, un hassid, sans doute, qui lui apprit que « sans l’espérance, nous ne trouverons jamais l’inespéré » « .

Lecture passionnante : un demi-siècle de révolutions, 1904-1946 , d’Odessa à la Guerre Civile espagnole, aux camps du Vernet de Djelfa, en Palestine. Sioma, le père d’Alexandre Thabor, raconte sa vie à son fils après une longue séparation. Ce livre qui se lit comme un roman d’aventures, est le témoignage d’un combattant révolutionnaire. C’est aussi une merveilleuse histoire d’amour de deux enfants juifs d’Odessa 15 ans et 13 ans qui se sont aimés jusqu’à ce Tsipora ne soit réduite en cendres quelques jours avant la libération d’Auschwitz.

Révolutionnaire depuis sa plus tendre enfance :

« C’est à six ans que mon père m’a ouvert les yeux sur le monde dans lequel nous vivions, nous les Juifs : un monde de pogroms, d’incendie, de pillage, de viols, de dévastations, de massacres perpétués par les Cent-Noirs »

….

C’est juste après l’assassinat de Stolypine, l’organisateur des Cent-Noirs un jour de Septembre 1911, que mon père a jugé bon de commencer mon éducation politique. […]Il m’a raconté le dimanche sanglant de 1905 à Saint Pétersbourg, les grandes grèves d’Odessa, la mutinerie des marins du Cuirassé Potemkine…

Révolutionnaire et juif,  révolutionnaire parce que juif?

Son père tenait une école où l’on enseignait le Russe avec Gogol et Pouchkine, l’Hébreu avec la Torah, …et les prophètes  : Amos, le premier révolutionnaire ouvrier, Isaïe très présent tout au cours du récit. Malgré les violences, les récits de guerre,  les références aux textes juifs sont présentes.

Chagall : la Guerre

Sioma, adolescent à Odessa, vit dans une ambiance de violence extrême. Le récit d’un pogrom est insoutenable. Après la Révolution de 1917, Odessa est le théâtre d’affrontements entre l’armée Rouge, les armées blanches et les nationalistes ukrainiens. La communauté juive est, elle-même, partagées, certains juifs soutiennent l’Ukrainien Petlioura, pourtant antisémite. Sioma choisit les komsomols où il acquiert une éducation politique et militaire.

Chaghall : le salut

Ce n’est qu’après le pogrom de Jitomir (1919)  que son ami Gedeon l’entraine à une réunion du Poalé-Zion sioniste. Il entend parler Kalvarisky , un proche de Martin Buber partisans d’une entente entre les Arabes et les Juifs en Palestine. L’idée de quitter Odessa pour Eretz Israel ne le tente d’abord pas du tout. Pendant de longues années, se succèdent affrontements et massacres.  Ce n’est qu’en 1924, avec Gedeon et Tsipora qu’ils iront s’installer à Nahalal dans la ferme de leurs amis Olga et Youri.

Jamais, Sioma et Tsipora n’ont adhéré au slogan « Une terre sans peuple, un peuple sans terre » . Déjà, à Odessa, ils connaissaient la situation : deux peuples condamnés à vivre ensemble sinon , selon Martin Buber, il s’en suivrait une Guerre de Cent Ans.

« partisans de la création d’un Etat commun binational, nous étions certains que cet espoir serait comblé un jour ou l’autre. De ce point de vue, nous nous sentions pleinement révolutionnaires »

L’installation à Nahalal au printemps 1924 se fait dans l’enthousiasme jusqu’à ce qu’une famille palestinienne ne vienne cultiver les terres qu’on leur avait volées et qu’un membre du moshav ne tue le père. 

« Sioma ressent sa vie en Eretz Israel entachée par ce crime. Il éprouve désormais l’obligation d’empêcher pareilles injustices »

Après avoir protesté, devenus indésirables, ils sont chassés du moshav et déménagent à Haïfa où ils militent pour l’entente avec les Arabes avec qui avait fondé avec Martin Buber, Brit Shalom qui lui fait connaître le maire de Haïfa et les grandes familles arabes. Sioma rencontre aussi Yitzhak Sadeh qui l’a accueilli au Bataillon du travail tandis que Tsipora travaille avec Sarite la sœur d’un communiste arabe Nadjati Sidki dans une école bilingue accueillant enfants juifs et arabes. Ils soutiennent les revendications et les grèves des travailleurs arabes

« Ils deviennent des traîtres, des vendus à la cause arabe »

Tandis que les émeutes, les violences intercommunautaires et antibritanniques s’intensifient. En 1936, à la suite d’une décision de la Histadrout de bannir les travailleurs arabes, la grève se transforme en lutte armée.  Sioma est arrêté par les Anglais et emprisonné à Saint Jean d’Acre. Il est expulsé de Palestine et rejoint les Républicains espagnol dans leur lutte contre le fascisme. 

