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26 Jul 14:39

Kobo : les liseuses plébiscitées à 87% par leurs lecteurs

by Hervé Bienvault

KoboIntéressant tour d'horizon des différents fabricants de liseuses/ livres électroniques présents sur le marché français réalisé par le site Actualitté en début de semaine. Amazon, Kobo, Bookeen, Sony et PocketBook. J'ai surtout retenu ce passage intéressant de la part de Kobo, qui continue à nous donner régulièrement des chiffres sur le marché:

"En France nous disposons de 20% de parts de marché. Nous constatons une réelle fidélité des consommateurs qui ont migré vers la lecture numérique. Dans les faits, 87% des possesseurs d'un eReader conservent leur appareil à base d'encre électronique et envisagent de passer à un autre, d'une génération suivante dans l'avenir."

Un chiffre très important qui démontre le taux de confiance renouvellé que les lecteurs accordent à ces dispositifs. Personnellement, je pensais un chiffre de 75%, c'est bien au-delà avec presque 9 lecteurs sur 10. Sacrée statistique. Confirme mon petit sondage, si vous n'avaient pas répondu c'est le moment. En Allemagne aussi, les liseuses sont adoptées de manière importante. Un nouveau démenti formel à ceux qui les enterrent et nient leurs potentiels réels. Nous en verrons une autre illustration avec les renouvellements à venir à la rentrée prochaine chez tous les fabricants.

25 Jul 22:28

Ne donnez plus de codéine aux enfants !

C’est la recommandation de l’Agence européenne du médicament.

Ce médicament antidouleur fut longtemps largement utilisé, mais il peut avoir des effets indésirables parfois gravissimes.


Vintage doctor's swag / woodleywonderworks via FlickrCC License b

 

 

 

L’alerte a été lancée par le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Prac) de l’Agence européenne du médicament (EMA). Les experts de cette institution souhaitent limiter l'utilisation de la codéine pour la prise en charge de la douleur chez l’enfant. Déjà en juillet 2012, l’EMA avait commencé à réévaluer des médicaments contenant de la codéine utilisés comme antalgiques chez l’enfant. L’ensemble des personnes concernées sont invitées à parler de cette question avec leur médecin et/ou leur pharmacien.

Présente dans un pavot

La codéine (ou méthylmorphine) est l'une des substances contenues dans le pavot somnifère (Papaver somniferum). Elle tire d’ailleurs son nom du grec kôdé (tête de pavot). Cette substance est depuis très longtemps utilisée comme un produit antidouleur, mais aussi comme un antitussif. C’est aussi une version mineure de la morphine, dont elle ne partage toutefois pas les puissants effets d’attraction et d’accoutumance. En pratique, la codéine subit au sein de l'organisme une transformation qui permet sa métabolisation rapide en morphine, et ce à hauteur d’environ 10% de la dose administrée. Cette transformation est assurée par une enzyme, le cytochromeCYP2D6. Et cette transformation est variable selon les personnes et les groupes ethniques.

 

En théorie, la codéine est pour l’essentiel utilisée dans le cadre du traitement de la douleur d'origine centrale. Selon les pays, elle peut l’être seule (monothérapie) ou associée au paracétamol ou à l’aspirine. Certains en usent pour ses propriétés anxiolytiques. Elle entre également dans la composition de certains traitements (sirops) antitussifs, du moins lorsque la toux est sèche (non grasse, non «productive»).

Un usage prolongé ou abusif entraîne tolérance, une accoutumance puis une assuétude et une pharmacodépendance caractérisée. Elle a pu être (ou est encore) utilisée comme produit de substitution à la toxicomanie dans certains milieux, au même titre que la méthadone et la buprénorphine.

Ablation des amygdales

Parmi ses effets secondaires, la codéine peut produire un état général de somnolence. Elle peut également induire une sorte d’état d’euphorie assez caractéristique des opiacés. Au rang de ses (nombreux) utilisateurs célèbres figure le milliardaire américain Howard Hughes: il utilisait la codéine afin de calmer de fortes douleurs liées à des traumatismes neurologiques et squelettiques causés par de nombreux accidents d'avion.

