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22 Jun 17:33

À chaque époque sa « normalité ».

by nathalie

  

Andreï Kourkov, Le Pingouin, parution originale 1996, traduit du russe par Nathalie Amargier, édité en France par Liana Levi.

 

Une plongée dans un monde dangereux et absurde.

Victor, le héros, est un journaliste pas très bon, à Kiev. Il vit seul avec Micha, un pingouin (qui est un manchot en réalité). Un jour, son rédacteur en chef, qui a l’air très bien informé, lui confie l’écriture de nécrologies d’hommes et de femmes encore vivants… du moins jusqu’à ce qu’ils mettent à mourir et que les événements surviennent et s’imposent à Victor.


La vie des gens ordinaires est si ennuyeuse, les distractions sont devenues hors de prix. C’est pour cela que les pavés volent bas…


Je l’avais lu à sa sortie en France, mais n’en gardais aucun souvenir. Je suis donc très contente de cette relecture. Victor est un homme à qui il arrive des choses, mais qui semble peu agir de lui-même, malgré quelques initiatives. Il vit dans une Kiev étrange, soviétique et corrompue, dangereuse, où les règlements de compte suivent les enterrements et où tout le monde peut trouver normal d’avoir à se planquer dans une datcha durant un certain temps.


Le pingouin fixa d’abord la tasse de thé, puis Victor, qu’il examina d’un regard pénétrant, comme un fonctionnaire du Parti bien aguerri.


C’est un drôle de monde.

Dans cet univers, le pingouin est un être mystérieux et attachant, silencieux et solitaire, un peu neurasthénique, mais aimant les crevettes et confiant dans cet humain (d’ailleurs, petite pointe de déception de ma part à la fin du livre, mais bon). Il étonne et suscite les conversations. Bizarrement, personne ne s’en prend à lui.

De l’humour noir (j’aime notamment la reprise récurrente de « Micha, pas le pingouin, l’autre »).

Une langue sobre, peu d’introspection, peu d’attachement, le lecteur reste la plupart du temps à distance des personnages, les regardant vivre avec un sentiment de vide et d’étrangeté.

C’est un bon roman, qui se lit avec plaisir, et qui s’oublie et se relit avec autant de plaisir.

 

Aillaud, Les Pingouins, 1972 MAC Marseille


En janvier, l’hiver fut paresseux. Il se contenta de vivre sur ses réserves de neige de l’année précédente, qui recouvraient toujours le sol grâce à des gelées persistantes.

 

Le silence relatif, seulement troublé par le pingouin qui déjeunait, ramena Victor au temps où ils vivaient seuls tous les deux, tranquilles, muets, sans attachement très marqué, mais avec ce sentiment de dépendance réciproque qui créait presque un lien de parenté, comme quand on s’occupe de quelqu’un sans en être amoureux : les membres de sa famille, on ne les aime pas forcément, on les aide, on se fait du souci pour eux, mais les sentiments et les émotions sont secondaires, facultatifs. On souhaite juste que tout aille bien pour eux…

 



18 Mar 16:32

La tsarine venue de Lituanie

by Unknown

Issue d’une famille lituanienne appauvrie, la première impératrice de Russie, épouse du tsar Pierre le Grand, fut qualifiée par Voltaire de Cendrillon du XVIIIe siècle. Née orpheline en 1684, recueillie par sa tante puis vendue comme servante à la famille d’un pasteur, Marta Skowronska fut mariée de force à un homme d’infanterie suédois avant d’être faite prisonnière par l’armée russe lors de la grande guerre du Nord. Devenue la blanchisseuse du feld-maréchal Cheremetiev, ce fut par l’entremise du prince Alexandre Menchikov qu’elle accèdera à la cour du tsar Pierre le Grand pour arriver jusqu’au trône sous le nom de Catherine Ière.

Les recherches fouillées de Kristina Sabaliauskaitė pour documenter ce roman aux allures de tragédie grecque font le portrait d’un tsar à la fois moderne et barbare, dont la sauvagerie n’a d’égal que l’étendue de son empire. Un personnage qui semble encore parler de la Russie poutinienne d’aujourd’hui, à travers le regard d’une femme au destin fulgurant et à l’histoire méconnue.

Née à Vilnius en 1974, Kristina Sabaliauskaitė est historienne de l’art. Depuis 2002, elle vit à Londres où elle a travaillé pendant plusieurs années comme journaliste correspondante pour un quotidien lituanien. Elle a publié en 2008 une première saga historique, Silva Rerum, qui a rencontré un vif succès, la plaçant comme l’auteure lituanienne la plus lue au monde. Petro imperatorė est devenu un bestseller en Lituanie dès la parution du premier tome en 2019. Il paraît désormais en France sous une traduction de Marielle Vitureau.

> L’Impératrice de Pierre, Kristina Sabaliauskaitė, Quai Voltaire Editeur, 2023, 384 pages, 24,00 €.

https://www.editionslatableronde.fr/Catalogue/quai-voltaire

09 Mar 11:08

Chaque année apporte davantage de croissance et de beauté.

by nathalie

 

Karel Čapek, L’Année du jardinier, traduit du tchèque par Joseph Gagnaire, illustrations de Josef Čapek, parution originale 1929.

 

Ce n’est ni un almanach ni un joli livre poétique sur l’art du jardin ni un recueil d’observations ou de conseils. C’est la vie du jardinier tout au long de l’année racontée avec beaucoup d’humour et de mauvaise foi.


La température n’est jamais conforme à la normale séculaire ; elle la dépasse toujours de 5 degrés à moins qu’elle ne lui soit inférieure d’autant.


Aucun mois n’est bon pour se reposer. Tailler, transplanter, arroser, étudier la météo, se vanter auprès des voisins, commander des plantes, biner et on recommence, entre les plantes qui s’étiolent et celles qui prennent toute la place, entre celles dont on rêve et celles que l’on possède… Cela n’empêche pas certaines notations très fines (avez-vous déjà vu ces plantes qui sortent de terre en poussant la graine au-dessus de leur tête ?). Il y a de très bonnes pages sur les cactus et sur le mois de septembre, le mois de la seconde floraison. Je note les énumérations interminables de toutes les fleurs, de leurs couleurs et de leurs formes, et des feuillages, et de la variété des tiges. Une diversité de mots qui reflète à peine la diversité infinie des fleurs des jardins.

 

La préparation de la terre à semences est un grand mystère et comporte des cérémonies magiques. Il faut y mêler de la poussière de marbre (mais où la prendre ?), de la bouse de vache de trois ans (ici, on se demande si cette indication d’âge se rapporte à la vache ou à la bouse), une pincée de terre de taupinière fraîche, etc.

 

La terre de jardin ou de culture, appelée aussi humus ou terre meuble, se compose d’une manière générale de certains ingrédients qui sont : la terre, le fumier, les feuilles pourries, la tourbe, les pierres, les tessons de verres à bière, les plats cassés, les clous, les fils de fer, les os, les flèches hussites, le papier d’étain des tablettes de chocolat, etc.

 

Inutile de dire que mon propre jardin a peu à voir avec celui qui est évoqué ici. J’ai emménagé il y a un peu plus d’un an alors j’ai surtout fait des travaux C’est un petit jardin de ville, avec pas mal d’ombre et de béton. C’est un jardin marseillais : pas de pluie pendant 3 mois, puis 10 centimètres d’eau en 24 heures, de la chaleur et du sec. Ici les cactus font des fleurs à tour de bras si je peux dire. Mon travail de jardinière consiste principalement à nourrir les tourterelles, les pies, les petits oiseaux, à empêcher les chats de faire leurs besoins dans les plantes, à ménager des cabanes pour les escargots et les lézards. Pour les fleurs, il faudra encore attendre quelques années.


Et puis, il y a les feuilles encore ; les feuilles d’automne, jaunes et pourpres, roussâtres, orangées, rouges comme des piments, sombres comme du sang ; et les baies rouges, orangées, noires, givrées de bleu et le bois jaune, rougi et clair, des branches nues ; nous n’avons pas encore fini.

 


Un livre chaudement recommandé par Keisha.

Je garde un mauvais souvenir de La Guerre des salamandres, mais Passage à l’Est m’a fait remarquer que mon billet n’est pas si négatif. En réalité, c’est vraiment pas bon et dépourvu de littérature. Na.

 

C’est avec ce billet que j’inaugure le mois de mars à l’Est organisé par Eva et Patrice !






 

06 Mar 09:18

Jan Trefulka – Séduit et abandonné

by Patrice

Ecrivain tchèque, Jan Trefulka (1929 – 2012) a été traduit à trois reprises en français. Séduit et abandonné est un livre écrit en 1973 et paru sous forme de samizdat durant la normalisation qui frappait la Tchécoslovaquie.

Mais son angoisse la plus aiguë provenait de ce qu’il se savait définitivement condamné ; sa vie avait irrévocablement déraillé, des centaines de milliers de vies avaient déraillé de la sorte et il n’y avait pas de remède ; silencieux et obéissants, les hommes avançaient vers leur perte.

La vie de Jan Trefulka est en quelque sorte un résumé de l’histoire de son pays, la Tchécoslovaquie. Né en Moravie, il fut exclu de la Faculté de Philosophie pendant ses études à la suite d’une plaisanterie. Proche de Kundera, cet événement sera d’ailleurs à l’origine de la rédaction de La plaisanterie, un ouvrage clé de l’oeuvre de l’écrivain tchèque établi désormais en France. Trefulka est passé par un grand nombre de métiers, comme celui de tractoriste dans une ferme. Se rapprochant du pouvoir, il fut exclu du parti communiste en 1969. Il fut l’un des signataires de la Charte 77, à l’instigation de Vaclav Havel.

Dans Séduit et abandonné, Jindřich Dvořak, après une nuit très arrosée, erre dans Prague. Il veut s’enfuir, échapper à certaines personnes (dont le rôle sera décrit plus tard dans le livre). Les chapitres sont très courts, il s’agit parfois davantage de paragraphes, et n’ont pas de caractère chronologique, ce qui confère au livre une structure assez particulière.

Sans pathos, sans s’apesantir, le lecteur prend conscience des événéments tragiques qui ont concerné sa famille : un père en camp de concentration, un oncle prêtre arrêté et dont on devine qu’il ne rentra jamais chez lui… mais aussi les éléments de sa propre vie, comme l’arrivée des troupes russes en 1948, l’invasion des troupes du Pacte de Varsovie en 1968, leur influence sur la vie d’un homme pour lequel il n’existe pas de place dans une telle société. « Séduit », ou plutôt prêt à s’adapter, mais finalement « abandonné » par cette société, par son épouse, par ses collègues de travail.

Il apprit un métier : il devint aide-grutier dans une usine de machinerie lourde. Il logeait dans un foyer de travailleurs. Que les choses aillent pour lui en se dégradant ne lui déplaisait pas ; petit à petit il adopta le mode de vie de ses voisins de chambre : il pouvait rester assis pendant de longues heures devant une bière, à observer les habitués du café local ; de temps à autre il allait au cinéma pour s’assurer encore une fois qu’il n’y avait rien à voir ; le dimanche matin il s’esquivait pour aller à la messe, mais la messe elle-même lui paraissait contrefaite comme tout son travail, sans véritable intérêt, sans ferveur. Il le savait : la prêtrise était devenue un métier qui reposait sur l’indifférence, l’incroyance, la lâcheté, et sur d’autres inavouables faiblesses humaines. (…) Il se présenta à l’embauche dans de nombreuses entreprises. Ce n’étaient partout que des regards scandalisés, parfois aussi compatissants, de la part des responsables du personnel. Vite, on lui donnait des questionnaires pour se débarrasser de lui. Il connaissait par avance le résultat de ses démarches : il savait qu’il ne pourrait se faire embaucher que là où on n’avait pas les moyens de recruter des employés selon leur profil politique.

Même si je n’ai pas lu Hommage aux fous du même auteur, il me semble à la lecture de la chronique rédigée par Passage à l’Est, que nous retrouvons des thèmes communs aux deux ouvrages : un homme qui fait le bilan de sa vie, conscient de ce à côté duquel il est passé. Il offre une vraie introspection mais constitue également une critique du régime communiste. Par ses réflexions sur la vie et sur la responsabilité à laquelle sont consacrées les dernières pages, il a un caractère très universel.

De nouveau une très bonne suggestion de lecture. Je vous conseille

X d’acheter ce livre chez votre libraire 

X de l’emprunter dans votre bibliothèque

de lire autre chose

Séduit et abandonné, de Jan Trefulka, traduit du tchèque par Barbora Faure. Gallimard NRF, 1990, 190 pages.

Ce livre a été lu dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.

06 Mar 09:18

Jan Neruda – Les contes de Malá Strana

by Patrice

Les contes de Malá Strana, écrits par le journaliste et écrivain tchèque Jan Neruda en 1877, sont un classique de la littérature de Bohême. Edité en 2021 par les éditions Gingko dans la collection « Petite bibliothèque slave », le présent recueil regroupe onze nouvelles, deux plus longues ayant été gardées pour une édition ultérieure, qui se déroulent à Prague sur la rive gauche de la Vltava (ou Moldau), connue sous le nom de Mala Strana (« Petit côté »).

Quiconque a déjà visité la capitale tchèque connaît Malá Strana. En venant de la Vieille Ville, après avoir traversé le Pont Charles, c’est le quartier pitoresque que tous les touristes visitent, en se rendant notamment au Château. « Victime » du succès touristique de la ville aux cent clochers, ses rues sont bondées mais il suffit de prendre une rue adjacente pour retrouver le calme et la magie des lieux. Malá Strana était autrefois un quartier commerçant, peuplé majoritairement d’Allemands ; il est le lieu de naissance de Jan Neruda (1834 – 1891). Il y est né dans une maison que l’on peut encore voir aujourd’hui (« Aux deux soleils »), dans une rue qui a depuis pris le nom de l’auteur (« rue Nerudova »), et dans laquelle il a passé quasiment toute son existence. Auteur de feuilletons, poèmes, drames…, Jan Neruda est un auteur majeur de son pays ; il fut proche du mouvement de Renaissance tchèque qui marqua l’histoire de son pays au XIXème siècle.