Il ne part pas seul, 25 militants antifascistes juifs et 2 arabes forment

« mon unité, mes Palestiniens » 

Jose Garcia de Ortega

dans les brigades internationales. Il retrouve d’anciennes connaissances d’autrefois quand il était dans les komsomols et furent

« accueillis par André Marty, le héros de la mutinerie de la marine de guerre française dans la rade d’Odessa »

Le récit de la Guerre d’Espagne est détaillé sur 75 pages, de bravoures, de tueries, d’occasions ratées, de défaites sanglantes et aussi de coups tordus. Bataille de Madrid, de Saragosse, de Teruel pour finir par la Retraite, la Retirada. Impression de gâchis. Les ordres de Moscou sont contradictoires. Chaque clan livre bataille de son côté, quand ce n’est pas les uns contre les autres. Exécutions sommaires de déserteurs. Déserteurs ou opposants politiques? Les communistes semblent plus occupés à décimer les anarchistes et les trotskistes qu’à gagner la guerre civile. Exécutions aussi de militants communistes chevronnés, hauts gradés qui ont déplu à Moscou. Jeanne, une journaliste qui a publié un article sur la commune des femmes libres de Calanda (anarchistes), Lucia Cordoba, une chirurgienne dont le seul tort est d’avoir soigné un officier franquiste, périssent dans d’étranges accidents, enlèvement, guet-apens. Et pourtant, malgré tout cela, Sioma continue persuadé de la justesse de leur lutte anti-fasciste.

1939, Sioma est interné dans des conditions très dures au camp du Vernet d’où il s’évade pour retrouver  Tsipora à Paris. Il est repris sous les yeux de son fils et de sa femme renvoyé au Vernet puis en Algérie à Djelfa jusqu’en 1942. Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord les anciens des Brigades furent libérés et un émissaire soviétique vient chercher Sioma pour l’envoyer en Palestine.

Chagall : à la Russie, aux ânes et aux autres

Détour par Moscou, où chaque clan autour de Staline avance ses pions. Béria pense l’utiliser dans un comité juif, le CAJ, cherchant à lever des fonds d’aide à l’Armée Rouge. En contrepartie, l’URSS soutiendrait la création de l’Etat d’Israel. Protégé par sa mission soviétique, il peut retourner en Israël d’où il était banni. Occasion de retrouver Haïfa, sa mère et ses camarades de combat.

1946, la guerre est finie mais la libération des camps a changé la donne. Ben Gourion, la Haganah préparent les forces du futur Etat d’Israël. Où se trouve Sioma le jour de l’Indépendance?  Ce n’est plus le sujet. A Paris il apprend la mort de Tsipora.

Témoignage sur la Révolution Russe à Odessa, sur la vie du Yichouv de 1924 à 1936, récit de la Guerre d’Espagne. C’est aussi un récit très poétique entrecoupé des versets d’Isaïe ou de Jérémie, de poèmes écrits par ces poètes yiddisch qui vont disparaître en 1952 lors de la purge de Staline.

Un récit, parfois touffu, où je me suis un peu perdue, mais passionnant.

En bonus : la préface d‘Edgar Morin. Une postface très intéressante : Ils rêvaient de binationalisme signée Dominique Vidal

16 Dec 17:42

Parutions récentes

by noreply@hautetfort.com (livresrhôneroumanie)

Essai, Histoire, roman, francophone, Roumanie, Gabriel Leanca, L’Harmattan, Sylvain Audet-Gainar, Micmac à Bucarest, Ex AequoL’entrée de la Roumanie dans la grande guerre. Documents diplomatiques français (28 juillet - 29 décembre 1914) réunis, présentés et commentés par Gabriel Leanca, éditions L’Harmattan, 2020

"La politique du Quai d'Orsay à l'égard de l'Europe du Sud-Est dans les six premiers mois de la Grande Guerre est simple : celle-ci vise à amener les petits États de cette région à se solidariser avec l'Entente. Le cas de la Roumanie témoigne d'une situation complexe, devant laquelle se sont trouvés les diplomates français. Du côté de la Bulgarie plane également l'incertitude à l'égard de la guerre. La diplomatie française comprend qu'elle doit s'entremettre entre la Russie et la Roumanie pour faciliter le dialogue entre les deux voisins et proposer une stratégie cohérente de l'Entente pour les Balkans. L'entrée en guerre de la Roumanie est la suite des initiatives franco-russes qui ont débuté précisément en 1914."

https://www.editions-harmattan.fr

 

 

Essai, Histoire, roman, francophone, Roumanie, Gabriel Leanca, L’Harmattan, Sylvain Audet-Gainar, Micmac à Bucarest, Ex AequoSylvain Audet-Gainar, Micmac à Bucarest, éditions Ex Aequo, 2020 

"Arthur Weber, futur papa, se retrouve malgré lui impliqué dans des affaires d'assassinats... ses origines mystérieuses auraient-elles un lien avec ces crimes ?

Octobre 2018.
Né en Roumanie de père inconnu pendant le communisme, Arthur qui a passé toute sa vie en France habite depuis deux ans à Bucarest où il file le parfait amour avec Iulia.
Alors que le jeune homme se prépare, non sans quelque difficulté, à devenir père, il connaît toute une série de déboires. Accusé tout d’abord d’avoir commis plusieurs assassinats, il peine à prouver son innocence tandis que la découverte d’une curieuse note rédigée par sa mère quelques mois après sa naissance l’oblige à se confronter au mystère de ses origines.
Qui était son géniteur ? Qui est celle ou celui qui cherche à lui faire porter le chapeau de tous ces crimes ? Ces deux affaires-là ont-elles un lien entre elles ?
Dans tous les cas, cette double enquête, dont Arthur se serait bien passé, le contraint à se plonger dans une des périodes les plus troubles de l’histoire de sa mère mais également de la Roumanie, à avancer à tâtons dans un labyrinthe aux impasses et aux embûches innombrables et surtout, à devoir faire équipe avec une bande de détectives amateurs particulièrement loufoques.

