« La tomate, quand on est enfant, il y a deux souvenirs possibles. Soit celui de la tomate dure, sans goût, que tu achètes en grande surface, soit c’est celui de la belle tomate du jardin, goûteuse et sucrée. J’ai eu la chance d’avoir le bon souvenir. Ma maman aimait la cuisiner, que ce soit en salade – avec des œufs, du concombre et des olives –, ou farcie. La tomate de mon enfance, c’est aussi le pique-nique du dimanche et la traditionnelle salade composée. Avec ma maman, nous faisions des conserves pour l’hiver : sauce tomate, coulis, etc. Quand il faisait froid – j’ai grandi dans les Vosges, le froid arrive vite… -, nous mangions des pâtes et nous sortions une conserve de coulis, cela donnait un goût formidable au plat.
Maintenant, en tant que cuisinier, j’aime travailler ce produit. Encore faut-il réussir à trouver de belles et bonnes tomates. Cette année, nous n’avons pas été gâté, même si mon fournisseur, Alain Cohen (Le Comptoir des Producteurs) ,réalise un travail formidable. Au Pré Catelan, nous avons la chance de pouvoir les laisser dehors, au soleil. Elle continue d’évoluer et de gagner en goût.
Actuellement, je travaille la tomate de trois façons. D’abord il y a la tomate-mozarella revisitée. Un grand classique mais bien évidemment repensé. Il y a la tomate farcie façon Pré Catelan : à l’intérieur de la tomate, nous mettons une concassée de tomate, des oignons, de l’ail, des poivrons confits, du basilic, on fait cuire cela longtemps au four, on déglace au jus de viande… Un régal. Puis il y a la salade de tomate vanille et citron vert. Mettre de la vanille, c’est rappeler que la tomate est un fruit, d’où un jeu très sensuel et doux avec la vanille. Ici, l’important c’est la vinaigrette : on met du citron vert et des gousses de vanille dans l’huile d’olive, ça va macérer un jour, une semaine ou plus. On tranche la tomate – variété cœur de bœuf généralement -, puis on verse l’huile macérée. On ajoute au dernier moment du zeste de citron vert, de la fleur de sel et du poivre. C’est un plat qui semble simple, mais qui est original et très goûteux. Et il est original : le client est parfois surpris de voir arriver cette tranche épaisse de tomate. Cela fait maintenant presque dix années que je propose ce plat et je ne m’en lasse pas. Peut-être parce que, justement, il me rappelle mon enfance. »
Propos recueillis par Franck Pinay-Rabaroust / ©Richard Haughton