Les textes ici présentés sont narrés par Neruda lui-même, à hauteur de l’enfant qu’il était dans les années 40 du XIXème siècle. Leur tonalité alterne entre ironie, humour, tendresse. A les lire, nul doute que Neruda maîtrise l’art de la nouvelle. Il suffit de quelques lignes pour que le lecteur soit plongé dans les histoires ; les descriptions y sont très fines, notamment pour les personnages principaux des nouvelles mais aussi des lieux qui les entourent :

Je veux écrire une histoire triste, mais dont la joyeuse initiale sera pour moi le visage de monsieur Vojtíšek. C’était un visage éclatant de santé, rouge vif comme le rôti dominical arrosé de beurre frais. Et le samedi, car monsieur Vojtíšek ne se rasait que le dimanche, quand sa barbe blanche qui poussait dru sur son menton arrondi fleurissait comme une épaisse crème fouetté, je le trouvais encore plus beau. Ses cheveux aussi me plaisaient. Il n’en avait pas beaucoup : ils prenaient naissance à la hauteur des temps, au bord de la calvitie, ils grisonnaient déjà, ayant perdu leur reflet d’argent, et commençaient à virer au jaune, mais ils étaient comme de la soie, flottant au vent, et si doux autour de sa tête.

C’est toute une ambiance qui est restituée dans ce recueil ! On y rencontre un docteur, un mendiant, un commerçant, des jeunes gens… Neruda réussit à nous immerger dans son univers, mais malgré les 150 ans qui nous séparent de la publication, elles conservent une certaine actualité car elle y traite de sujets universels : l’amour, la vengeance, les rêves de la jeunesse, la tromperie, le temps qui passe… Citons entre autres « Monsieur Ryšánek et Monsieur Schlegel », l’histoire de deux habitués d’un café pragois qui partagent toujours le même banc, mais ne se supportent pas – ou encore « Ecrit cette année-là à la Toussaint », sur une dame qui va fleurir deux tombes avec un rituel particulier.

Je le disais : il y a de l’humour, de l’ironie, mais aussi de la délicatesse et l’auteur suggère parfois plus qu’il ne révèle.

Une excellente lecture et une très belle découverte. Je vous conseille :

X d’acheter ce livre chez votre libraire

de l’emprunter dans votre bibliothèque

de lire autre chose

Les contes de Malá Strana, de Jan Neruda, traduit du tchèque par François Kérel. Gingko éditeur, collection « Petite bibliothèque slave », 220 pages, 2021.

Ce livre a été lu dans le cadre du Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.

Il fut également chroniqué par Keisha en 2022 dans le cadre de ce mois thématique.

30 Dec 01:55

Quand Prosper Mérimée est traduit en lituanien !

by Unknown

Le célèbre écrivain, historien et archéologue français Prosper Mérimée (1803-1870) est surtout connu en Lituanie pour avoir écrit au XIXe siècle la seule fiction française se déroulant en Lituanie. Il s’agit de sa nouvelle Lokis. Pourtant, ce texte est révélateur de la confusion en France des identités russe, polonaise et lituanienne dans l’histoire et la culture de ce pays, surtout à l’époque où Mérimée rédigea sa nouvelle. La traduction du récit en lituanien fut donc particulièrement délicate et ce n’est pas moins de cinq traducteurs, à différentes époques de l’histoire de la Lituanie (époque tsariste, indépendance de l’entre-deux-guerres, annexion soviétique, rétablissement de l’indépendance), qui se sont évertués à traduire fidèlement le texte, tout en tentant d’apporter des corrections à ce qu’ils considéraient comme des « erreurs » de Mérimée. C’est tout le mérite d’Ingrida Bakutytė, docteure en littérature de l’Université de Leyde, de nous avoir décrit cet intéressant processus éditorial dans son article intitulé « La nouvelle Lokis de Prosper Mérimée et son accueil en Lituanie par ses traductions » paru dans le dernier numéro des Cahiers Lituaniens.

Pour accéder au texte intégral de l’article :
http://www.cahiers-lituaniens.org/BAKUTYTE-Lokis-n-21-2022.pdf

17 Dec 03:47

LE CAHIER VOLE A VINKOVCI de Dragan Velikic

by bejanovska

EN LIVRE DE POCHE ! Sortie le 18 janvier 2023

Traduit du serbe par Maria Béjanovska

« Le wagon cambriolé à Vinkovci » : ce sont les premiers mots qui viennent à l’esprit du narrateur à la mort de sa mère. Dans ce wagon qui transportait les biens de sa famille se trouvait un cahier dans lequel sa mère notait chaque hôtel où ils avaient séjourné : hôtel Palace à Ohrid, Bonavia à Rijeka, Bellevue à Split, Evropa à Sarajevo… Poursuivant le mantra de sa mère, tirant sur le fil de la mémoire, le narrateur fait surgir du passé des halls d’hôtels, des places et des rues, des bribes de dialogues…
C’est toute l’Istrie du XXe siècle qui défile sous nos yeux, à travers les vies ordinaires ou extraordinaires de ceux qui se sont succédé sur cette terre. L’histoire de pays, de villes, d’hôtels, de chemins de fer qui n’existent plus. De familles détruites et de personnes disparues dont les voix résonnent dans une polyphonie brillamment orchestrée.

Une immersion haletante dans l’histoire des Balkans. Le Temps.

17 Dec 03:47

LE CHEVAL ROUGE de Tasko Georgievski (Cambourakis, Paris, 2023)

by bejanovska

Publié le 1er février 2023.

Traduit du macédonien par Maria Bejanovska.

« Ce livre est un chef d’œuvre, chef d’œuvre d’humanité et de style. Non écrit à la hâte, admirablement construit, il use d’une langue simple, sobre, avec des fulgurances poétiques incisives, inventives.

L’armée populaire de libération de Grèce subit ses dernières défaites et se trouve contrainte au repli. En Albanie, Boris Tusev, l’un des rescapés, paysan et partisan, attend que d’autres scellent son destin.  » D’autres « , ce sont d’abord ceux qui, autour des tables de négociation, jouent le sort des peuples – les grandes puissances. Cette armée en déroute est finalement conduite en Union Soviétique. Déraciné, Boris ne rêve que de retrouver son foyer, son pays natal. Un jour, inopinément, on le renvoie en Grèce. Mais là, tout a changé. C’est alors la désillusion. Cet homme simple éprouve toute la tourmente de ces années difficiles dans un pays déchirée et devient le symbole involontaire de tous les exils.

EXTRAITS

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Tasko Georgievski (1935-2011), l’un des plus importants écrivains des Balkans, est né en Macédoine-Egée, dans une de ces familles qui se sont éparpillées de par le monde, fuyant la faim, la guerre, la destruction ou l’assimilation. C’est en 1946, pendant la guerre civile qui ravage la Grèce, que sa famille quitte le village natal. Âgé de onze ans, l’enfant emporte dans ses bagages tout le drame de ses concitoyens. Toute son œuvre est inspirée de ces événements tragiques et de leurs conséquences. Tasko Georgievski a vécu à Skopje, République de Macédoine, et n’a jamais pu obtenir l’autorisation du gouvernement grec de se rendre dans son village natal.

Le cheval rouge a été adapté au cinéma.

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« LE CHEVAL ROUGE est un chef d’oeuvre absolu » (Emmanuel Roblès)

Premier ouvrage traduit du Macédonien à rejoindre le catalogue de Cambourakis, « Le cheval rouge » est un roman écrit par Taško Georgievski et traduit par Maria Béjanovska

Directement inspiré de la vie de l’auteur, ce texte restitue avec force les déchirements induits par l’exil et la migration dans une Europe encore en gestation, lui conférant une dimension puissante et universelle.

LA NOUVELLE REVUE FRANCAISE

« Le cheval rouge, récit d’une vie achevée, est un poème sans fin. » (Laurand Kovacs, NRF, mars 1990)

« C’est l’affirmation de soi, de son identité inscrite dans toutes ses fibres qui donne à Boris l’énergie vitale qui le caractérise; il puise seulement en lui-même les raisons de son combat même s’il en est la résultante politico-historique et non pas l’initiateur. Boris concentre en lui des éléments disparates dont il est la synthèse. Par strates il est macédonien de l’Empire, fils des opprimés ottomans, grec de la Nouvelle Grèce construite dans ses paysages et ses climats ancestraux, il est paysan levé contre l’oppresseur, fuyard vaincu dans la guerre civile, exilé doublement apatride – dans des déserts de l’U.R.S.S., la Grèce est loin et, même parmi ses frères de combat, on n’y reconnaît pas sa nation -, soldat prodige au retour duquel on ne tue pas le veau gras. De tous ces échecs, de toutes ses frustrations, l sort, d’une certaine manière, triomphant, car il est resté lui-même. Et c’est en homme qu’il meurt. »

LE CHEVAL ROUGE de Taško Georgievski chez Cambourakis (février 2023):

« Premier auteur macédonien de notre catalogue, Taško Georgievski s’inspire directement de sa vie pour écrire ce grand classique qu’est « Le cheval rouge ». Il restitue alors avec force les déchirements induits par l’exil et la migration dans une Europe encore en gestation, conférant une dimension puissante et universelle à ce roman. Traduit par Maria Béjanovskia

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L’EXIL ET LA QUÊTE D’UNE IDENTITÉ PERDUE

Pierre Glachant | samedi 27 mai 2023

LE CHEVAL ROUGE de Tasko Georgievski.

« Récit puissant et vrai, concis et écrit à la première personne, Le cheval rouge est fortement inspiré de la vie même de l’auteur (1935-2012). Et cela se sent. Il frappe d’emblée par la sincérité de son ton, presque sa candeur, et son refus de céder à des envolées littéraires sur un terreau aussi tragique et humain. « Ça s’est passé comme ça », revient comme un leitmotiv et Tasko Georgievski confie lui-même dans une postface que le plus grand compliment qu’on pouvait lui faire sur son livre est d’avoir lu « une confession authentique ».

« Je serai toujours torturé par la question du retour du vaste monde vers la racine, écrit-il un peu plus loin, de l’errance vers la sérénité, des mots étrangers vers mes propres mots, de la vie des autres vers ma propre vie, car en nous tous, éparpillés de par le monde, couve l’étincelle vivante de notre vraie identité. »

lire la suite : https://www.courrierdesbalkans.fr/Blog-o-L-exil-et-la-quete-d-une-identite-perdue?fbclid=IwAR3Rc7pnNbUg6PlugCDga3DV6jdU58KKfGhtTOh6jf6Ou29Rt0_U7wgdEbM

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UNE DIMENSION PUISSANTE ET UNIVERSELLE (Passage à l’Est!)

Le cheval rouge, de Taško Georgievski. Roman « directement inspiré de la vie de l’auteur » (1935-2011), Le cheval rouge suit la destinée de Boris Touchev, de sa Macédoine natale à la Russie d’après-guerre, et « restitue avec force les déchirements induits par l’exil et la migration dans une Europe encore en gestation, conférant une dimension puissante et universelle à ce roman.

16 Dec 01:41

ELOGE DU CONTRAIRE de Goran Stefanovski (Ed. L’Espace d’un Instant, Paris 2022)

by bejanovska

« Il fut pourtant un temps où l’Est (du moins mon coin de l’Est)
criait : “Nous sommes ici, ici !”, et où l’Occident répondait :
“Nous ne pouvons pas vous voir. Vous n’êtes pas là où nous vous
attendions. Déplacez-vous, que nous puissions vous voir.” »

Voici enfin réunis, et pour la première fois, les textes de Goran
Stefanovski, essais et discours écrits à l’occasion de différentes
manifestations culturelles internationales.

Ses observations et ses réflexions, faites à partir d’une position
d’« exil itinérant » et dans lesquelles on croise Kafka, Tintin ou
Donald Duck, élaborent un hypertexte sur l’identité et engagent
à une déconstruction audacieuse des clichés. L’auteur d’Hôtel
Europa propose ainsi une critique des divisions internes de
l’Europe, qui menacent de la transformer en un espace dystopique
de méfiance et d’ignorance, particulièrement sous les assauts du
capitalisme mondial.

Goran Stefanovski (1952-2018) est né en
Macédoine. Auteur dramatique, universitaire, il a
vécu et travaillé entre Skopje et Canterbury. Il a
écrit de nombreuses pièces et scénarios, abordant
notamment les frictions entre identité personnelle,
histoire et politique. Un bon nombre de ses oeuvres
ont fait l’objet de productions internationales,
représentées à travers l’Europe, du BITEF de
Belgrade jusqu’au Festival d’Avignon.

Textes réunis et présentés par Ivan Dodovski
Traduits du macédonien par Maria Béjanovska
Avec le soutien du ministère de la Culture
de la République de Macédoine du Nord,
de l’université Christ Church de Canterbury
et du Centre national du livre.
228 pages
ISBN 978-2-37572-041-7

Sommaire :
Histoires de l’Est sauvage
Sur notre histoire
Discours post-dînatoire
L’essence des choses
Le téléphone en panne
Les trans-artistes et les cis-artistes
L’auteur dramatique en tant qu’artisan des drames
Dispute avec Kafka
Éloge du contraire
Tintin dans les Balkans
L’étincelle qui jaillit
Supplément :
« Goran Stefanovski : “Fables du monde sauvage de l’Est.
Quand étions-nous sexy ?” », par Frosa Pejoska-Bouchereau

Le livre est disponible sur: https://parlatges.org/produit/eloge-du-contraire-goran-stefanovski/

REVUE DE PRESSE

La presse macédonienne annonce la parution de ELOGE DU CONTRAIRE:

https://time.mk/c/45cb2fcccf/vo-francija-izdadena-kniga-so-esei-na-goran-stefanovski.html

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STEFANOVSKI dénonce la bureaucratie kafkaïenne, en donne des exemples. (11 jan. 2023)

https://deslivresrances.blogspot.com/2023/01/goran-stefanovski-eloge-du-contraire.html?fbclid=IwAR3fvuJMcQBFfwxHk9RbhEYoQsw5kJCnxPqftqwjJ8MNNqnHhDxqhEC_jAc (Warren Bismuth)

Avec un ton irrévérencieux et offensif, l’auteur déconstruit les préjugés, les idées toutes faites sur la culture de l’est. D’ailleurs, qu’est-ce qui, chez cet homme, intéresse les habitants de l’ouest ? Son parcours d’expatrié de l’est, « émigré » à l’ouest. Ceci il n’en veut pas, il ne désire à aucun prix devenir une mascotte. D’ailleurs, s’appuyant sur le cas d’un touriste des Balkans en direction de l’ouest, il affiche les difficultés, les obstacles : « Si un artiste de mon pays veut visiter la Grande-Bretagne, il doit d’abord trouver quelqu’un qui lui fera parvenir une invitation officielle, puis il doit envoyer à l’ambassade un exemplaire récent de sa feuille de paye, une copie de son contrat de travail, le solde de son compte bancaire, remplir un formulaire de demande de visa, prendre rendez-vous, se rendre au consulat à l’heure précise, pas une minute avant ou après, passer devant un détecteur de métal, laisser les empreintes de ses dix doigts, une photographie biométrique des yeux, attendre d’être appelé par le haut-parleur, déposer les documents, repartir chez lui, attendre pendant une semaine, et prier ». En effet, la Macédoine ne fait toujours pas partie de l’Union Européenne.