Faisant suite aux aventures d’Arthur Weber dans Du Rififi à Bucarest, ce roman propose au lecteur de poursuivre la découverte de la Roumanie sous des angles inédits, son histoire trouble et mouvementée, sa culture foisonnante mais également sa capacité stupéfiante à la résilience et son sens irrépressible de l’humour.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Sylvain Audet-Găinar est né en 1980 et a fait des études de Lettres à Lyon, à Strasbourg et à Bucarest. Fasciné par la Roumanie, il y a vécu et enseigné le français pendant de longues années. Après avoir traduit plusieurs polars roumains, il a fini par se lancer dans l’écriture de ses propres romans. Son premier ouvrage a paru en 2020 sous le titre Du Rififi à Bucarest."

https://editions-exaequo.fr

13 Dec 11:51

Evasion littéraire, au fil du Danube

by Miriam Panigel

MITTELEUROPA

Le Danube à Budapest

Comme le Voyage en Orient, le Grand Tour en Italie, le Danube a inspiré les écrivains-voyageurs. Sans projet de voyage, j’ai donc décidé de m’évader par la lecture au fil de l’eau.

Pourquoi précisément le Danube?

A cause du livre Art Nouveau de Paul Greveillac qui met en scène un architecte viennois (fictif) arrivant à Budapest. Pour revoir les photos j’ai ouvert les albums et les carnets de voyage et décidé de dépoussiérer Mitteleuropa2001 qui avait disparu lors des migrations de mes blogs. Scanner les photos, revoir les textes me transporte loin des confinements….

Le Danube à Klosterneubourg

J’ai aussi descendu de l’étagère Danube de Claudio Magris, gros livre de 560 pages,  que je n’avais pas lu. Lecture savante d’un germaniste érudit que je savoure lentement m’arrêtant presque à chaque page pour consulter la carte, ou wikipédia pour approfondir, chercher une date, un auteur, un ouvrage…

Bien antérieur, et bien différent, le récit de Patrick Leigh Fermor  raconte son itinéraire à pied, de Hollande à Constantinople (1933-1935).  Dans la nuit et le vent (2016) réunit les trois volumes : Le Temps des Offrandes, et Entre fleuve et forets et La Route Interrompue. Lecture inoubliable, et relecture à la parution du recueil, tout aussi éblouissante. Je l’ai lu comme un livre d’aventures.  

Vagabondages de Lajos Kassak raconte les tribulation d’un jeune artiste de 22 ans entre Budapest et Paris en 1909. Entre Budapest et Vienne, avec un camarade il marche et mendie le gîte et le couvert dans les fermes, se clochardisant petit à petit. A Vienne, il connaît les asiles pour vagabonds mais fait aussi de belles rencontre avec des artistes. 

Recommandé par Keisha, Sur la Route du Danube de Emmanuel Ruben, m’a tentée, je l’ai réservé à la Médiathèque. D’après le billet de la blogueuse, je sais que ce sera une balade à vélo dans le sens Mer Noire vers la source. 

Déjà dans ma liseuse : Europolis du Roumain Jean Bart(Eugeniu Botez) sur la recommandation de Claudio Magris. Europolis, serait un port sur la Mer Noire dans le Delta du Danube. A explorer. Prévu aussi, Lisière,  de la bulgare Kapka Kassabova. 

Lectures anciennes, mais excellents souvenirs : le Voyage d’un Européen à travers le XXème siècle de Geert Mak traverse les contrées danubiennes( entre autres). Plus à l’Est encore, Le Voyage aux frontières de l’Europe de Paolo Rumiz, nous fait quitter le Danube pour la Volga… mais je le cite parce que Rumiz est de Trieste comme Magris et que leur point de vue est parent. 

Et malgré ce confinement qui risque de durer, je ne serai pas en panne de lecture!

 

13 Dec 11:43

Les Oxenberg & les Bernstein

by keisha


 Les Oxenberg & les Bernstein

America de peste pogrom, 2014

Catalin Mihuleac

Editions noir sur blanc, 2020

Traduit par Marily Le Nir 


Dans les années 1990 les Bernstein se sont lancés dans le commerce de vêtements de seconde main, vintage et cie. Cela leur réussit fort bien, ils envoient des containers partout dans le monde, ciblant leur public selon leurs goûts et leur morphologie. Le père (décédé) de Joe Bernstein est originaire de Roumanie. Ben, fils de Joe, et sa mère Dora, désirant avoir un pied commercial en Roumanie se rendent à Iasi, embauchent Suzy, qui devient l'épouse de Ben. Au fil du temps, Suzy, narratrice d'un chapitre du deux, se révèle très douée pour les affaires.

L'autre chapitre sur deux est consacré à la famille Oxenberg, riche famille bourgeoise de Iasi, mais dans les années 30. Le père est gynécologue, la mère traductrice, les enfants, Lev et Golda, sont prometteurs. Mais insidieusement l'antisémitisme latent se répand, pour arriver au pogrom de Iasi, le 27 juin 1941. Environ 15000 victimes, plus du tiers de la population juive totale de la ville.

La narration culmine forcément avec le récit de cette journée épouvantable (dont j'ignorais tout, je l'avoue), même si l'auteur a su transfigurer l'ambiance dans le wagon où se trouvent certains personnages. Mais les chiffres parlent, et l'on peut trouver plus de détails et des photos sur internet.