 

La décision du Prac résulte de la transformation en morphine de la codéine par l’enzyme CYP2D6. Dans certains cas (chez les «métaboliseurs rapides CYP2D») la transformation est excessivement rapide: chez ces personnes les concentrations sanguines de morphine sont plus élevées, d’où un risque toxique mais aussi un risque d’insuffisance respiratoire.

Ce risque accru théorique avait déjà, en pratique, été mis en évidence aux Etats-Unis avec des cas mortels. Une nouvelle évaluation de ce risque menée par l’EMA fait apparaître des cas survenus pour l’essentiel après l’ablation des amygdales ou des végétations adénoïdes pour l’apnée obstructive du sommeil (interruption fréquente de la respiration pendant le sommeil).

Pour sa part, le Prac, qui reconnaît l’association entre codéine et risque de dépression respiratoire, publie une série de recommandations. Les voici:

  • les médicaments contenant de la codéine ne doivent plus être utilisés pour traiter la douleur aiguë modérée chez les enfants de plus de douze ans, sauf si la douleur ne peut être soulagée par d'autres analgésiques comme le paracétamol ou l'ibuprofène;
  • la codéine ne doit pas être utilisée chez les enfants de moins de 18 ans qui subissent une ablation des amygdales ou des végétations pour traiter l'apnée obstructive du sommeil, et ce en raison des troubles respiratoires préexistants de ces patients;
  • la notice des médicaments concernés devrait mentionner les effets indésirables possibles en cas de troubles respiratoires et déconseiller dans ce cas l’utilisation de la codéine.

Il importe aussi de souligner que les risques d'effets secondaires avec la codéine existent aussi pour les adultes, connus comme «des métaboliseurs ultra-rapides», ainsi que pour les jeunes mères qui allaitent. Pour l’EMA, la codéine pour traiter la douleur chez l’enfant n'est pas plus efficace que les analgésiques non opioïdes comme le paracétamol ou l'ibuprofène.

J.-Y.N.

SOURCE

16 Jul 15:20

Le "big-bang" du capitalisme (R. Kurz)

by Max L'Hameunasse
Le "big-bang" du capitalisme (R. Kurz)

L'apparition des armes à feu a-t-elle rendu possible l'émergence d'une pensée telle que : l'avenir pourrait et devrait désormais appartenir aux laborieux, à ceux qui se conforment aux codes moraux du travail, à son éthique, et qui acquièrent alors la puissance (le pouvoir) de renverser l'ordre souverain ancien. L'Ordre et la discipline se voit propulsés au sommet d'une machinerie infernale dont il n'est plus permis d'en interpréter un sens, d'en évaluer des valeurs car il n'y a plus que des non-valeurs (sinon financières) qui sont celles de la barbarie. Il est intéressant de remarquer que cette « révolution » militaire dont le texte qui suit en fait quasiment le fondement principal de l'émergence du capitalisme, apparaît en même temps que le renforcement du pouvoir et de l'influence (voire du despotisme – la « chasse aux sorcières » par exemple) de l'Église chrétienne en Occident aux environs du 14ème siècle, avant d'être supplanté par les Lumières et sa propre morale qui intronisa l'Homme à la place de Dieu.

Et puis... pour mettre en bouche, vous lirez bien une petite prose de notre compagnon Libertad :

http://www.non-fides.fr/?Le-Betail-patriotique

Max

Texte emprunté du site :

http://pensee-radicale-en-construction.overblog.com/le-big-bang-du-capitalisme-robert-kurz

Le « Big-Bang » du capitalisme

Capitalisme & Guerre : Une genèse historique du travail abstrait

Le mythe des Lumières, qui explique que notre système de production marchand s’est développé à partir d’un « processus de civilisation » (Norbert Elias), résultat d’un développement commercial pacifique, de l’industrie bourgeoise et de découvertes scientifiques, inventions qui ont augmenté notre niveau de vie, à rebours d’une culture brutale propre au soi-disant « Moyen-Âge » s’est révélé tenace. Le responsable de toutes ces belles choses est appelé “sujet autonome”, celui-ci s’étant supposément émancipé des rapports féodaux et agraires pour « libérer l’individu ». Quel dommage alors que cette forme de production qui naît de tous ces vertueux progrès est caractérisée par une pauvreté de masse, une paupérisation globale, des guerres mondiales, des crises et de destructions.