STEFANOVSKI dénonce la bureaucratie kafkaïenne, en donne des exemples. Il ne peut s’empêcher, à notre plus grand bonheur, d’intégrer des scènes théâtrales à ses textes ou ses discours, prenant toujours son public à contre-pied, encore une fois, dans sa logique de ne pas interpréter ce que l’on attend de vous, selon vos origines ethniques ou vos convictions. En spécialiste de SHAKESPEARE, il s’appuie sur lui pour étayer certaines de ses thèses.

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15 Dec 08:59

‘Body Kintsugi’ by Senka Marić (Review)

by Tony

This year saw an interesting development in the UK literary world with the passing of the torch over at Peirene Press.  Founder Meike Ziervogel has handed the reins over to Stella Sabin and James Tookey, who have shifted the company’s physical location over to Bristol, and I was interested in seeing what changes, if any, that would mean to what they publish.  While I didn’t get around to trying the first couple of books from this year’s series, I was recently offered a copy of the latest release, and having managed to eventually find time for it, I can assure you of one thing.  This is a typical Peirene book, in more ways than one…

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Bosnian writer Senka Marić’s Body Kintsugi (translated by Celia Hawkesworth) starts with a woman in her early forties, newly separated from her husband, making an alarming discovery:

When you turn from your right to your left side, to keep your shoulder still, you take firm hold of your right armpit with your left hand.  Part of your hand is then on your right breast.  As your body turns to the left, slowly onto your back then towards your left hip, your hand slips back.  The fingers press into your flesh, passing over your right breast.  And then you feel it.  There, on the side, on the edge of your breast, almost outside it.  like a pebble that’s lodged itself in the top of your bathing suit.
pp.12/3 (Peirene Press, 2022)

Once the discovery is made, there no procrastinating here.  The woman immediately seeks advice, and everything is swiftly dealt with.  She has an operation and starts receiving rehab, hoping to move on with her life as soon as possible.

Alas, her smooth recovery proves to be a false dawn.  Follow-up visits and scans reveal more tumours, and the woman realises she’s in for a long, arduous journey, one with an uncertain destination.  Nevertheless, she’s determined not to even consider the unthinkable, driving forward with an iron will to stop the cancer in its tracks – and we’ll be there every step of the way.

I’m not going to lie – at times Body Kinstugi makes for pretty grim reading, and I think there should be a trigger warning for all you hypochondriacs out there.  When it comes to anxiety, at least, reading this book could seriously damage your health.  Certainly, there were occasions where I can’t say I was actually enjoying what I was reading, but it’s excellently done, a meticulous description of one woman’s journey through medical hell.

Body Kintsugi is an autobiographical work, but with a twist, written in the second-person (you).  It’s a text that is perhaps addressed to a past self, and this choice of approach has the effect of distancing the reader, making the work more objective, clinical even.  The occasional step away from the main story, such as pages containing lab reports or descriptions of cancer medication, only enhances this sensation.

In many ways, the novel is a crash course for the lay reader in what it means to be diagnosed with, and to battle, cancer.  It’s one thing to hear words like ‘tumour’ and ‘chemotherapy’ in passing, but quite another to experience them.  We’re ‘treated’ to blow-by-blow descriptions of the processes, the agony of extreme nausea and all the side effects.  The many procedures follow one after another, each step forward bringing another obstacle to be overcome and another excruciating, often embarrassing, set of physical issues to deal with.  It’s a constant, wearying battle with no end in sight.

At the heart of this conflict are the woman and her body, one she’s (understandably) quite attached to, but her condition means she must adapt to some major changes.  We’re not just talking a minor scar here or there – there are some major challenges ahead.  Early on, she must consider how much (or many) of her breasts to sacrifice, as well as considering how to approach the inevitable hair loss after chemotherapy, and (unfortunately) that’s just the tip of the iceberg.

Interestingly, though, Body Kintsugi isn’t all about the battle with cancer.  The story is told in a multitude of short texts, several of which take us back to the protagonist’s childhood.  However, anyone hoping for some light relief here will be disappointed as this side of the story is just as bleak.  These sections see the protagonist (and the omnipresent narrator) looking back to a fairly miserable period, remembering how the woman’s father has his own struggles with serious illness.  In addition, other scenes reflect on their rather tense relationship.

Perhaps what this look back in time shows us is how prepared the woman is for the battle ahead, someone ready to take up the challenge head-on, and unwilling to entertain thoughts of defeat.  For one thing, she has her children, reason enough to keep on fighting:

It’s evening.  Another day is behind you.  Metal, grey, swollen with unspoken words.  You’re all eating pizza.  You and the children.  You’re drinking wine.  You laugh.  You think how beautiful they are.  How beautiful they are!  You don’t think about whether you’ll be able to watch them grow up.  The thought is forbidden.  Unnecessary.  Damaging.  Your thoughts and words are submitted to controls.  Good and acceptable.  And the others.  The others are immediately censored.  You put them into quarantine, where they will be erased. (p.99)

Yet as the days of illness, and the hospital visits, pile up, it’s inevitable that her confidence is dented somewhat.  As she sees others fall by the wayside, and with no light at the end of the tunnel, it’s only natural that there are doubts as to whether she’ll ever get to enjoy her life again.

If I said I enjoyed Body Kintsugi, I’d be embroidering the truth somewhat, but rest assured that Marić’s novel is an accomplished work, the story of a woman forced to put her life on hold because of cancer and think about what it is that makes her who she is, and makes her a woman.  Every operation and intervention takes her further away from her previous existence, yet she’s determined to hold on and come out of the other side of her ordeal stronger, ready to live, and love, again…

…told you it was a typical Peirene book 😉

08 Dec 11:11

Des livres lituaniens en français à Paris

by Unknown

La librairie Borelia, spécialisée en littératures du Nord et de l’Est, proposent un choix de livres lituaniens en français dont celui de Jean Christophe Mončys sur son père sculpteur lituanien exilé à Paris Mon Père Ant, le roman de Valdas Papievis Un morceau de ciel sur terre salué par le critique littéraire du journal Le Monde, À l’ombre des loups d’Arvydas Šlepikas relatant le sort des "enfants-loups" de Prusse Orientale pendant la guerre, les Haïkus de Sibérie de Jurga Vilé, une bande dessinée sur la déportation en Sibérie sélectionnée pour le prix de la meilleure bande dessinée au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême et traduit en cinq langues, des classiques comme L’Amoureuse initiation d’Oscar Milosz, des CD de musique traditionnelle lituanienne et bien d’autres découvertes.

Librairie Borealia, 33 rue de la Villette, 75019 Paris. Horaires : du lundi au vendredi de 9h30 à 17h45 et du samedi de 10h à 18h. Le magasin est ouvert tous les week-ends en décembre jusqu'au 23 décembre au soir.

https://borealia.eu/

08 Dec 09:35

Qui a ramené Doruntine ? Ismail Kadaré (Zulma) – Yann

by lerayyann

« J’ai jugé nécessaire de faire ce rapport relativement circonstancié sur ces événements pour la raison qu’ils concernent une des plus nobles familles de la principauté et qu’en outre, ils sont d’une nature telle qu’ils risquent de troubler gravement les esprits. »

Né en 1936 en Albanie, Ismail Kadaré connaît, dès la publication de son premier roman en 1963 un énorme succès, d’abord dans son pays puis à l’étranger. Il faut bien admettre que ce Général de l’armée morte (aujourd’hui disponible au Livre de Poche), sous ses allures de classique instantané, délivrait un message puissant sur la futilité de la guerre. Après de pareils débuts, Kadaré persiste et signe avec des textes éminemment critiques et politiques, s’attirant très vite les foudres du régime albanais. Loin du réalisme socialiste fortement recommandé dans ces années 60 et 70, l’auteur s’engage en littérature avec la conviction qu’il lui faut se dégager de tous les carcans et, surtout, se dresser contre dictature et totalitarisme. Après plusieurs interdictions de publication pour certains de ses romans, l’auteur finit par être accusé d’incitation à la rébellion. Mais Kadaré ne se démonte pas et poursuit son oeuvre jusque dans les années 80 où il est qualifié d’ennemi lors d’une assemblée des écrivains nationaux. Malgré le soutien de la communauté internationale contre les condamnations qui le visent, Kadaré obtient finalement l’asile en France en 1990. Naturalisé français, il partage aujourd’hui sa vie entre France et Albanie.

Par une nuit de brume, Doruntine se présente chez sa mère après trois ans d’absence. Son frère Konstantin l’aurait ramenée des lointaines contrées de Bohême où elle s’est mariée. Il en avait certes fait le serment, mais chacun sait qu’entre-temps il est mort à la guerre. (4ème de couverture).

Avec Qui a ramené Doruntine, Kadaré s’empare d’une légende albanaise intitulée Le serment de Constantin ou Constantin et Doruntine. Ce faisant, il enrichit considérablement la trame initiale en faisant intervenir un enquêteur mandaté par le pouvoir afin de lever l’ombre qui plane sur ce retour de la jeune femme au pays natal. Mais, bon sang ne saurait mentir, Kadaré, à travers son analyse des réactions religieuses et politiques face à cette diablerie, montre la fragilité des institutions dès lors qu’elles sont confrontées à certaines croyances profondément ancrées dans l’esprit du peuple albanais.

Au coeur de ce récit réside la bessa, cette promesse faite par Konstantin à sa mère de lui ramener Doruntine chaque fois qu’elle se languirait de sa fille. Mais, si Konstantin est mort, qui a ramené Doruntine ? Et si Konstantin est sorti de sa tombe après avoir entendu la malédiction lancée par sa mère, à son encontre, l’Église peut-elle accepter cette résurrection ? La mort soudaine de Doruntine et de sa mère va précipiter l’intervention des autorités politiques et religieuses du pays, chacune sentant le trouble ébranler ses fondations.

Ismail Kadaré reconstitue de façon magistrale la façon dont l’émoi populaire se propage, cette rumeur protéiforme, insaisissable et changeante qui finit par atteindre les oreilles de tout un chacun. Pris en tenaille entre les croyances populaires d’un côté et les exigences politiques de l’autre, Stres mène son enquête tant bien que mal, rencontrant maints témoins dont il doit mesurer la crédibilité des affirmations. Côté religieux, les tensions entre Église catholique romaine et Église orthodoxe byzantine se seraient bien passées de cette affaire. Quant au régime en place, le prince et son entourage n’ont pas besoin non plus que la magie, puisqu’on en est là, mette son grain de sel dans leur royaume.

Possédant la force d’une tragédie classique, Qui a ramené Doruntine intègre une dimension à la fois politique, sociale et religieuse qui élève le récit au-delà de la légende. S’il est un conteur hors-pair, Ismail Kadaré est avant tout, on l’a dit, un écrivain en lutte, un homme qui ne peut se résigner au récit officiel et a conscience que poser des questions, interroger l’histoire est un acte politique. Il est temps de revenir à son oeuvre d’une ampleur et d’une richesse stupéfiantes, il est temps de relire Kadaré.

« Nous voici en plein automne, dit Stres, songeur. J’ai déjà remarqué que les événements les plus étranges se produisent toujours en automne. »

Traduit de l’albanais par Jusuf Vrioni.

Yann.

Qui a ramené Doruntine, Ismail Kadaré, Zulma, 172 p. , 8€95.

02 Dec 01:33

Svetlana Alexievitch – Les cercueils de zinc

by Patrice

En ayant appris que Passage à l’Est et Chez Mark et Marcel organisaient une lecture commune autour de l’écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015, j’ai souhaité répondre à l’appel. C’est le quatrième livre de l’autrice que je lis, après La Supplication, La fin de l’homme rouge et Derniers témoins. Fidèle à sa méthode de collecter des témoignages, elle situe cette fois son récit intitulé Les cercueils de zinc à la fin de la guerre qui opposa l’URSS à l’Afghanistan dans les années 80.

La peur est plus humaine que le courage : on a peur, on se prend soi-même en pitié.

Avant de parler du livre à proprement parler, je souhaitais revenir sur cette guerre d’Afghanistan qui dura de 1979 à 1989 et mobilisa sur toute la période environ 600.000 soldats de l’armée soviétique. L’URSS soutenait alors l’Afghanistan et ses revendications territoriales au Pakistan, lequel était soutenu par les Etats-Unis. Face à l’éclatement de la guerre civile afghane en 1978 et suite à l’assassinat du président afghan pro-russe en 1979, l’URSS se décide à intervenir en Afghanistan en décembre 1979. Notons au passage que le président Carter avait signé une directive pour aider les islamistes opposés au régime de Kaboul et dont les conséquences seront malheureusement perceptibles quelques dizaines d’années plus tard au détriment des mêmes Américains. Cette guerre a vu l’enlisement de l’URSS et a constitué un élément supplémentaire menant à sa disparition, mais surtout la mort de plus d’un million d’afghans et de 50.000 soldats soviétiques.

La souffrance de ces derniers, de leurs proches (mères, épouses), ou des personnels médicaux envoyés en Afghanistan… c’est tout cela que Svetlana Alexievitch a retranscrit dans « Les cercueils de zinc ». Le titre fait allusion aux cercueils, qu’on ne pouvait ouvrir, dans lesquels revenaient les morts d’Afghanistan.