Sinon, le parti pris de l'auteur est d'user d'une certaine distance par le biais de l'ironie. C'est efficace, finalement, et je ne dis rien de la fin, qui éclaire certains personnages autrement.

Lecture hautement recommandée.

Les avis de Nicole, Tu vas t'abimer les yeuxbabelio,

13 Dec 11:43

Au puits / Trois roubles

by keisha

 


Au puits

Scènes de la vie serbe

Laza Lazarevic

Ginkgo, 2020

Traduit du serbe par Alain Cappon


L'auteur (1851-1891) était médecin et auteur de neuf nouvelles. Il a servi pendant la guerre serbo-turque de 1876-1877 et la guerre serbo-bulgare (1885-1886). Il est mort de la tuberculose. Le recueil Au puits présente 5 de ses nouvelles.

Même si comme moi on ne connaît rien de la vie dans les villages serbes de l'époque, souvent marqués par de mauvais souvenirs avec les turcs, pas de problème, quelques notes éclaircissent si besoin est, et je garantis que le charme opère totalement.

Une société apparaissant dominée par les hommes, les anciens, et les religieux, mais ils n'oublient pas d'écouter leur intelligence et leur coeur, quant aux femmes, elles finissent par s'en tirer.

Une jeune fille trop gâtée par son père se marie et ne se plie pas aux règles de sa nouvelle famille (très élargie!). Une famille tirée vers le bas par l'amour des cartes du père. La jeune fille d'un pope déjà vieux qui fait des études et revient au village. Une drôle de nuit assez agitée. Un père qui attend son fils parti à la guerre, et un mari sa femme et son bébé.

Ces nouvelles sont vraiment réussies, bon rythme, un peu d'humour, un peu d'émotion, et on se surprend à se sentir comme chez soi dans cet univers si éloigné temporellement et géographiquement.

Les avis de Passage à l'est

Passons à


Trois roubles

Ivan Bounine

Ginkgo, 2020

Traduit par Anne Flipo Masurel

Préface d'André Makine


Ivan Bounine ( 1870, Voronej, 1953, Paris, oui, l'exil) a reçu le prix Nobel de littérature en 1933, ce qui n'a pas dû plaire en Russie, quittée après la Révolution.

Ces quelques nouvelles, dont certaines écrites dans le sud de la France où il résidait, sont assez intimistes et intemporelles, souvent lyriques et empreintes de nostalgie. Les histoires d'amour ne se terminent pas bien ou sont ratées. 

Nuit en mer est un dialogue entre deux hommes se retrouvant après des années, mais l'on apprend que l'un, fort malade, est parti avec la femme de l'autre. Coup de soleil raconte une rencontre d'une nuit. Trois roubles est étonnant. A découvrir.

Séquence pub: lecteur, tu as un challenge 'romans de pays peu connus ou auteurs peu traduits'? Cet éditeur est là pour toi. Il propose des pépites anciennes. Les deux là coûtent 9 et 8 euros, tu peux donc te lancer.

La Suède : 

Ivar Lo-Johansson : L'autre Paris
Moa Martinson : Femmes et pommiers
Wilhelm Moberg : La femme d'un seul homme

La Russie : 

Boulgakov : Coeur de chien
Leskov: Le gaucher 

Tourgueniev : Moumou

12 Dec 15:50

Cahiers Lituaniens : Lukša, Baltušis, Simenon, Trübner, Bopp et Meillet

by Unknown

Seule revue française entièrement consacrée à la Lituanie et aux relations de ce pays avec la France, le numéro 19 des Cahiers Lituaniens vient de paraître avec, cette année encore, un sommaire très diversifié liant l’histoire et l’art aux regards du présent. 

En 2021 en effet, la Lituanie commémorera le centenaire de la naissance de Juozas Lukša (1921-1951), ainsi que le soixante-dixième anniversaire de sa mort. Connu sous son pseudonyme de combat de Daumantas, il fut l'un des plus importants chefs de partisans lituaniens après la Seconde Guerre mondiale. C’est par le biais de sa correspondance avec sa compagne qu’est abordé dans ce numéro son engagement pour son pays jusqu’à l’ultime sacrifice de sa vie.

C’est dans un tout autre registre qu’est ensuite abordé le succès en France de La saga de Youza, l’œuvre majeure de Juozas Baltušis (1909-1991), un écrivain lituanien de talent qui a néanmoins toujours apporté son soutien au régime totalitaire soviétique. Auteur prolifique à l’époque communiste, il a aujourd’hui quasiment disparu des rayonnages et des programmes scolaires dans son pays. Longtemps secrétaire du Parti au sein de l’Union des écrivains de la RSS de Lituanie, il s’était également opposé, dans son aveuglement idéologique, au mouvement d’indépendance de la Lituanie au tournant des années 80 et 90.

Or, c’est justement durant cette période charnière, en 1990 et 1991, que René Weber (né en 1947) séjourna, parmi de rares Français, dans les pays baltes à l’aube de leur indépendance. Il témoigne ici comment il la vécut auprès des Lituaniens et comment sa résidence d’artiste à Nida l’a inspiré dans son art – lui, l’artiste venu de l’Ouest. Son Élan globe-trotter, qui illustre la couverture de ce numéro (photo), semble anticiper à sa manière la réouverture au monde tant espérée des Lituaniens.

