Nicolas Mayer-Rossignol, président PS du conseil régional de Haute-Normandie a beau crier à « l’intox » et signer avec son collègue de Basse-Normandie, Laurent Beauvais, un texte rappelant les termes de la réforme territoriale : rien n’y fait. La machine s’est emballé et les prises de position se multiplient après la publication lundi par les sites de L’Express et de BFMTV d’une carte localisant la future préfecture de Région à Caen, et le siège du conseil régional de Normandie à Rouen.

La détermination définitive du siège du conseil régional reviendra à l’assemblée qui sortira des urnes en décembre 2015. Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur a indiqué le calendrier des étapes de la fusion (lire ci-après). Le maire UMP du Havre, Edouard Philippe, le confirme mardi dans un entretien accordé au quotidien Paris-Normandie. Tout en donnant du crédit à l’information, expression dit-il « d’une grande inquiétude » au sommet de l’Etat, le maire du Havre rappelle que « le gouvernement, s’il a compétence pour choisir les préfectures, n’a pas vocation à déterminer le lieu du siège du conseil régional ». Il ajoute que Le Havre est « parfaitement légitime » pour accueillir les fonctions liées à l’organisation et au développement économique. Cette formule est retenue par le Groupe des Géographes.

La réaction de Françoise Guégot, députée UMP de la Seine-Maritime, désignée avec Véronique Louwagie, députée UMP de l’Orne, chef de file de son parti en vue des élections régionales, est paradoxalement proche dans les mots choisis, de celle du socialiste Nicolas Mayer-Rossignol. Cette annonce crée « le désordre et la confusion », dit-elle en reprochant à Laurent Fabius d’être à l’origine de cette répartition des lieux de pouvoirs normands. « Concentrons notre énergie pour définir les priorités (…) Rouen, Caen et Le Havre forment un triangle qui est à l’image de la diversité de la Normandie », réagit Mme Guégot.

Sur son blog personnel Nicolas Mayer-Rossignol de militant socialiste fustige des  « affabulations » et s’en prend à ceux qui, « faute d’avoir quelque chose à dire sur l’essentiel, le projet pour la Normandie, s’acharnent sur l’enjeu de la capitale en ajoutant de la confusion à la confusion et de la division à la division ». 

Rappelons que le maire UMP de Caen, Joël Bruneau, défend comme Edouard Philippe, une répartition des rôles entre les trois pôles urbains de Normandie. Quant à Hervé Morin qui revendiquera la tête de liste de la droite, il souhaite que le conseil régional s’installe à Caen. Les communistes havrais arbitrent en proposant que leur ville deviennent le chef-lieu de la Normandie.

Les signaux d’une économie au ralenti ne semblent pas atteindre la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui affiche pour l’année 2014 des chiffres en augmentation. En Haute-Normandie, « l’acteur public de référence » revendique un montant record de prêts, 697 M€ au lieu de 630 M€ en 2013, qui ont contribué à des investissements du secteur public local, du médico-social, des bailleurs sociaux. Ces derniers restent « toujours très actifs », commente lundi Eric Dubertrand, directeur régional de la CDC. Ils sont presque les moteurs d’un secteur de la construction très affecté par la faiblesse de l’investissement privé. Parmi les chantiers régionaux, la Caisse des dépôts s’est investi dans les quartiers de la Ville haute au Havre (Centre commercial Grand Cap), la revitalisation de Dieppe Sud, les projets Ville de Demain développé par la Métropole Rouen Normandie pour les nouveaux quartiers (Luciline et Flaubert).

Cet exemple à l’appui, la CDC peut se targuer de son rôle d’amortisseur des crises ou de ré-amorceur de l’activité, que lui fait jouer l’Etat. C’est le cas pour sa filiale, Banque publique d’investissements (Bpifrance) qui, en Haute-Normandie, a engagé 300 M€ pour les entreprises en 2014. « On arrive presque au milliard d’euros », souligne Eric Dubertrand.

En présentant récemment les résultats nationaux du groupe CDC, son directeur général, Pierre-René Lamas, a toutefois appelé à la « mobilisation de nos capacités », poussé par le gouvernement qui utilise tous les leviers possibles pour relancer la machine économique. Au plan national, la CDC devra dans les cinq ans investir 20 milliards d’euros, en prêter 100 autres. Il y aura notamment la mise en œuvre du préfinancement de la TVA payée par les collectivités qui investissent. Ainsi, la part de TVA du coût de construction d’une école, d’un gymnase ou d’une station d’épuration sera financée par un prêt à taux zéro.

En 2015, la CDC entend progresser dans son soutien aux projets locaux comme le très haut débit qui représente un montant d’investissement de 80 M€ en Haute-Normandie (34 M€ dans l’Eure, 56 M€ en Seine-Maritime), le Pack autonomie mis en œuvre par le Département de la Seine-Maritime, l’accompagnement du secteur de l’économie sociale et solidaire et des réseaux de soutien à la création d’entreprise. La CDC qui est systématiquement associée à tous les contrats de ville, poussera à l’utilisation du volet « Développement économique » dans les Quartiers prioritaires de la Nouvelle politique de la Ville, « que les collectivités locales connaissent peu », observe Eric Dubertrand.

Le Premier ministre devrait présenter le 22 avril prochain en conseil des ministres, la carte des chefs-lieux des nouvelles régions où la Normandie serait à nouveau coupée en deux, entre le siège de la préfecture de Région à Caen et celui du conseil régional à Rouen.

Selon les sites d’informations de L’Express et de BFMTV qui ont donné lundi cette information, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, est intervenu en faveur de cette solution. Ce dont personne ne doute en Normandie, si c’est celle qui est retenue car on peut difficilement envisager qu’il s’en soit désintéressé. Il s’agit de toute façon d’une situation provisoire puisque c’est la future assemblée régionale qui sera élue en décembre 2015 qui fixera définitivement en 2016 le siège de la région.

Alors que la fusion des deux régions normandes est très vite devenue un fait accompli, la question de la localisation de la capitale est un sujet de tension dans les cercles d’élus, de Basse et de Haute-Normandie. Candidat à la candidature pour conduire une liste de droite et du centre aux régionales, Hervé Morin (UDI), a proposé que le conseil régional soit installé à Caen.

Le maire de Caen, Joël Bruneau (UMP), plaide en faveur d’une répartition des fonctions, Caen étant le siège du conseil régional, Rouen la préfecture et Le Havre, la capitale économique.

A Rouen, la position nouvelle de Métropole en fait naturellement le chef-lieu, pour son président, Frédéric Sanchez, comme pour le maire de la ville, Yvon Robert.

Lorsqu’on l’interroge, le président du conseil régional de Haute-Normandie glisse sur la question pour défendre les territoires de la Normandie, particulièrement ceux qui s’étendent entre les trois grands pôles normands et à la périphérie.