Personne n’avait encore vu les cercueils de zinc. Plus tard nous avons appris que des cercueils arrivaient dans la ville, mais que les enterrements avaient lieu en secret, la nuit, et que les pierres tombales portaient la mention « décédé » et non « mort à la guerre ». Personne ne se demandait pourquoi des gars de dix-neuf ans s’étaient mis soudain à mourir, si c’était la vodka, la grippe, ou une indigestion d’oranges. Leurs familles les pleuraient, mais les autres vivaient tranquillement, tant que ça ne les touchait pas. Les journaux écrivaient que nos soldats construisaient des ponts, plantaient des allées de l’amitié, que nos médecins soignaient les femmes et les enfants afghans…

L’autrice a recueilli les témoignages après un voyage de plusieurs jours en septembre 1988. Nous sommes donc vers la fin de la guerre : celle-ci s’est davantage tournée en guérilla, et cela se sent dans les scènes rapportés ; elle suscite également de plus en plus d’interrogations dans la population. Svetlana Alexievitch utilise la même méthode que dans ses autres livres : enregistrer les témoignages de différents protagonistes et les retranscrire. Ce style reconnaissable de discours rapporté, entrecoupé par des points de suspension derrière lesquels on imagine aisément les pauses nécessaires aux interlocteurs pour continuer leur histoire, confère au récit un grand réalisme.

La souffrance, l’inutilité de la guerre, les désillusions transparaissent. Cela devient particulièrement dur et émouvant quand ce sont les mères et les veuves des soldats tués qui évoquent le fils ou le mari disparu. « On nous apprenait que pour rester en vie, il fallait être le premier à tirer », rapporte l’un des soldats. On tuait, on vengeait la mort de camarades disparus, on faisait tout pour ne penser à rien. Les pages évoquants les combattants amputés sont également très fortes, à l’instar de ce pilote d’hélicoptère, amputé des deux jambes, et qui ne reconnaît plus sa famille à l’hopital. Beaucoup de personnes partagent également la difficulté du retour : cela peut aller d’une certaine nostalgie de la guerre, de la perte du sentiment d’utilité à, le plus souvent, une peur omniprésente – les cauchemars la nuit, la peur en voyant le coin d’une maison. Vers la fin de la guerre, période de recueil des témoignages, l’URSS se fissure, et le soutien de la population laisse place à de l’indifférence :

Tout est chamboulé au pays… Parmi les nôtres… On est partis d’un Etat qui avait besoin de cette guerre et on est revenus dans un Etat qui n’en avait pas besoin. Notre propre socialisme s’écroule, sans parler d’aller le construire aux quatre cents diables. Personne ne cite plus Lénine et Marx. On n’évoque plus la révolution mondiale…

Certains soldats ne savaient pas qu’ils allaient en Afghanistan, d’autres le faisaient par choix, pour défendre la patrie, en pensant que c’était la même chose que la guerre patriotique. La propagande, le mensonge marchaient à plein, les avis de décès mentionnaient « combattant internationaliste » par analogie avec la guerre d’Espagne. Le livre donne également la parole à des protagonistes remettant en cause l’héroïsme et la solidarité entre les soldats en Afghanistan, ainsi que la maltraitance qui sévissait. Les cercueils de zinc ne vont pas dans le sens de cette propagande… La dernière partie du récit est d’ailleurs consacrée au procès intenté à Svetlana Alexievitch après que des extraits du livre furent publiés dans un journal en Biélorussie : elle montre à quel point les esprits étaient marqués par la guerre en URSS :

On nous a dès l’enfance inculqué, gravé dans l’esprit, l’amour des hommes en armes. Nous avons grandi comme si nous étions toujours en guerre, même ceux qui sont nés des dizaines d’années après. Aujourd’hui encore après les crimes de la Tcheka, les exactions staliniennes et les camps, après les événements de Vilnius, de Bakou, de Tbilissi, après Kaboul et Kandahar, nous voyons toujours dans un homme armé le soldat de 1945, le soldat de la Victoire.

C’est un livre à lire pour plusieurs raisons : réalisme des témoignages, dénonciation de la propagande, absurdité de la guerre, fin d’une époque (cela fait penser par certains côtés à La fin de l’homme rouge)… Ce n’est pas tout. Au moment où la Russie attaque l’Ukraine, on ne peut que faire des parallèles entre cette époque et la nôtre : embrigadement des soldats, propagande, société réduite au silence, utilisation du « nazisme » pour justifier l’attaque en lien une nouvelle fois avec les messages de la Grande Guerre Patriotique. Cela interpelle mais également désespère ; l’on se dit que ce pays n’a tiré aucune leçon de son Histoire… Le procès auquel sera soumises Alexievitch en 1992/1993 pour avoir, tout simplement, raconté la vérité fait écho aux poursuites dont elle a été la cible dans son pays, la Biélorussie, durant les mouvements de 2020.

Lisez ce livre – comme tous ceux d’Alexievitch au passage. La lecture n’est pas aisée, non pas à cause du style, mais en raison de passages très difficiles, mais c’est un livre essentiel et marquant.

Je vous conseille donc :

X d’acheter ce livre chez votre libraire 

d’emprunter ce livre dans votre bibliothèque 

de lire autre chose

Les cercueils de zinc, de Svetlana Alexievitch, traduit du russe par Wladimir Brelowitch & Bernardette du Crest. Actes Sud, Babel, 2021, 397 p.

02 Dec 01:32

C’était cela aussi, notre vie de femmes à la guerre…

by nathalie


Svetlana Alexievitch, La Guerre n’a pas un visage de femme, traduit du russe par Galia Ackerman et Paul Lequesne, parution originale 1985.

 

Nous connaissons la Grande guerre patriotique, le rouleau compresseur de l’Armée rouge, les 20 millions de morts soviétiques, mais Alexievitch décide d’interroger des femmes sur leur guerre, portée par cette conviction que la guerre des femmes est différente de celle des hommes, plus incarnée, plus sensible, moins gonflée de phrases. Elle livre ici la transcription des dizaines de témoignages qu’elle a recueillis, introduits par quelques commentaires personnels.


Savoir « comment ça s’est passé » n’est pas si important, n’est pas si primordial ; ce qui est palpitant, c’est ce que l’individu a vécu… ce qu’il a vu et compris…


C’est un livre fort et bouleversant, qui ne se lit pas exactement comme un roman. Certains passages m’ont obligée à faire des pauses – c’est la guerre, c’est atroce. C’est aussi un livre extrêmement passionnant.

Alexievitch rencontre des vieilles dames qui avaient 16, 18, maximum 20 ans au moment de la guerre. Toutes racontent leur enthousiasme et leur désir de se battre pour défendre la mère patrie, leur terre brutalement envahie par les Allemands, le communisme contre le fascisme (la parole de Staline est alors reine). Elles se sont formées, ont convaincu les hommes de les envoyer au front, ont souvent dû ruser pour y parvenir, ces crevettes de 45 kilos perdues dans les uniformes des hommes. C’est assez étonnant à lire, cette énergie forcenée pour participer aux combats.


Où allions-nous ? Nous n’en savions rien. En fin de compte, ce que nous allions devenir ne nous importait pas tant que ça. Pourvu qu’on nous envoie au front. Tout le monde combattait, nous aussi. On est descendues à Chtchelkovo. Une école de tir réservée aux femmes se trouvait à proximité. Telle était notre affectation. Nous allions devenir des tireurs d’élite. Tout le monde était content. Ça, c’était du vrai. On allait tirer au fusil.

Samokhvalov, Komsomol militarisé 1932 Saint-Pétersbourg Musée d'État russe (détail)

La richesse du livre vient des témoignages : infirmières ou médecins, brancardières, cantinières, car la guerre se fait aussi avec celles qui lavent le linge des soldats, pilotes d’avion, tireuses d’élite, soldates de la cavalerie ou de l’infanterie, car ces femmes ont tué, ont trimballé les armes, ont fait des prisonniers, comme les hommes. Il y a aussi des partisanes, celles qui ont été dans les réseaux de résistance. Elles sont soviétiques – et non pas russes – c’est qu’elles viennent de tout l’empire de l’URSS.

Elles racontent leurs exploits, la façon dont elles ont résisté au froid et à la mort, mais aussi les moments les plus simples de cette vie : l’absence d’uniforme à leur taille, l’absence de linge pour les règles, les cheveux rasés, les règles qui s’arrêtent pendant toute la durée de la guerre, l’envie de chanter. Elles racontent aussi le difficile retour à la vie civile quand tout le monde les a considérées comme des filles à soldats. La plupart ont caché leurs médailles.


Lorsqu’on coupe un bras ou une jambe, il n’y a pas de sang… On voit de la chair blanche, bien propre, le sang ne vient qu’ensuite. Aujourd’hui encore, je ne peux pas découper un poulet, si sa chair est trop blanche et nette. Un atroce goût de sel me vient dans la bouche…


J’ai marqué de nombreux passages absolument déchirants.

En tant que lectrice avec du recul, on ne peut pas s’empêcher de se poser des questions. La plupart sont conscientes de la dureté des ordres reçus (les soldats qui avaient été prisonniers ont été suspectés de trahison) et de la misère du matériel mis à leur disposition, mais cette époque semble nappée d’un voile d’horreur et d’énergie de vivre. C’était leur jeunesse, c’était une façon de vivre nouvelle, en dehors des codes habituels, en dehors des règles admises pour les femmes. Quelques-unes parlent d’amour, une seule mentionne les viols que subissaient ces soldates, un homme parle des exactions commises par l’Armée rouge. Il y a des contradictions et des oublis. Nous sommes dans la mémoire et la zone trouble du souvenir.

Je retiens le dégoût généralisé pour le tissu rouge.

 

Samokhvalov, Komsomol militarisé 1932 Saint-Pétersbourg Musée d'État russe (détail)

J’étais servant d’une mitrailleuse. J’en ai tant tué… J’étais habitée par une telle haine… J’en suffoquais… Après la guerre, j’ai longtemps eu peur d’avoir des enfants. J’en ai eu quand je me suis sentie un peu apaisée. Au bout de sept ans…

Épargnez-moi… ne citez pas mon nom. Je ne veux pas que quelqu’un sache… Que mes enfants sachent… Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai rien pardonné. Je ne pardonnerai jamais…

 

Nous ne portions même pas nos décorations. Les hommes les portaient, les femmes non. Les hommes étaient des vainqueurs, des héros, des fiancés possibles, c’était leur guerre, mais nous, on nous regardait avec de tout autres yeux. Je vais vous dire : on nous avait confisqué la victoire. On nous l’avait échangée, discrètement, contre un bonheur féminin ordinaire.

 

 

Une autrice.

Alexievitch sur le blog :

La Supplication
La Fin de l'homme rouge : c'est le livre qui m'a le plus intéressée. Il est d'une grande richesse.


Passage à l'Est a lu La Fin de l'homme rouge tandis que Patrice a lu Les Cercueils de zinc.


Merci Ysabel pour la lecture !

 

 

22 Oct 03:35

Body Kintsugi by Senka Marić (transl. Celia Hawkesworth): ‘You are life itself’

by Susan Osborne

I’ve come to expect challenging books from Peirene Press although the last one I read, Marzhan, Mon Amour, turned out to be full of gentle humour and affection for the titular former East Berlin suburb. Senka Marić’s Body Kintsugi is a tough though ultimately optimistic read covering two years in which our unnamed protagonist undergoes …

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15 Oct 04:54

Juifs contre bétail

by noreply@hautetfort.com (livresrhôneroumanie)

récit, histoire, francophone, Roumanie, Sonia Devillers, Flammarion, Jean-Pierre LongreSonia Devillers, Les exportés, Flammarion, 2022

Ils s’appelaient Harry et Gabriela, et Sonia, leur petite-fille, les a bien connus. Juifs sans le vouloir, mais obligés de l’être. « Je savais qu’ils étaient juifs, mes grands-parents. Je savais aussi qu’ils n’y accordaient aucune importance, qu’ils ne portaient même plus de nom juif. » Ils ne parlaient pas de ce qu’ils avaient vécu avant et pendant la guerre, accréditant ainsi l’idée que l’antisémitisme n’avait pas sévi en Roumanie, le pays où ils habitaient. Et pourtant… Pogroms, emprisonnements, déportations, tout cela avait bien eu lieu. Mais pour Harry et Gabriela Greenberg, qui prirent le nom de Deleanu parce qu’ils se sentaient plus roumains que juifs, « la franche horreur se situait ailleurs, dans cet exil forcé de 1961, ce voyage si terrorisant de Bucarest à Paris, vécu par ma mère lorsqu’elle avait quatorze ans. »

Le livre relate toutes les étapes, ô combien éprouvantes, accidentées, périlleuses que sa famille maternelle (son arrière-grand-mère, ses grands-parents, sa mère, sa tante) dut franchir, eux qui avaient eu foi dans le communisme et qui devinrent des parias, pour parvenir à fuir la dictature et les sévices et arriver à Paris, échangés contre… des machines agricoles et du bétail (en particulier des porcs). Car la Roumanie de 1960-1961 avait grandement besoin de renforcer son matériel agricole et son cheptel. Un homme, trafiquant habile, aventurier ambigu et sans grands scrupules (qui pourtant rendit de grands services à nombre de Juifs roumains, dont la famille Deleanu), Hongrois devenu Ukrainien puis Britannique, Henry Jacober, fut la cheville ouvrière de ce troc. Un chapitre entier est consacré à la reproduction (traduite) de documents que Sonia Devillers a trouvés dans les dossiers de la Securitate, et qui dressent la liste des « personnes autorisées à quitter le pays » en échange de vaches, cochons, moutons, taureaux (tous de bonne race), ainsi que de machines agricoles performantes – listes à l’appui là aussi. Cette période plutôt artisanale fut suivie, après l’arrivée au pouvoir de Ceauşescu, d’un commerce identique et même accéléré, mais avec comme monnaie d’échange des centaines de milliers de dollars…

Le témoignage familial de Sonia Devillers, plein d’anecdotes émouvantes, est au cœur du récit. Mais il est l’occasion d’une véritable enquête historique sur les Juifs roumains du XXe siècle, où l’autrice s’appuie non seulement, en journaliste chevronnée, sur les témoignages directs et sur les archives, mais aussi sur des ouvrages comme ceux de Mihai Sebastian, Matatias Carp, Radu Ioanid, Ion Pacepa, qui montrent que la succession des régimes (notamment fascisme puis communisme), n’a jamais épargné les Juifs, quels qu’ils soient. Les statistiques sont formelles : « À la fin des années1930, la Roumanie comptait 750 000 juifs roumains. Au cours de la seconde guerre mondiale, la moitié d’entre eux furent assassinés. » Ajoutons à cela les 130 000 qui, vivant en Transylvanie, furent déportés à Auschwitz. « Au sortir de la guerre, la Roumanie ne comptait plus que 350 000 citoyens d’origine juive. […] Quatre décennies plus tard, lorsque Nicolae Ceauşescu fut renversé en 1989, les juifs étaient moins de 10 000 dans le pays. Ils avaient physiquement disparu. La Roumanie était bel et bien devenue un pays sans juif. » Ce récit est aussi l’occasion d’une réflexion sur l’exil, les racines, la langue : la mère de Sonia, Marina, arrivée adolescente de Roumanie, épousa ensuite un Français, et ne parla à sa fille qu’en français ; celle-ci parle donc sa « langue paternelle » - sauf si l’on considère la langue maternelle comme celle de la mère patrie… Finalement, évoquant la figure, le sort et les écrits de Georges Perec, elle interroge une judéité qu’elle ne ressent pas, et le sentiment de l’exil : « Je suis étrangère à quelque chose de moi-même. » Familial, pathétique, historique, dramatique, Les exportés résonne aussi comme un questionnement personnel dans lequel le lecteur ne peut se sentir que profondément impliqué.