La revue nous transporte par ailleurs dans le Vilnius de l’entre-deux-guerres, vu à travers l’œuvre du romancier belge Georges Simenon, ainsi que dans celui du milieu du XIXe siècle, quand trois élèves et successeurs du professeur Bojanus, Adam Ferdynand Adamowicz, Fortunat Jurewicz et Carl Muyschel, prirent sa relève à l’université. La linguistique lituanienne y est abordée à la fois par l’activité d’édition de Karl Trübner à Strasbourg et par les travaux sur la phonétique historique de Franz Bopp et d’Antoine Meillet.

Comme de tradition, ce numéro s’achève avec des textes de fiction, en l’occurrence deux contes populaires, Le nigaud et Le bateau d’or, précédés d’une introduction de Jean-Claude Lefebvre consacrée aux particularités lituaniennes de ce genre littéraire ancestral.

http://www.cahiers-lituaniens.org/

 

05 Dec 18:41

5-Décembre ✰Mon Avent Littéraire 2020✰

by Temps de lecture
#blog-littéraire #chronique-littéraire #monaventlitteraire2020 #litterature-tchèque #bohumil-hrabal ❆5 Décembre ↝ Le livre dont l’écriture m’a éblouie Incontestablement, l’une des verves qui m’ait le plus touchée ces derniers mois c’est celle de l’écrivain tchèque Bohumil Hrabal, que j’ai découvert à travers son brillant roman Une trop bruyante solitude, et que j’ai cette fois chroniqué ici. Pour le plaisir,... Lire la Suite →
04 Dec 18:32

La vie ne vaut pas d’être vécue sans la musique de Bach.

by nathalie

Aharon Appelfeld, Des jours d’une stupéfiante clarté, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, parution originale 2014, édité en France par l’Olivier.

C’est un homme qui marche. Pas très vite et en s’arrêtant souvent, mais il marche, il rentre chez lui.


À la fin de la guerre, Theo décida qu’il ferait seul le chemin de retour jusqu’à sa maison, tout droit et sans prendre de détours. Malgré la distance de plusieurs centaines de kilomètres qui le séparait de chez lui, il avait l’impression de voir la route se dérouler avec la clarté sous ses yeux, sur toute sa longueur.


Theo a passé plusieurs années dans un camp. Les bourreaux sont partis. Les prisonniers sont libres. Theo a quitté les autres rescapés et il marche vers la petite ville d’Autriche où il a grandi. Il dit qu’il va retrouver son père et sa mère. En marchant, il ressuscite les souvenirs de son enfance, son père libraire silencieux, sa mère une belle femme exaltée. Au fur et à mesure de son avancée, Theo s’avoue à lui-même combien il a été injuste envers son père, et combien sa mère lui manque, une mère malade, dépressive, passionnée de musique religieuse chrétienne, aimant les monastères (ce qui faisait jaser les voisins). Au cours de sa marche, il rencontre d’autres rescapés, en marche eux aussi, et étonnamment plusieurs personnes ayant connu son père ou sa mère. Ils surgissent, ils ravivent les souvenirs, ils disparaissent.

Il y a aussi l’étrange décor dans lequel évolue Theo. Une campagne vide, sans ville, avec quelques fermes, mais avec un hôpital. Des véhicules de guerre abandonnés là. Des camps, mais des nouveaux, où l’on distribue du café et des sandwichs. Aucun russe, aucun soldat de l’Armée rouge, tout juste mentionnée, aucun responsable quelconque. Les secours sont apportés par des infirmières, des rescapés devenus bénévoles, quelques mystérieux gardes. La société est vide.


Cela faisait des années que Theo n’avait pas entendu l’expression « des raisons personnelles ». On ne l’utilisait pas au camp et il se réjouit de l’entendre de nouveau.

Chagall, La Rose bleue, 1964 Nice musée Chagall.


Le roman restitue aussi l’état physique et psychologique des rescapés. La peur permanente et irraisonnée d’être poursuivi. Le sentiment de culpabilité envers les autres rescapés. Un épuisement prononcé qui conduit Theo à s’endormir semble-t-il presque sans le vouloir dans un coin de terre, à s’arrêter sans cesse, et à laisser passer une journée à dormir et à fumer (la rationalité bête est priée de passer son chemin). Une crainte des autres rescapés, car les regroupements génèrent inévitablement des tensions et de la fatigue, et un désir de partager le café et le tabac, et de respecter l’intimité de chacun. Certains s’arrêtent à un endroit et semblent incapables de repartir. D’autres conscients d’avoir tout perdu se consacrent à aider ceux qu’ils rencontrent. Theo évolue dans ses souvenirs et suit sa volonté farouche de rentrer chez lui, de retrouver son père et sa mère, même si un coin de lui-même, inavouable, semble être conscient qu’il ne possède plus de chez lui.

Un roman qui flotte dans une atmosphère un peu mythique, comme un conte de la survie, une allégorie de l’existence humaine. Il n’y a ni magie ni fantastique, mais l’indétermination et le soleil qui planent sur cette marche, dont on ne connaît ni le début ni la fin, campent une atmosphère irréelle, tout à la fois fragile et apaisée.


Il se recroquevilla, sentant la fureur rouer son corps de coups. Il resta longtemps ainsi, tête rentrée dans les épaules, yeux clos.

Je dois partir d’ici. Je dois avancer sans regarder en arrière, se dit-il. Et il reprit la route à grands pas. Après une heure de marche, il aperçut un arbre immense couvert de petites feuilles, en pleine floraison, et il fut soulagé, comme si une terrible menace s’était éloignée.


J'ai aussi lu le très beau Histoire d'une vie.



04 Dec 18:31

‘The Pear Field’ by Nana Ekvtimishvili (Review)

by Tony

Peirene Press’ three books for 2020 form the Closed Universe Series, and this year has already seen trips to Italy and Norway to make the acquaintance of people in self-imposed exile.  However, the last of the three books, this time taking us to Georgia, has a slightly different slant on the theme.  While the setting is another place separated from the outside world, the protagonist is far from alone, and she’s prepared to go to great lengths to help those she cares for.

*****
Nana Ekvtimishvili’s The Pear Field (translated by Elizabeth Heighway, review copy courtesy of the publisher) is the story of Lela, a young woman living on the outskirts of Tbilisi at the Residential School for Intellectually Disabled Children, or, as the locals call it, the School for Idiots.  However, Lela’s presence there has less to do with her mind than with her mother abandoning her as a young child, and now that she’s come of age, it’s time for her to move on, even though it will be tough to leave the other kids behind.

Before she packs her bags, though, there are a couple of things she needs to do.  The first of these consists of helping Irakli, a child chosen for adoption by wealthy Americans, to prepare for his new life overseas.  The other is a far more personal, and dangerous, task.  Vano, the school’s history teacher must die – only then will Lela’s conscience allow her to hit the road…

The struggles of life in post-Soviet Georgia are fertile ground for the country’s literature, and I’ve already seen a few examples (e.g. The Book of Tbilisi, The Eighth Life), but Ekvtimishvili’s take is different in the way it confines its scope to the school and the surrounding neighbourhood.  It’s a snapshot of what life is (was) like in Georgia as a whole, showing a run-down society full of people scraping by and planning to get out.  For those in the school, though, that’s easier said than done.

The school itself is the focus of the first part of the novel.  An old, crumbling building, its decay is epitomised by what has come to be called the ‘trampoline room’, where the children bounce on old, discarded metal bedframes.  Meanwhile:

The room has recently gained one more attraction: without warning, its little balcony collapsed, sending lumps of concrete crashing down into a pile on the ground and taking with it the iron guard rail and a number of roofing slates.  Now there is just a length of supporting beam sticking out of the wall.
p.12 (Peirene Press, 2020)

Leaky roofs, an open space into the outside world – as you’d imagine, it’s an accident waiting to happen, especially as the kids are drawn magnetically to the room.

Slowly, we begin to make the acquaintance of those who live at the school, children who have been given up by their parents, either temporarily or permanently.  Many have learning difficulties, but some, like Lela, have simply been abandoned, and this is behind the connection she forms with nine-year-old Irakli, another boy whose mother, despite her promises, is unlikely to return to pick him up.  This reminder of her own past means Lela’s determined to help him find a new start.

In truth, though, Irakli’s impending adoption is less interesting than what’s happening in the background, with the writer exploring the lives of the children living in the school.  Yes, there are mentions of a few successes (the school’s ‘heroes’), but these are exceptions to the rule of dull lives.  What makes this even worse, though, is the darker side to the school, which gradually explains Lela’s strange outbursts in the first pages of the novel:

Nona starts walking gingerly down the steps.  Lela stares at her, trying to interpret her expression, trying to place that look on her face.  Nona doesn’t look much different from how she did before, except that now, like her dress, she seems damaged, soiled, tear-stained…  Vano stops drinking and walks off. (p.60)

I’m sure you can guess where this is going, and when Lela’s own similar experiences are revealed, her hatred for the elderly history teacher is no longer a mystery.

Surprisingly, The Pear Field isn’t all negative, and there’s frequently a warmth to the school, at least amongst the children.  We see them playing football outside, and cherry scrumping in the middle of the night, and Lela’s motherly attitude towards the younger students shows that the kids don’t go completely unloved.  There’s also a nostalgic air to some of the description as Lela walks around the familiar and comforting places she’s called home for so many years:

The wash block smells of laundry soap, washing powder and damp, mildew-covered walls, and if someone’s got nits there’s an eye-watering fog of DDT powder, too.  Lela has her shower at the start of the week.  She goes in alone when the laundry’s done and the children have all had their baths.  When she pulls her unwashed clothes back onto her freshly washed body, it feels as if she’s climbing into an old, familiar skin. (p.31)

This is one part of a longer section about the various odours the school exudes, which almost reads like someone taking stock of what they have, before they leave for good.

When I read this last week, it didn’t really do it for me, particularly in the first half, which I found a little slow and drifting.  Yet it’s proved to be a subtle, slow-burning book that’s stayed with me longer than I expected.  The light tone belies the themes of stagnation and abuse, and the way the writer sets the story up, providing hints as to how it’ll all play out, works well.  In fact, the rather messy nature of the story that I didn’t enjoy at first, bouncing between background details adding to the story (the wedding receptions that take place at the school, the interaction between the kids and the neighbours) and the main ideas of Irakli’s adoption and Lela’s plans for revenge, proves to be a success.