Jean-Pierre Longre

 

https://editions.flammarion.com

11 Oct 05:36

Iochka, de Cristian Fulaş

by Emmanuelle Caminade
Le dernier ouvrage de l'écrivain roumain Cristian Fulaş ( paru en 2021 dans son pays) est désormais disponible dans sa traduction française de Florica et Jean-Louis Courriol. C'est un ample et surprenant roman empli d'humanité qui retrace la vie de son...
04 Oct 07:50

Quand elle parlait d’elle-même, elle changeait régulièrement de récit.

by nathalie

 Olga Tokarczuk, Maison de jour, maison de nuit, traduit du polonais par Maryla Laurent, parution originale 1998, édité en France par Noir sur Blanc.

 

Dans un village en Pologne, la narratrice nous raconte des fragments de la vie du coin. La vie de sa maison, dont on comprend que son compagnon et elle ne l’occupent qu’à la belle saison, la vie des voisins, surtout celle de Marta, une femme âgée qui raconte des histoires, la vie dans le passé. Ces fragments ne racontent pas l’histoire du village (ou pas toute) ni celle des habitants (du moins pas de tous), ils sont lacunaires, mais entretiennent un lien étroit entre eux.

Ce livre se situe à mi-chemin des Pérégrins, mais ici avec tout tourne autour d’un centre, la narratrice ou peut-être les histoires de Marta, et Dieu, le temps, les hommes et les anges. Le fil du livre suit globalement le déroulement d’un été, mais avec de nombreux écarts, retours, zigzags. S’agit-il de parler d’une maison, de certaines personnes, d’une région ou d’un peu tout cela ?


Chaque soir, Bidule-Machin nous racontait l’hiver parce que l’hiver devait être raconté pour que puisse venir l’été.


La narratrice n’est pas parfaitement rationnelle. Ses pensées l’égarent sur la route des rêves et des hypothèses. À moins que le village ne comporte quelques touches de surnaturel (et dans ce cas elle ne déraille pas du tout). Qu’en est-il par exemple de cette vie d’hiver de Marta, racontée comme une hibernation ?

Il y a plusieurs récits de rêves.

Il est souvent question des champignons. On les ramasse, on les cuisine, on est malade, ou pas. On raconte à leur sujet des histoires de forêt. Des êtres un peu mystérieux, ni plantes, ni animaux.


Si je n’étais pas un être humain, je serais un champignon. Un champignon indifférent, insensible, à la peau froide et douce, à la fois dur et délicat. Je pousserais sur les arbres tombés à terre. Dans le silence, les ténèbres et l’hostilité, mes doigts de champignon en éventail, je sucerais des troncs ce qui leur resterait de soleil.


C’est un monde volontiers absurde.

Il y aussi la légende d’une sainte chrétienne pas homologuée par le Vatican (mais qui existe) sainte locale, devenue barbue pour échapper au mariage, dont l’histoire est racontée par un jeune homme un peu perdu dans son identité, homme ou femme ou un peu les deux.

Il est quelquefois question des autres habitants du village : cet homme qui sombre dans l’alcool, un couple, un professeur de latin devenu loup garou, et puis, plus loin encore, de ces Polonais venus s’installer dans les maisons des Allemands à la fin de la guerre, et puis la frontière n’est pas très loin. Et puis, à la fin du XXe siècle, voilà des touristes allemands qui reviennent.

Pas facile de parler d’un tel livre ? Oui, car rien n’est très net. C’est le portrait composite d’un lieu et de ses habitants, qui forment un tout hétérogène et fragmentaire, propre à s’émietter tout en conservant une identité originelle, parce qu’il existe des fils ténus et néanmoins très solides entre tout cela. C’est très représentatif de ce que fait Tokarczuk.

Ce n’est pas le livre d’elle que je préfère, loin de là, je le trouve un peu difficile à lire. Et pourtant le charme est indéniable.

Macke, Promenade en forêt, 1913 privé

 

Le soleil disparaissait lentement de la terrasse. L’ombre sur les planches changeait, chaque instant était différent du précédent. Elle avança jusqu’à nous prendre le dos et ainsi diviser nos corps en deux, une partie sombre, une autre claire. Ensuite elle nous avala tout entières. Ce fut imperceptible et sans douleur.

J’ai choisi ce passage, car il montre bien comment l’écriture de Tokarczuk peut créer le malaise chez le lecteur, avec ce sentiment trouble d’une menace ou de l’existence d’un monde inconnu qui nous frôle, et aussi parce que l’on voit bien la proximité que son écriture entretient à certains moments avec celle d’Herta Müller, avec la description d’un monde où les objets inanimés ou inconsistants peuvent vous trancher en deux.

 

Mais le plus souvent, l’eau faisait semblant d’être autre chose, elle pénétrait les objets et les plantes, de sorte qu’elle devenait invisible. Elle couvrait les visages, les chandails, toute chose d’une fine couche de gel, elle tuait. Ou encore, elle restait suspendue dans les nuages, pareille à un péché éternel.

 

Une autrice. Tokarczuk sur le blog :

Les Livres de Jakób : un grosse épopée historique en plein XVIIIe siècle ! Forcément, j'ai beaucoup aimé.
Sur les ossements des morts : un livre qui a eu beaucoup de succès, mais que je n'ai vraiment pas aimé.
Les Pérégrins : il est bizarre, mais j'ai bien aimé.
Dieu, le temps, les hommes et les anges : le livre qui est le plus facile à lire si vous ne connaissez pas. Sa lecture est formidable ! Je recommande.


Lecture commune approximative avec des gens dont il faut que j'ajoute les liens des blogs : Passage à l'Est a lu Les Pérégrins (lisez son billet, il vous donnera envie de lire Tokarczuk).




 

27 Sep 13:44

Nouvelles ukrainiennes, de Emmanuel Ruben

by Emmanuelle Caminade
On connaît le tropisme européen d' Emmanuel Ruben , écrivain-géographe érudit et grand voyageur à l'imagination fertile dont le premier roman Halte à Yalta (Jbz & Cie, 2010) se déroulait déjà en Ukraine. C'est en 2004, avec la Révolution orange, que ce...
27 Sep 13:40

Hana

by allylit

Un roman d’Alena Mornstajnova traduit par Benoît Meunier et publié aux éditions Bleu et Jaune


Un jour d’hiver 1954, Mira, neuf ans, désobéit à ses parents. En guise de punition, elle est privée de dessert. Cet incident, d’apparence ordinaire, va pourtant changer sa vie pour toujours. Elle se retrouve avec son étrange tante Hana et découvre, peu à peu, le passé tragique de sa famille…

À un rythme captivant et avec un remarquable sens du drame, Alena Mornštajnová nous livre le récit de deux destins étroitement imbriqués, où s’entrelacent la culpabilité et la souffrance, la mort et le souvenir, un récit où chaque mot a son poids et les silences sont éloquents.

Un roman best-seller en République tchèque.


Mira est une enfant de 9 ans, grandissant dans les années 50 à Mezirici, ville de ce qui s’appelait alors la Tchécoslovaquie, et comme tous les enfants, elle fait des bêtises. 
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Mais certaines d’entre elles ont parfois des conséquences incommensurables.
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C’est à cause d’une punition que la petite fille aura la vie sauve. À la différence de ses parents. Devenue orpheline, elle sera recueillie par sa tante, Hana.
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Une femme toujours vêtue de noir, vieille avant l’heure, édentée et taisante, mâchonnant un bout de pain qu’elle a toujours sur elle. 
✨
La jeune fille va grandir, dans une maison emplit de silences et de non-dits. Ce n’est que petit à petit qu’elle va comprendre que sa tante est revenue des camps de concentration, brisée à jamais par la Shoah. Et le lecteur sera entraîné dans le passé pour dénouer les liens de l’histoire familiale…
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Voilà un roman coup de cœur ! Cette histoire est absolument prenante. Elle évoque les traumatismes des rescapés des camps de concentration qui, sans prise en charge, ont dû survivre à l’horreur et se réintégrer dans une société qui ne pouvait imaginer ce qu’ils avaient vécu et préférait passer à autre chose. 
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Le roman remonte le fil du temps, le fil de l’histoire de Mira pour nous faire comprendre que pour mieux comprendre une histoire, il faut en revenir aux origines. Que derrière cette tante brisée, se cachait une jeune femme qui rêvait de se marier. Qui culpabilisa pour les choix aux conséquences funestes qu’elle avait pu faire. 
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Hana est écrit avec une grande fluidité, avec une plume émouvante. Les personnages sont forts et très humains avec leurs doutes, leurs colères et leurs émotions. Je n’ai littéralement pas pu lâcher ce livre. 
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Best-seller en République tchèque, je comprends le succès de ce roman que je vous invite à découvrir. 


« Tante Hana était bien le seul adulte que je n’avais jamais entendu prononcer le mot « défendu ». Du reste, je l’avais rarement entendue prononcer le moindre mot, car elle ne parlait presque jamais, elle se contentait de regarder. D’un regard étrange. Comme si elle regardait sans voir. Comme si elle était partie, mais avait oublié son corps sur sa chaise. Par moments, j’avais peur qu’elle ne s’effondre, et qu’il ne reste d’elle, par terre, qu’un tas de fresques noires. »

19 Sep 19:11

La Femme du deuxième étage, Jurica Pavičić (Agullo) – Aurélie

by aureliebarletgmailcom

Bruna est en prison depuis onze ans. Elle n’y est pas si mal. Les jours passent, son travail à la cuisine, répétitif mais lui évitant la promiscuité lui convient.

Elle repense souvent à cette soirée où elle a rencontré Frane, tout début de son histoire avec lui. Si seulement son amie Suzanna ne lui avait pas proposé cette sortie, sa vie serait bien différente aujourd’hui…

La force de ce roman réside dans la façon dont la personnalité de Bruna nous est dépeinte. Retourner des années en arrière avec elle et revivre chacune des étapes qui l’ont menée entre quatre murs, c’est plonger dans une existence recouverte d’un filtre tenant les émotions à distance pour tenter de comprendre comment tout peut basculer malgré la banalité du quotidien.

Nos sentiments envers Bruna sont ambivalents, on lui en veut un peu mais on la plaint aussi et on aimerait pouvoir effacer le gris de ses jours pour lui laisser une vraie seconde chance. Mais elle n’attend rien des autres, assume son passé et s’enfonce dans sa solitude et sa routine comme dans un refuge.

Je suis ressortie un peu mélancolique de cette lecture, déçue que justice ait été faite, m’avouant à demi-mots que dans sa situation, dans certaines circonstances, j’aurais peut-être pu agir comme elle… Jurica Pavičić instille le doute en nous avec brio et un fil invisible semble encore nous lier à son héroïne une fois le livre refermé.

Mais qu’a-t-elle fait au juste ? Pour le savoir, à vous de vous plonger dans le roman !

Traduit du croate par Olivier Lannuzel.

Aurélie.

La Femme du deuxième étage, Jurica Pavičić, Agullo, 239 p. , 21€50.

07 Sep 16:53

RUMENA BUZAROVSKA : MON CHER MARI (Ed. GALLIMARD)

by bejanovska
Rumena Buzarovska en compagnie de Orhan Pamuk (galerie des auteurs de Gallimard)

Rumena Bužarovska

Biographie

Rumena Bužarovska (Skoplje, 1981) fait partie de la nouvelle génération d’écrivains macédoniens. Elle enseigne la littérature américaine à la Faculté de philologie de Skopje. Elle est l’auteure de quatre recueils de nouvelles: Griffonnages (2007), Dent de sagesse (2010), Mon mari (2014), Je vais nulle part (2018) ainsi que d’une étude sur l’humour dans la littérature américaine et macédonienne à travers le prisme de la nouvelle. Ses ouvrages sont traduits dans plusieurs langues.
Rumena Bužarovska aime voyager. Elle a traduit de l’anglais en macédonien des œuvres de Luis Carroll, John Michael Kucius, Truman Capote, Joseph O’Connor, Charles Bukovsky et Richard Gwin.

Gallimard

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✨#RENTRÉELITTÉRAIRE

À tour de rôle, onze femmes se livrent sans tabou au sujet de leur époux. Tableau à la fois désopilant et terrible des rôles attribués par la société, “Mon cher mari” renouvelle la fiction féministe en égratignant tout le monde. Sur un fil d’équilibriste entre ironie décapante et tragique de la banalité conjugale, Rumena Bužarovska pointe les limites sociales comme intimes de notre discours sur le couple.

« Tour à tour ironiques, franchement drôles ou très émouvantes, décalées ou très ancrées dans les traditions culturelles, elles sont autant de pastilles originales. »

EXTRAIT : https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F752249.js&oid=3&c=&m=&l=&r=&f=pdf

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Feuilletez l’ouvrage 👉http://bitly.ws/tZCm

P R E S S E

COUP DE COEUR de la Librairie Filigranes !

« Des femmes s’épanchent sur les travers et les défauts de leurs époux : volage, machiste, prétentieux ou impuissant. Chacune évoque son mari dans une situation du quotidien qui met en lumière l’ancrage du patriarcat dans le couple et la société. Les femmes ne sont pas non plus épargnées par la lâcheté, l’aveuglement volontaire ou les renoncements. »

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LE COUP DE GRIFFE RAPIDE ET LE CONDENCE DE CAUSTICITE .

https://journalzebuline.fr/mon-cher-mari-nous-donne-de-ses-nouvelles/?fbclid=IwAR0KEIpUllsAPNoy2Q5fGMKcGX4yUmRIAUkkKDwc2Z3hqzY7tI2hlO1EU_4

« Onze femmes dressent le portrait sans concession de leur mari : misogyne, raciste, prétentieux… Mais attention, car en parlant de leur conjoint, ces femmes en disent beaucoup sur elles. »

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TOUT SONNE TRES JUSTE ET VRAI.

https://lemanoirdeslettres.forumactif.com/t318-onze-histoires-de-maris-mon-cher-mari-rumena-buzarovska-2022?fbclid=IwAR17OMIOVUA4_mbAHIfWOY08i4BaJEp9grkXlWFeDi3dD3l3OBvORwCG9x0#480

« Le talent de Rumena Bužarovska réside dans la psychologie de ses personnages : tout sonne très juste et vrai. Elle parvient, par un détail, une odeur, à faire comprendre le poids d’un sentiment. Dans ces onze histoires, les femmes ne sont pas des victimes, même quand elles subissent, car Rumena Bužarovska nous donne accès à leurs pensées et leur attribue une force de caractère, même si elles ne se trouvent pas toujours dans l’affrontement direct : elles se rebellent à leur manière, par des non-dits souvent. Elles ne sont pas non plus des épouses idéales et, encore mieux : Rumena Bužarovska ose s’attaquer à l’image sainte de la mère parfaite. » (Celine Maltère, Le Manoir des lettres)

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UNE ECRITURE FRANCHE SANS FIORITURES

« Rumena Buzarovska porte un regard acerbe et drôle sur sa galerie de personnages, n’épargnant personne, hommes comme femmes, toutes classes sociales confondues. Elle expose la médiocrité de

ceux qui souhaitent se donner des airs, prétendus poètes ou peintres, ou amatrices de poésie :

“… des dames un peu fortes, avec des bourrelets à la taille et sous les aisselles, là où le soutien-gorge s’enfonce dans la graisse. Elles portent des chemisiers cintrés rouges ou noirs. Leurs cheveux sont le plus souvent teints en brun, leurs lèvres peintes en rouge et leur tête surmontée d’un chapeau extravagant. Des bijoux clinquants ornent leur cou et leurs doigts grassouillets. Elles veulent rayonner

de féminité, de mystère, elles veulent sentir la cannelle et que leur voix soit douce comme du velours.” Ou encore : “le rouge à lèvre orange, qui lui va horriblement mal et qui accentue son teint jaune, s’est incrusté dans ses rides.” (Anne-Charlotte Peltier):

https://zone-critique.com/2022/09/05/rumena-buzarovska-scenes-ameres-de-la-vie-conjugale/?fbclid=IwAR1qnwtTl63RSf-bLlHDo4NF_PvL6icRG_yAHGT-b1SUoWt-s6HJNUC6kBc

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UN HUMOUR DECAPANT

« Rumena Buzarovska explore de nombreux aspects de la vie conjugale et familiale. Son écriture est percutante, décapante. Les récits sont souvent drôles, l’humour grinçant, voire sarcastique. Il existe une grande variété de tons, de sentiments dans ses nouvelles. Les maris de ces dames ne sont pas « reluisants », mais les défauts, la méchanceté parfois, des épouses ne sont pas occultés, loin de là. Ce livre est plus une charge contre l’institution du mariage que contre les hommes en tant que tels. C’est un point de vue piquant, désabusé sur le couple et sur la psychologie humaine. Et c’est très plaisant à lire. » (Jean-Marie Chamouard)

https://toutelaculture.com/livres/fictions/rumena-buzarovska-mon-cher-mari/?fbclid=IwAR1qnwtTl63RSf-bLlHDo4NF_PvL6icRG_yAHGT-b1SUoWt-s6HJNUC6kBc

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Dans le jardin des Editions Gallimard : Rumena Buzarovska s’entretient avec la journaliste du « Monde ».

Rumena Buzarovska avec Aurélie Touya (Gallimard) et Maria Béjanovska

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LA MACEDONIENNE RUMENA BUZAROVSKA ANALYSE SANS SCRUPULE LES NAUFRAGES DU MARIAGE

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UN PETIT REGAL !

Librairie Dialogues: « Mon cher mari est un recueil de nouvelles traduit du macédonien. Avec délice, on part à la rencontre d’une galerie de personnages féminins qui nous racontent leur vie de femme, d’épouse, de mère au sein d’un pays où la culture patriarcale domine. Les histoires sont piquantes, douces-amères, animées par des êtres névrosés qui interpellent et font sourire. Un petit régal !

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Onze nouvelles, comme autant de petites tragi-comédies désopilantes

« Un poète à la prétention dérisoire, mais à l’incontestable puissance physique (« Je le trouvais ridicule, mais dans le même temps, je regardais son torse en m’imaginant serrée dans ses bras »), un mari acariâtre, que l’on trompait allègrement, en offrant dès que l’on pouvait une part de la soupe qu’il affectionnait à son amant, un gynécologue qui se prend pour un grand artiste mais qui ne peint que des croûtes représentant le sexe de ses patientes, et qui méprise copieusement sa femme, jusqu’au jour où il découvre qu’elle est meilleure poétesse qu’il n’est peintre, un infidèle hypocrite et violent dont sa femme cherche à prendre au piège sa maîtresse et qui finira peut-être lui-même par se faire battre à coup de pelles… Il ne fait vraiment pas bon être un époux dans les onze nouvelles de Mon cher mari, un recueil décapant, aux dialogues toujours vifs et à l’humour acide de l’écrivaine macédonienne Rumena Buzarovska (Gallimard, septembre 2022). L’homme y est trop souvent imbu de lui-même, lâche et menteur, faible et brutal, et même lorsqu’il occupe une position sociale honorable, d’une bêtise souvent crasse. Mais si le mariage apparaît comme un redoutable piège, dont on ne se défait que par sa propre infidélité, la séparation ou la mort du mari, si l’auteure, semblant toujours au fil des pages adresser au lecteur le même clin d’œil farceur et assassin que la femme de la couverture du roman, défend à l’évidence ses sœurs, victimes d’une institution, de ces « liens sacrés » qui les minorisent, ces petites histoires montrant aussi à quel point les femmes ici sont parfois, consciemment ou non, la proie d’abord d’une forme de soumission librement consentie. Onze nouvelles, comme autant de petites tragi-comédies désopilantes, pour révéler ainsi que le combat des femmes, dans des sociétés encore régies par tant de traditions patriarcales, est loin d’être gagné… le rire malicieux de Rumena Buzarovska est la meilleure manière de nous le faire entendre ! (VincentGloeckler 19 août 2022, Babelio)

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ONZE NOUVELLES DÉCAPANTES : REJOUISSANT ET NOUVEAU !

Décapant, ce petit livre dépeint en onze histoires, onze nouvelles écrites au féminin, les relations entre hommes et femmes. Tout le monde en prend pour son grade, c’est féroce, drôle, parfois triste, jamais moralisateur. A mettre entre toutes les mains.

Traduit du macédonien – oui nous n’avons pas l’habitude d’aller chercher là de véritables pépites – ce petit ouvrage composé de onze récits courts est signé par Rumena Bužarovska (par ailleurs professeur de littérature américaine) est un petit trésor de dérision, de lucidité et d’humanité, qui pointe sans aucune pitié les relations entre hommes et femmes dans l’intimité du couple. Malentendus, usure, lassitude, petites et grandes mesquineries, ennui, trahison, usure du quotidien, tout y passe et tout le monde en prend pour son grade avec une férocité crue.

Ne faisons pas l’erreur de croire que ce petit recueil verse du côté féministe de la Force : en creux, le « je » et son regard sur ses proches se retourne parfois avec une cruauté réjouissante sur la narratrice. Et oui, en parlant de l’autre, bien souvent… c’est de soi que l’on parle.

Réjouissant et nouveau.

Pour résumer

Décapant, ce petit livre dépeint en onze histoires, onze nouvelles écrites au féminin, les relations entre hommes et femmes. Tout le monde en prend pour son grade, c’est féroce, drôle, parfois triste, jamais moralisateur. A mettre entre toutes les mains.

Carole Huyvenaar

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MARIANNE, sept.2022

note : 5/5

C’EST D’UNE JUSTESSE A COUPER LE SOUFFLE

« C’est un recueil écrit au cordeau, sans bavure ni trop plein. (…)

C’est cruel sans être cynique. Les personnages ne sont pas fabriqués. Ils font l’amour ou sont faits par l’amour. Ils mangent trop d’oignons ou de foie grillé. Leur haleine pue quand ils embrassent. Les mecs n’ont pas le temps de remonter leur pantalon quand ils se font pincer en situation d’adultère. Les femmes passent beaucoup de temps à préparer la soupe ou le pindjour. Elles se trompent souvent d’histoire d’amour ou repoussent leur progéniture. (…)

Rien n’est fabriqué, tout est dit en condensé, pris sur le vif, sans mode d’emploi, ni discours racoleur. On est en immersion continue. Cela se passe au pays d’Alexandre le Grand, aujourd’hui, et c’est d’une justesse à couper le souffle. » (Philippe Petit, Marianne, 12 sept.2022)

https://www.marianne.net/culture/litterature/mon

photo : Francesca Mantovani pour les Editions Gallimard


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Librairie Arborescence : par Marine G. 

« Onze nouvelles, toujours sur la relation épouse/époux qui sont pour le meilleur et pour le pire. Que l’on rit ou que l’on pleurs, la palette de sentiments nous touche toujours. Un autrice macédonienne et pourtant qui n’est pas sans me rappeler certaines autrices indiennes. »

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par Laetitia T. (Librairie Mots et Images)

UN REGARD ACERBE ET DECAPANT

Sous forme de nouvelles pétillantes, l’autrice pose un regard acerbe et décapant sur la société et ses prétendus rôles.
En mélangeant tendresse et ironie à la fois, l’autrice nous offre une lecture en apparence légère mais en osant gratter là ou ça fait mal…
Truculent!

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La vitrine de la librairie parisienne L’écume des pages

Dans la librairie parisienne Les Traversées

Dans la librairie Ombres blanche à Toulouse

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Un bijou qui nous embarque dans l’intimité de onze femmes mariées.

« C’est cruel sans être cynique. Les personnages ne sont pas fabriqués. Ils font l’amour ou sont faits par l’amour. Ils mangent trop d’oignons ou de foie grillé. Leur haleine pue quand ils embrassent. Les mecs n’ont pas le temps de remonter leur pantalon quand ils se font pincer en situation d’adultère. Les femmes passent beaucoup de temps à préparer la soupe ou le pindjour. Elles se trompent souvent d’histoire d’amour ou repoussent leur progéniture. »

https://headtopics.com/fr/mon-cher-mari-de-rumena-buzarovska-scenes-de-la-vie-conjugale-en-macedoine-29765228

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L’EXPRESS : UN LIVRE A NE PAS MANQUER !

La note de L’Express : 4/5 

Comment subsister lorsqu’on est une romancière macédonienne ? Soit une auteure d’un petit pays de 2 millions d’habitants, dont 20% sont d’origine albanaise, qui compte parmi les plus pauvres de l’Europe ? Une auteure, qui plus est, qui n’a écrit que des recueils de nouvelles, genre peu prisé dans le monde, à l’exception de la sphère anglo-saxonne. Réponse : prendre pour agent le redoutable Andrew Wylie, celui notamment de Salman Rushdie, écrire de bons livres, et donner de sa personne. C’est ce que fait avec application la pétulante et jolie Rumena Buzarovska, professeur de littérature américaine à la Faculté de philologie de Skopje, de passage à Paris pour évoquer Mon cher mari, son délicieux recueil de nouvelles sarcastiques sur le couple, publié dans 16 pays, en France par Gallimard sous une couverture qui la ravit. Rumena Buzarovska, 41 ans, revendique volontiers l’étiquette d’écrivain yougoslave. « Même si la Yougoslavie n’est plus depuis 1991, il existe une communauté littéraire yougoslave, explique-t-elle dans un anglais parfait, un état d’esprit commun à beaucoup de Serbes, de Bosniaques, de Croates, de Slovènes. » Au diable les frontières, donc, et les divisions.  

Reste que les onze femmes et narratrices de Mon cher mari sont toutes…(la suite : https://www.lexpress.fr/culture/rumena-buzarovska-et-brigitte-giraud-les-livres-a-ne-pas-manquer_2180427.html

lire la critique entière : https://www.pressreader.com/france/l-express-france/20220929/282398403290374

Rumena Buzarovska, la pétulante auteure macédonienne de « Mon cher mari »
Gallimard

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Délicieux recueil d’histoires sarcastiques sur le couple !

« On a hâte de découvrir son quatrième et dernier recueil (I’m Not Going Anywhere), consacré aux migrations et au complexe d’infériorité des populations balkaniques envers les peuples riches de l’Occident. Un sujet mordant, mais peut-être moins sujet au fantasme… »

https://canada.dayfr.com/livres/338827.html?fbclid=IwAR3E5zdZ7_ygBEzfbxYG_UEn6XnAnCoRhx8Nu-FyQhSERc7jJsJ6avQJwrY

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BUZAROVSKA FAIT UNE ENTREE FRACASSANTE DANS LE CATALOGUE GALLIMARD !