The Pear Field is a nice read, both for its mood and the plot, and I suspect most readers will sense early on how things might play out, without ever quite uncovering everything that’s going on.  It makes for a suitable addition to the Closed Universe series, but there is one key difference at the end of this book.  Unlike the protagonists of the others in the series, the story ends with Lela finally ready to move on, to see what there is to see outside her little world.  Let’s hope it’s an improvement on what she’s experienced thus far…

04 Dec 18:29

LE CAHIER VOLE A VINKOVCI, roman de Dragan VELIKIC (Ed. Agullo, 2021)

by bejanovska

LE CAHIER VOLE A VINKOVCI fait partie de la sélection pour le PRIX JEAN MONNET 2021!

sortie le 25 février 2021

«Rarement un livre me laisse sans voix. Et c’est un chef-d’œuvre – une magnifique mosaïque balkanique moderne d’après-guerre dans laquelle l’histoire et la fiction s’intègrent si habilement. Dragan Velikić crée une œuvre de haut niveau, dont vous ne pouvez tout simplement pas vous séparer, et c’est pourquoi, probablement à juste titre, il est considéré comme le nouvel Andrić.  » (Stefanos Cavalierakis, directeur du musée de la ville d’Athènes)

La nouvelle de la mort de sa mère surprend l’écrivain à Budapest et devient l’occasion d’ouvrir une boîte noire émotionnelle. De fragments de souvenirs en portraits esquissés avec sensibilité, c’est toute l’histoire de l’Istrie du XXe siècle, depuis le grand incendie de Salonique en 1917 jusqu’à nos jours, en passant par l’implosion de l’ex-Yougoslavie dans les années 1990, qui se trouve revisitée à travers les événements, les vies ordinaires ou extraordinaires de ceux qui se sont succédés sur cette terre, et la trace qu’ils ont laissée dans l’esprit du narrateur. L’histoire de pays, de villes, d’hôtels, de chemins de fer qui n’existent plus. De familles détruites et de personnes disparues. C’est aussi, et surtout, un portrait de la mère du narrateur, elle qui toute sa vie a collecté ces fragments, ces morceaux de mémoire, et qui, à la fin de sa vie, a fini par perdre cette mémoire. Un roman sur l’histoire, les histoires, le souvenir, réel ou recréé, les traces qu’on laisse.

Dragan Velikić est né à Belgrade en 1953. Après des études de Lettres, il dirige les éditions de Radio 92 et écrit des chroniques pour diverses revues. Ambassadeur de la République de Serbie entre 2005 et 2009, il est l’un des écrivains contemporains les plus connus de Serbie et a publié de nombreux romans, nouvelles et essais. Il a obtenu deux fois le prestigieux prix NIN : en 2007 pour son roman Ruski prozor, et en 2015 pour Le Cahier Volé à Vinkovci (Islednik). Ce dernier a en outre reçu le prix Vital et est traduit en onze langues dont l’allemand, l’italien et le grec. En 2019, Dragan Velikic a reçu le prix littéraire international Vilenica, récompensant l’ensemble de son œuvre. Il vit aujourd’hui à Belgrade.

DRAGAN VELIKIC, est lauréat de nombreux Prix dont deux fois de celui de NIN (le Goncourt serbe) et de VILENICA pour son oeuvre complète qui est traduite en 16 langues européennes, en farsi et en arabe.

Editions en hongrois, en farsi et en arabe

PRESSE

Magazine VSD, fevrier 2021 : « splendide voyage en Istrie ».

6 février 2021 : http://songazine.fr/v2/le-cahier-vole-a-vinkovci-dragan-velikic/

VOICI UN LIVRE PEU ORDINAIRE. TOUCHANT ET SURPRENANT :

« Ce livre vous donne envie de regarder les photos que vous gardez dans une boîte en carton, à la cave, de regarder la vie qui s’est écoulée depuis quelques décennies, et de sentir le parfum fugace de temps révolus ».

Avis des lecteurs :

2 février 2021 : https://www.babelio.com/livres/Velikic-Cahier-vole-a-Vinkovci/1288539

« Quel livre original …Un livre indescriptible , très bien écrit, un tourbillon de personnages qui ont vécu sur ces terres au XXème siècle.Un beau portrait de mère aussi, touchant, déroutant. Comme tout ce livre. « 

« En refermant ce livre, que j’ai lu intensément, passionnément, me sont restées des images, des visages, des tranches de vie, des émotions. Je me sens comme si j’avais moi-même voyagé, et que je ramenais dans mes bagages des souvenirs de rencontres qui m’ont enrichies.Quant à l’écriture, c’est le summum. Elle est d’une beauté ! Quelle maîtrise de la langue ! Bravo à la traductrice Maria Bejanovska, j’ai pris un tel plaisir à lire ce roman. Une véritable symphonie dont la musique entêtante m’a charmée du début à la fin. »

févier 2021 : https://lejardindenatiora.wordpress.com/2021/02/08/le-cahier-vole-a-vinkovci-de-dragan-velikic/:

« Je suis ravie d’avoir eu l’occasion de lire cet ouvrage qui m’a emballée comme rarement. J’ai pu aller à la rencontre d’un auteur, d’un territoire, d’une littérature inconnue ».

LE COUP DE COEUR DE LA LIBRAIRIE AB

Le coup de cœur de Florence pour un formidable roman chez Agullo Editions« Un très beau roman, mélancolique et passionnant. L’auteur adresse à sa mère une lettre d’amour et évoque les endroits et les personnes qui ont traversé son existence. Derrière l’histoire maternelle, apparaît comme par magie l’Histoire de la Yougoslavie.

Le 24 février

LE CAHIER VOLE A VINKOVCI fait partie de la sélection pour le PRIX JEAN MONNET 2021!