Coup de coeur de la librairie Delamain

Onze femmes, onze nouvelles dans lesquelles elles nous racontent avec cynisme leur quotidien auprès de leurs chers maris.

Kaléidoscope de la vie conjugale, Buzarovska use d’un humour féroce qui n’épargne personne, ni épouses, ni époux.

Buzarovska fait une entrée fracassante dans le catalogue Gallimard, Mon cher mari est à mettre entre toutes les mains.

Une très belle surprise !

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Un recueil de nouvelles macédoniennes, quelle heureuse surprise ici. Écrites par une femme, en plus. Je veux !

Des nouvelles où se côtoient le rire, le drame, le malaise, la viande et le sexe… la vie, donc.

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DROLES ET CRUELLES

Rumena Bužarovska peint un subtil portrait de la Macédoine contemporaine, mais aussi de nos propres sociétés. Mon cher mari, onze nouvelles, drôles et cruelles.

https://viduite.wordpress.com/2022/09/26/mon-cher-mari-rumena-buzarovska/

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COUP DE COEUR DU JOURNAL DU DIMANCHE

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COUP DE COEUR de la RADIO J (Shlomo Malka)

https://www.luqi.fr/#/diffusion/budget/a2t57000000M6cKAAS/preview/audio/60000000220249990

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Mon cher mari a été adapté au théâtre à Skopje (Macédoine), à Ljubljana (Slovenie) et à Belgrade (Serbie)

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LES LIBRAIRES ONT LA PAROLE DANS LE JDD !

Les choix de Guillaume Le Douarin, de la librairie L’Écume des pages à Paris :

Coup de cœur : Mon cher mari, de Rumena Buzarovska

« Première plume macédonienne à rejoindre le catalogue des éditions Gallimard, Rumena Buzarovska livre un recueil aussi décapant qu’instructif sur la vie de couple. Chaque nouvelle donne la parole à une femme évoquant son époux et ses relations aux hommes, sans filtre ni tabou et sur un ton piquant, tout sauf politiquement correct. Machistes, menteurs, narcissiques ou destructeurs, ces « chers maris » sont croqués dans leurs habitudes quotidiennes, révélatrices de leurs petites lâchetés et de leurs grands défauts. Si les hommes en prennent pour leur grade, l’ouvrage n’est pas acide uniquement à leur égard, mais révèle la complexité des rapports entre les deux sexes, tout autant que de l’âme humaine. Un « hommes-femmes mode d’emploi » qui en dit long sur le rôle social assigné à chacun et qui égratigne le sacro-saint modèle de la vie conjugale. »

Rumena Buzarovska, traduit du macédonien par Maria Bejanovska, Gallimard, 176 pages, 18,50 euros.

https://www.lejdd.fr/Culture/colm-toibin-rumena-buzarovska-les-choix-de-guillaume-le-douarin-de-la-librairie-lecume-des-pages-a-paris-4136469

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UNE GRANDE FINESSE PSYCHOLOGIQUE

Le Carnet à spirales, PAGE des libraires

« Ce recueil de onze nouvelles offre, dans une écriture incisive particulièrement réjouissante, le portrait de différentes femmes confrontées à des situations quotidiennes, plus ou moins banales (…). Rumena Buzarovska déploie une grande finesse psychologique dans ses intrigues et excelle à retranscrire, souvent avec humour, voire avec poésie, la tragique complexité des vies ordinaires. »

Eclice Babelio.com

📕 En librairie

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IRRESISTIBLE TALENT !

« Sur un fil d’équilibriste entre ironie décapante et tragique de la banalité conjugale, Rumena Bužarovska pointe les limites sociales comme intimes de notre discours sur le couple et interroge de son irrésistible talent chaque rouage du vaste jeu de l’amour et du mariage. »

https://www.quebecloisirsnumerique.com/fr/products/mon-cher-mari?fbclid=IwAR0Dcb4RkBIjIjQM7lVyZomonmGCGgQ8T1ld4r6unKXAqDC_pOtvLoFXiJg

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UNE TRAGEDIE HUMAINE DECAPANTE

Le Figaro littéraire (par Astrid De Larminat)le 12 oct.2022

« Les douze confessions sont mises en scène avec un sens du dévoilement progressif et du rebondissement, une intelligence, une cruauté et un talent tragicomique redoutables par l’auteur, Rumena Buzarovska, 41 ans, professeur de littérature américaine à l’université de Skopje. On oscille entre le rire et l’effroi. Pourtant, bizarrement, on est ému par cette humanité déchue, hommes, femmes et enfants… »

https://www.lefigaro.fr/livres/mon-cher-mari-de-rumena-buzarovska-femmes-au-bord-de-la-crise-conjugale-20221012?fbclid=IwAR22Pba83TtinzoWAdWLgTr51rCnUkFpJSUdUPzyaWPpXAFpNLAAfZCf0Dg

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Le Matricule des Anges, (par Thierry Guinhut) oct. 2022:

« Le sens de l’observation, l’écriture piquante et enlevée assurent le lecteur d’un plaisir immédiat et durable. Ainsi le temps du romantisme a irrémédiablement laissé place à un réalisme cruel. »

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COUP DE COEUR DE LA LIBRAIRIE GAYARD (Nîmes)

Pour cette rentrée littéraire, Simone Pacchiana de la Librairie Goyard a eu un coup de cœur pour le livre de la Macédonienne Rumena Buzarovska intitulé « Mon cher mari ». Dans ce recueil de nouvelles, l’autrice pose un regard acerbe sur la société en racontant onze histoires de couples. C’est à la fois drôle et tendre, grave et émouvant. Et le lecteur passe du rire aux larmes ! Un vrai bon moment de lecture !

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Le Cercle des lecteurs du service d’action sociale de Brest vous recommande 10 romans dont Mon cher mari de Rumena Buzarovska !

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LE MONDE DES LIVRES le 3 déc.2022)

Les Macédoniennes

Les onze femmes mariées auxquelles Rumena Buzarovska donne la parole détestent leur mari, le craignent ou le méprisent. Ceux-ci, d’ailleurs, les rabaissent, les ignorent et les trompent. Pas une des héroïnes de Mon cher mari ne songe pourtant à divorcer. Cela ne se fait pas. Publié en Macédoine du Nord en 2014,Mon cher mari est un recueil de nouvelles décapantes sur les méfaits du patriarcat et du conformisme social. Femme de poète, d’ambassadeur, de médecin… chacune ne se définit, dans ces textes, que par rapport à son époux et aux enfants qu’elle a ou non. L’écrivaine macédonienne, née en 1981,fait voler en éclats les faux-semblants avec un humour qui n’épargne aucun des personnages. Elle dépeint d’une plume acide des situations pathétiques, parfois tragiques, pour ouvrir par le rire les voies de l’émancipation.

FLORENCE BOUCHY

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MON CHER MARI de Rumena Buzarovska parmi les 100 livres de l’année remarqués par :

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LA SELECTION DE L’EXPRESS (1er déc.2022)

MON CHER MARI parmi les Huit romans à offrir à Noël, pour votre cousine féministe, votre fils geek, votre mamie intello…

Pour votre cousine, féministe endurcie et grande lectrice de nouvelles  

Mon cher mari, c’est sous ce titre ironique que la pétulante et jolie Macédonienne Rumena Buzarovska, professeur de littérature américaine à la Faculté de philologie de Skopje, publie un délicieux recueil de nouvelles sarcastiques sur le couple. Les onze femmes et narratrices de Mon cher mari sont toutes macédoniennes et naviguent entre Skopje, la capitale, et l’arrière-pays. Leur point commun ? Leur soumission à des maris, souvent grotesques ou adipeux. Il y a Goran, au gros nez et au teint terreux, qui court les festivals avec sa poésie « exécrable » ; Zoran, que sa femme soupçonne, à juste raison, d’adultère et qui le prend en filature ; le mari, gynécologue, qui essaie de se faire passer pour un artiste et dont les peintures à l’huile, véritables barbouillis, sont des plus déprimantes… Jovan, qui empêche sa jeune épouse d’aller voir sa mère, pauvre et très malade, par peur de la contagion… Tableau exagéré d’une société arriérée ? « La Macédoine est très patriarcale, nous confiait récemment la quadragénaire, et je voulais évoquer toutes les façons sournoises et nocives dont les femmes sont encore traitées aujourd’hui. Pour autant, le livre a du succès un peu partout, notamment en Allemagne, en Italie et dans tous les pays d’ex-Yougoslavie, les problèmes que je soulève sont universels je pense. » 

https://www.lexpress.fr/culture/huit-romans-a-offrir-a-noel-pour-votre-cousine-feministe-votre-fils-geek-votre-mamie-intello_2183860.html?fbclid=IwAR1TWrc6MibMbLPiF5eDTIzsJ74xFf74K62R8vnj4R0T1cYcxKP-4-RjcZg

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07 Aug 19:57

Cătălin MIHULEAC

by A_girl_from_earth
04 Jul 12:08

Qui a ramené Doruntine ? - Kadaré

04 Jul 12:07

Le militantisme poétique de Jean Poncet. Rencontre avec le traducteur de Lucian Blaga et de Ana Blandiana

by Cristina Hermeziu
«La poésie roumaine est d’une très grande richesse et le nombre de traducteurs francophones fort réduit, de telle sorte que, même en se limitant aux poètes modernes, on a constamment l’impression d’essayer de vider l’océan avec une cuillère à café.»
30 Jun 09:42

L’eau rouge

by Sylvie

Auteur: Jurica Pavicic

Editeur: Agullo – 2021 (358 pages) / Points – à paraître (432 pages)

Grand Prix de la littérature policière 2021 – Prix Le Point du polar européen 2021

Lu en juin 2022

Mon avis: 23 septembre 1989, dans ce qui n’était pas encore la Croatie indépendante. A Misto, village côtier à quelques encablures de Split, c’est le jour de la fête des pêcheurs. Silva et son frère jumeau Mate, 17 ans, s’y rendent séparément. Si le lendemain matin, Mate se réveille dans son lit avec une solide gueule de bois, ce n’est pas le cas de Silva, qui s’est volatilisée.

La police lance les recherches, interroge et fouille tout le village, Mate et son père collent des affichettes partout. Au fil de l’enquête, il apparaît que Silva, dont tout le monde pensait qu’elle était une fille exubérante au caractère bien trempé mais sans plus, menait en réalité une vie secrète bien plus scabreuse…

Enlèvement, meurtre, accident, fugue, l’enquête aurait pu aboutir.
Si le Mur de Berlin n’était pas tombé, si le communisme ne s’était pas effondré, si la Croatie n’avait pas déclaré son indépendance, si la guerre n’avait pas éclaté en ex-Yougoslavie, si les autorités s’étaient, malgré les circonstances, préoccupées du sort d’une personne (désormais majeure) disparue.

Mais il faudra attendre 27 ans pour que le mystère de la disparition de Silva soit élucidé. 27 ans pendant lesquels Mate a continué à chercher sa soeur, en dépit de tout, alors que sa famille et son pays se disloquaient sans espoir de retour.

Roman choral, « L’eau rouge » est bien plus qu’un roman policier. En plus de l’enquête sur la disparition de Silva, il aborde les questionnements de ses proches, qui croyaient si bien connaître la jeune femme. Il balaie également 30 ans de l’histoire croate, de la chute du régime instauré par Tito au libéralisme effréné en passant par la guerre des années 90, la crise financière de 2008 et le développement du tourisme de masse, avec ce que tout cela a généré de corruption, de reconversions professionnelles douteuses et d’urbanisation galopante.

Le rythme est lent, les descriptions parfois trop minutieuses, mais la construction de ce roman est remarquable, et son écriture sobre et efficace. Un roman très intéressant et captivant où se mêlent la petite et la grande histoires, au milieu des rancoeurs et des jalousies intimes, des souvenirs et des regrets, de la douleur et de l’espoir.

Présentation par l’éditeur:

Dans un bourg de la côte dalmate, en Croatie, Silva, 17 ans, disparaît lors de la fête des pêcheurs. C’est un samedi de septembre 1989, dans la Yougoslavie agonisante. L’enquête menée par l’inspecteur Gorki Šain fait émerger un portrait de Silva plus complexe que ne le croyait sa famille : la lycéenne scolarisée à Split menait-elle une double vie ? Mais l’Histoire est en marche, le régime de Tito s’effondre, et au milieu du chaos, l’affaire est classée. Seule la famille de Silva poursuit obstinément les recherches…

À travers ce drame intime, L’Eau rouge déploie dans une grande fresque les bouleversements de la société croate, de la chute du communisme à l’explosion du tourisme, en passant par la guerre civile… Ou comment les traumatismes de l’Histoire forgent les destins individuels.

Evaluation :

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23 Jun 08:58

MON CHER MARI, nouvelles de Rumena Bužarovska, Editions Gallimard, 2022

by bejanovska

SORTIE LE 8 SEPTEMBRE 2022

MON CHER MARI

de Rumena Bužarovska

Ed. Gallimard

traduit du macédonien par Maria Bejanovska

« Le recueil « Mon cher mari » est composé de onze histoires racontées à la première personne par onze femmes différentes. Un chiffre largement dépassé par celui des destins évoqués de femmes, d’hommes, de mères et d’enfants, d’amants et d’amies.

Ces histoires forment un tout parfaitement homogène, comme les pièces d’une mosaïque.

Si les femmes y racontent leurs maris, une troisième cible est visée au-delà des sexes. Il faut donc s’attendre à tout et pas seulement à ce qu’insinue le titre par lequel il ne faut pas se laisser abuser. Le texte ment et charme, se moque et fait rire tandis qu’il banalise, généralise et met l’accent avec légèreté sur des aspects universels de la vie et vous serez surpris par ce portrait inattendu et au scalpel de notre époque profondément malade ».(Olivera Korveziroska, écrivaine et critique littéraire)

Née en 1981 à Skopje (Macédoine), Rumena Bužarovska appartient à la nouvelle génération d’écrivains macédoniens. Elle enseigne la littérature américaine à la Faculté de philologie de Skopje. Elle est l’auteure de quatre recueils de nouvelles: Griffonnages (Čkrtki, éd. Ili-Ili, 2007), Dent de sagesse (Osmica, éd. Blesok, 2010), Mon mari (Mojot maž, éd. Blesok 2014, 2ème édition : Ili-Ili, 2015), Je vais nulle part (Ne odam nikade, ed. Ili Ili, 2018) ainsi que d’une étude sur l’humour dans la littérature américaine et macédonienne à travers le prisme de la nouvelle (éd. Blesok, 2012). Elle est traduite en anglais, en allemand, en italien, en serbe, en croate, en bulgare, en slovène, en albanais…

MON CHER MARI est son premier livre traduit en français.

PRESSE

Rentrée littéraire : on a aimé

MON CHER MARI : ONZE NOUVELLES DÉCAPANTES

Décapant, ce petit livre dépeint en onze histoires, onze nouvelles écrites au féminin, les relations entre hommes et femmes. Tout le monde en prend pour son grade, c’est féroce, drôle, parfois triste, jamais moralisateur. A mettre entre toutes les mains.

Traduit du macédonien – oui nous n’avons pas l’habitude d’aller chercher là de véritables pépites – ce petit ouvrage composé de onze récits courts est signé par Rumena Bužarovska (par ailleurs professeur de littérature américaine) est un petit trésor de dérision, de lucidité et d’humanité, qui pointe sans aucune pitié les relations entre hommes et femmes dans l’intimité du couple. Malentendus, usure, lassitude, petites et grandes mesquineries, ennui, trahison, usure du quotidien, tout y passe et tout le monde en prend pour son grade avec une férocité crue.
Ne faisons pas l’erreur de croire que ce petit recueil verse du côté féministe de la Force : en creux, le « je » et son regard sur ses proches se retourne parfois avec une cruauté réjouissante sur la narratrice. Et oui, en parlant de l’autre, bien souvent… c’est de soi que l’on parle. Réjouissant et nouveau. 

Pour résumer

Décapant, ce petit livre dépeint en onze histoires, onze nouvelles écrites au féminin, les relations entre hommes et femmes. Tout le monde en prend pour son grade, c’est féroce, drôle, parfois triste, jamais moralisateur. A mettre entre toutes les mains. (Carole Huyvenaar, Mon cher mari : onze nouvelles décapantes (mensup.fr) 5 août 2022)

DIALOGUES TOUJOURS VIFS ET L’HUMOUR ACIDE

Il ne fait vraiment pas bon être un époux dans les onze nouvelles de Mon cher mari, un recueil décapant, aux dialogues toujours vifs et à l’humour acide de l’écrivaine macédonienne Rumena Buzarovska

« Un poète à la prétention dérisoire, mais à l’incontestable puissance physique (« Je le trouvais ridicule, mais dans le même temps, je regardais son torse en m’imaginant serrée dans ses bras »), un mari acariâtre, que l’on trompait allègrement, en offrant dès que l’on pouvait une part de la soupe qu’il affectionnait à son amant, un gynécologue qui se prend pour un grand artiste mais qui ne peint que des croûtes représentant le sexe de ses patientes, et qui méprise copieusement sa femme, jusqu’au jour où il découvre qu’elle est meilleure poétesse qu’il n’est peintre, un infidèle hypocrite et violent dont sa femme cherche à prendre au piège sa maîtresse et qui finira peut-être lui-même par se faire battre à coup de pelles… Il ne fait vraiment pas bon être un époux dans les onze nouvelles de Mon cher mari, un recueil décapant, aux dialogues toujours vifs et à l’humour acide de l’écrivaine macédonienne Rumena Buzarovska (Gallimard, septembre 2022). L’homme y est trop souvent imbu de lui-même, lâche et menteur, faible et brutal, et même lorsqu’il occupe une position sociale honorable, d’une bêtise souvent crasse. Mais si le mariage apparaît comme un redoutable piège, dont on ne se défait que par sa propre infidélité, la séparation ou la mort du mari, si l’auteure, semblant toujours au fil des pages adresser au lecteur le même clin d’œil farceur et assassin que la femme de la couverture du roman, défend à l’évidence ses sœurs, victimes d’une institution, de ces « liens sacrés » qui les minorisent, ces petites histoires montrant aussi à quel point les femmes ici sont parfois, consciemment ou non, la proie d’abord d’une forme de soumission librement consentie. Onze nouvelles, comme autant de petites tragi-comédies désopilantes, pour révéler ainsi que le combat des femmes, dans des sociétés encore régies par tant de traditions patriarcales, est loin d’être gagné… le rire malicieux de Rumena Buzarovska est la meilleure manière de nous le faire entendre ! » ((VincentGloeckler 19 août 2022, Babelio) :

22 août 2022 LES LIBRAIRES RECOMMANDENT « MON CHER MARI »

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18 Jun 14:07

Avant de s’en aller -Saul Bellow/Norman Manea

by Miriam Panigel

CONVERSATION ENTRE DEUX ECRIVAINS JUIFS

« Norman Manea : Je propose qu’on commence par le début

Saul Bellow : D’accord. Si tu arrives à le trouver.

NM : On devrait pouvoir. nous allons le trouver ensemble… Avant d’arriver en Enfer, commençons par le Paradis.

SB : D’accord.

Nm : de ton point de vue, ton enfance est-elle un paradis perdu? « 

Norman Manea (né en 1936 en Bucovine)

Saul Bellow (né en 1915 au Canada, prix Nobel 1976)

Le livre Avant de s’en aller correspond à une interview filmée à Boston eu  en 1999. Les deux écrivains se sont déjà rencontrés à Bucarest ;  Norman Manea a fait un cours à l’Université de Bard sur l’œuvre de Bellow ils ont de nombreux points communs, enseignent la littérature dans des universités américaines et ont des amis en commun. Norman Manea pose les questions auxquelles Saul Bellow répond, ou non. 

Ils vont aborder l’enfance polyglotte de Saul Bellow au Québec :  russe, yiddish, anglais, français et hébreu et la culture juive partagée par les deux compères, les romans russes, Sholem Aleikhem mêlé à Tolstoï traduit en yiddish…De cette expérience linguistique, Saul Bellow a commis des traductions « mais transposer Shakespeare en yiddish n’est pas très facile ». Norman Manea fait un parallèle facile avec sa famille roumaine. Les rapports avec la pratique religieuse, la kashrout, se détendent, un de ses frères se rebelle. Juste à la fin de l’adolescence Bellow fréquente un cercle trotskiste : il dépense son héritage pour se rendre à Mexico voir Trotski et arrive le jour de son assassinat! 

Ils évoquent de nombreux écrivains européens :  Céline « une terrible  énigme », Sartre qu’il n’aime pas, Malraux et même Balzac

« cette fois-ci, car lorsqu’il s’agit d’idées on ne peut pas faire appel à Balzac – c’est un bluffeur. Il est agréable à
lire et il est débordant de vie, mais quand il touche aux idées il a tendance à tomber dans un romantisme ridicule. « 

Conrad, Koestler ainsi que Kafka :

NM : As-tu jamais considéré La Métamorphose de Kafka comme un récit sur l’Holocauste ? SB : Oui, j’y ai
pensé en ces termes. Et je ne peux plus lire ce texte. NM : Lorsque Gregor devient un « ça » et que sa sœur dit :
« Débarrassez-vous de ça ! », on comprend ce que les gens sont devenus dans les camps. Ce ne sont plus des
êtres humains.

Saul Bellow cite Babel comme un écrivain qui l’a marqué.

« Comme Isaac Babel, d’Odessa. Il m’a fortement marqué. Il t’a marqué toi aussi, je sais. Il me semble que c’était notre genre d’homme. Il avait des choses d’une très grande importance à dire, qui d’une façon ou d’une autre n’ont jamais été dites. Je crois que j’attendais les écrits de sa maturité, mais évidemment il n’a pas vécu assez longtemps pour ça. »

Ils ont fréquenté des auteurs américains, leurs contemporains, très proches comme Philip Roth ou Bashevis dont il a traduit le premier livre. Bellow n’est pas tendre avec Bashevis

SB : j’ai traduit du yiddish Gimpel le naïf[…] C’est un des mérites de Partisan Review d’avoir publié Bashevis en anglais pour la première fois. L’as-tu connu, personnellement ? NM : Non. SB : Eh bien, c’était un type assez étrange. Un esprit réellement étrange. Il avait une instruction judéo-polonaise basée sur Spinoza et d’autres philosophes des Lumières, il était très fier de son bagage intellectuel. Il est très facile pour les Européens d’origine juive comme Bashevis de s’en prendre aux États-Unis, de trouver des défauts au pays, en parlant de sa vulgarité, etc. Mais en réalité, ce pays a été sa grande chance..

[…] Il y a tout un tas d’anecdotes marrantes sur Bashevis. Les collectionner est un de mes passe-temps…. »

Parfois, la conversation prend un tour familier, de commérages et de critiques acerbes en particulier envers Mircea Eliade. 

En tout cas, j’ai trouvé les échanges très amusants et spirituels malheureusement je n’ai pas lu les livres de Saul Bellow, je vais réparer vite cette lacune!

 

18 Jun 14:07

Avec vue sur la vie

by noreply@hautetfort.com (livresrhôneroumanie)

Nouvelles, récits, Roumanie, Ciprian Apetrei, Alina Marin, Angela Nache Mamier, Mon édition, Jean-Pierre LongreCiprian Apetrei, L’Homme à sa fenêtre, traduit du roumain par Alina Marin et Angela Nache Mamier, Mon édition, 2021

Faisant mine de s’adresser à un ami depuis longtemps silencieux, l’auteur définit brièvement son livre : « De ta présence si discrète ne restera que ce livre composé des missives que tu m’as envoyées sous formes de nouvelles, des tableaux et des anti-tableaux allégoriques, aux significations philosophiques. » Et c’est un fait : les textes qui composent ce volume, dans leur diversité de tons et de sujets, suivent un chemin au long duquel le réalisme et le merveilleux, le visuel et le verbal, l’humour et la philosophie se succèdent et se mêlent.

Nouvelles, récits, Roumanie, Ciprian Apetrei, Alina Marin, Angela Nache Mamier, Mon édition, Jean-Pierre LongreIl y a là des souvenirs personnels, des évocations du pays d’origine – Bucarest, Făgăraş, « l’élève Popescu » ou Gheorghe « le Repenti ». Il y a des anecdotes savoureuses telles que celle du fonctionnaire qui roucoule au téléphone au lieu de s’occuper du public ; ou du jeune homme timide qui devient un insatiable don juan ; ou d’une baguette de pain qui réapparaît comme par magie ; ou encore d’une pittoresque dispute dans le RER B, où circulent apparemment « marraine la bonne fée et sa sœur. » Car le merveilleux et même le fantastique côtoient le quotidien ; on est transporté dans l’Olympe pour assister aux amours d’un dieu et d’une fée, on apprend l’histoire de « la Reine aux longs doigts », on pénètre avec un druide, un cerf, un lion ailé et « une princesse cavalière » dans « la forêt des mauvaises pensées. »

Photographe et philosophe, Ciprian Apetrei ne se contente pas de raconter. Les histoires qui naissent sous sa plume, soutenues par un regard lucide et une pensée structurée, sont aussi celles d’un « rêveur, dubitatif, sensible, distrait et curieux. » Dans un style fluide, qui s’adapte aux situations décrites et aux sujets traités, il donne à imaginer et à réfléchir, en livrant çà et là quelques sentences poétiques, du genre : « L’amour se nourrit de distances appropriées et discrètes », ou « Les gens détestent rester seuls avec eux-mêmes ». Avec L’Homme à sa fenêtre, nous sommes en bonne compagnie et nous renouvelons sensiblement notre vue sur la vie.

Jean-Pierre Longre

www.facebook.com/mon.edition.nimes

24 May 12:04

S’entraider ? Résister ?

by noreply@hautetfort.com (livresrhôneroumanie)

Bande dessinée, francophone, Roumanie, Aurélien Ducoudray, Gaël Henry, Paul Bona, Steinkis, Jean-Pierre Aurélien Ducoudray, Gaël Henry, Paul Bona, L’ours de Ceauşescu, Steinkis, 2022

Qu’ont-ils à voir entre eux, ces sept personnages qui, tous enlevés ou arrêtés dans des conditions bizarres, brutales ou obscures, se retrouvent enfermés dans une pièce froide et nue ? Certes, ils sont tous victimes, directement ou indirectement, consciemment ou inconsciemment, du régime de Ceauşescu qui, comme on le sait, n’admet aucune opposition. Que faire face au couple à la fois odieux et ridicule que forment Elena et Nicolae, et face aux sbires qui le servent ? Se soumettre ? Résister ? S’entraider ?

Bande dessinée, francophone, Roumanie, Aurélien Ducoudray, Gaël Henry, Paul Bona, Steinkis, Jean-Pierre Lorsque l’histoire commence, la « révolution » gronde devant le palais présidentiel, le 21 décembre 1989, face à un dictateur dont le visage vu en gros plan se décompose à mesure que les huées augmentent. Malgré cela, il semble que la Securitate, l’impitoyable police politique, poursuit son « travail ». Apparaissent successivement, qui vont être enfermés ensemble : une jeune femme dont l’enfance a été marquée par une injustice flagrante, un jeune homme qui ne manie pas assez bien le champ lexical de la torture pour pouvoir entrer dans la police politique, un écrivain officiel et ouvertement flagorneur, un clown prestidigitateur, une femme de ménage fascinée par les innombrables et luxueuses chaussures d’Elena Ceauşescu, un policier maffieux, un rabatteur d’ours pour les chasses du « conducator ». Un échantillon aussi varié que pittoresque de la population roumaine à la fin des années 1980.

Tous vont être chargés d’une mission, que l’on ne dévoilera pas ici. Le suspense est parfaitement ménagé, suivant un scénario habilement construit, avec une dose de folie – celle dans laquelle baignait le pays -, le tout servi par des dessins mouvants, voire mouvementés, silhouettes suggestives et visages d’une forte expressivité, chacun avec ses particularités. Ce retour sur le passé récent de la Roumanie et de la vie de son peuple, à travers quelques individualités représentatives, est à la fois historiquement utile, humainement touchant et artistiquement décapant. Et puis, disons-le, il résonne bien dans l’actualité.

Jean-Pierre Longre

www.steinkis.com