Ce prix récompense chaque année un écrivain ou une écrivaine pour un ouvrage traduit ou écrit en français durant l’année écoulée.  8 titres sont aujourd’hui en lice pour cette 27e édition de la récompense. 

Le 25 février 2021

« Dans son dernier roman déjà sélectionné pour le “Prix Jean Monnet de littérature européenne”, l’écrivain serbe Dragan Velikić nous entraîne à la recherche de la mémoire, celle du “cahier volé” où la mère du narrateur notait le nom des hôtels lors de ses errances à travers l’Istrie. Mais au-delà de l’histoire de son pays, c’est sur sa propre vocation d’écrivain que s’interroge l’auteur. »

« Le lecteur ne peut s’empêcher de penser à “La promesse de l’aube” de Romain Gary. Comment ces mères exigeantes, fières jusqu’au ridicule, rêvant de célébrité pour leur progéniture et un brin fantasques, peuvent-elles susciter le désir d’écriture ? »

le 18 mars 2021 https://netsdevoyages.car.blog/2021/03/13/le-cahier-vole-a-vinkovici-dragan-velikic/?fbclid=IwAR0HBqMGU18lAqN68ljTXTcvf_fyx3dWLkdCONK625PtC7jeDSVQSmL_8vA

« Comme Mendelsohn et Sebald , Velikic mène son enquête de manière circulaire. Il tourne et retourne, digresse, retrouve d’anciennes photographies, interroge des témoins comme le vieil horloger nonagénaire. Il fait revivre les anciens souvenirs familiaux comme ceux de son grand père cheminot. Surtout il raconte l’histoire de son ancienne voisine Lizeta, grecque, italienne et juive de Salonique dont les anciennes photos ont enchanté son enfance. L’incendie de Salonique (Aout 1917).

le 17 mars 2021 https://viduite.wordpress.com/2021/03/17/le-cahier-vole-a-vinkovci-dragan-velikic/

UN RECIT MAGISTRAL »Le cahier volé à Vinkovci est un récit magistral, son désordre apparent, ses détours, la plasticité de la prose de Dragan Velikic, donne une image saisissante de l’Istrie, de son histoire pleine de manipulations et de séparations. »

Les Notes (mars 2021) : « Une grande et belle histoire au service d’un émouvant parcours mémoriel »:

Revue HISTORIA (mars 2021) par Gérard de Cortanze :

le 7 mai 2021

https://www.courrierdesbalkans.fr/Blog-o-un-livre-de-la-memoire-et-de-la-colere?fbclid=IwAR2x0ycnU-m6J0I5rEEZ-kkXW1yILrR3zAoXpNxkQHM9l3wwodnLf2i8yVg#.YJZjhbEjQ3Q.facebook

UN LIVRE DE LA MEMOIRE ET DE LA COLERE » Dragan Velikic nous livre avec Le Cahier volé à Vinkovci un récit puissant, sinueux et émouvant, mais aussi traversé d’élans de colère, sur la fuite du temps et les bouleversements du monde. » (Pierre Glachant)

le 10 mai 2021

UNE PROSE TRES PERSONNELLE, A TENDANCE SPIRITUELLE ET PHILOSOPHIQUE » J’ai découvert un auteur avec une vraie finesse d’esprit et une vision très clairvoyante sur sa propre famille, son pays et qui possède d’une façon bien à lui de saisir et recréer le temps qui passe, et surtout la façon dont il passe. On se laisse voguer au fil de la pensée et des mots du lauréat du prestigieux prix Nin, qui clôt son périple, comme il l’a commencé à Belgrade, là où l’a commencé. Là d’où il aimerait repartir. »

« J’imagine que la traduction a été plutôt ardue à certains moments, en tout cas, elle est brillante, Maria Bejanovska a accompli là un formidable et minutieux travail de transcription. C’est une écriture très imagée, qu’il faut aborder sans précipitation et prendre le temps de déchiffrer la profondeur du sens de ses écrits.

https://tempsdelectureblog.wordpress.com/…/le…/…

26 Nov 18:04

Temps d’arrêt. La romancière Ioana Pârvulescu

by Cristina Hermeziu
"Mais ce que je noterais en particulier dans un journal extime c’est un détail étrange qui me manque depuis des mois : les répétitions de mes voisins d’en face, du Conservatoire de Musique. Chaque matin, vers 7 heures et quart, les lumières s’allumaient dans cet édifice et les premiers étudiants de la journée commençaient leurs études. Ces sons ne m’ont jamais dérangée, au contraire, je ressentais une sorte de solidarité envers cet art qui demande tant de travail et je les admirais. J'éprouvais une sorte d'amitié acoustique qui maintenant me manque et me donne un petit sentiment de vide, de désert."
26 Nov 17:57

Le pogrom de Iassy dans un roman à l’humour cru : « Les Oxenberg et les Bernstein » de Cătălin Mihuleac.

by Cristina Hermeziu
Jean-Michel Bérard: "Les Oxenberg et les Bernstein est l'un des livres les plus forts que j'aie pu lire ces dernières années. De ceux qui vous marquent pour longtemps, sinon toute votre vie de lecteur. Je l'ai dévoré voici deux ans sous son titre d'origine, « America de peste pogrom » et l'ai redécouvert ces jours-ci dans l'excellente traduction de Marily Le Nir. L'ébranlement que j'en ai reçu est intact."