Les vraies conséquences destructrices et meurtrières de cette modernisation amènent à penser à une autre origine du capitalisme que celle issue du conte de fée officiel. Depuis que Max Weber a montré quelles connexions existaient entre protestantisme et capitalisme l’histoire des origines du monde moderne a été classée.

Avec une certaine dose d’ingéniosité bourgeoise, ce qui a conduit au monde moderne a été largement caché, pour que l’avènement heureux des libertés bourgeoises et du système de production marchande resplendisse d’une fausse lumière.

Il existe toutefois une autre approche que celle du récit historique officiel, qui révèle que l’avènement du capitalisme aux débuts de l’époque moderne n’est pas dû au développement pacifique des marchés mais étaient bien plutôt d’essence militaire. Il est vrai que dès l’antiquité il y avait de l’argent et des marchandises, des routes de commerce et des marchés plus ou moins grands, mais sans qu’il soit possible à un système marchand/monétaire totalitaire comme celui de l’époque moderne de naître. Ceux-ci étaient toujours, comme Marx l’avait compris, des “niches” économiques, positionnées en marge des économies agraires. L’idée que l’origine du système n’est pas seulement à trouver dans l’essor du protestantisme mais également dans l’innovation des armes à feu des débuts de l’époque moderne apparaît même chez Max Weber.

Mais Weber, idéologue notoire du vieil impérialisme allemand, n’avait manifestement aucun intérêt à approfondir et systématiser de telles intuitions. L’historien, sociologue et économiste Werner Sombart avait déjà fait spécifiquement attention aux origines militaires du monde moderne dans son ouvrage « Guerre et Capitalisme » de 1913. Mais lui aussi n’est pas allé plus loin, devenant bientôt militariste puis finalement, poussé par son antisémitisme, nazi. Plus d’un demi-siècle passa avant que ce lien entre genèse du capitalisme et « économie politique des armes à feu » refit surface, avec « Canons et Peste » (1989) de l’économiste Karl Georg Zinn en Allemagne et « La révolution militaire » (1990) de l’historien Geoffrey Parker dans l’aire anglo-saxonne. Bien que ces études contiennent d’importantes pièces à conviction, ils restent en partie bienveillants à l’égard du capitalisme et de ses origines. La vision féérique du processus de modernisation provenant des Lumières fut autorisée implicitement à continuer de nous rendre aveugle.

Les ratés du matérialisme historique

On pourrait penser qu’une critique sociale radicale issue du milieu marxiste serait destinée à reprendre cette question où l’avait laissée ces penseurs bourgeois et à l’approfondir. C’était Marx, après tout, qui avait analysé non seulement cette logique fonctionnelle destructrice qu’est celle du « sujet automate » et saisi cette forme sociale appelée « travail abstrait » détachée des besoins, mais également décrit sans complaisance l’histoire du capitalisme – qui fut tout sauf civilisée –, par exemple dans son chapitre consacré à l’accumulation primitive. Il doit toutefois être admis qu’au sein même de cette description, l’origine militaire de l’accumulation capitaliste et sa logique demeurait sous-estimée. Le marxisme suite au décès de Marx a également échoué à reprendre cette question là où il l’avait laissée : l’histoire du développement préindustriel du système de production marchand était troublante parce que, en termes de doctrine marxiste, celle-ci était particulièrement ambiguë.

Il y a, en fait, une raison à l’intérieur des théories de Marx qui explique pourquoi ce lien, si inconfortable pour nombre d’apologistes bourgeois, devait être supprimée par ceux qui proclamaient être ses héritiers. Une conception centrale du matérialisme historique veut en effet que l’histoire soit une succession d’étapes « nécessaires » de développement au sein duquel chaque mode de production (y compris capitaliste) à sa place et a une « mission civilisatrice » (Marx). Une histoire de l’avènement du capitalisme dépeignant celui-ci comme un nouveau-né barbare (Marx explique que celui-ci naît « avec du sang et de la boue sortant de chaque pore ») étant incompatible avec une telle théorie, ce qui nous a été légué par Hegel et ses prédécesseurs des Lumières fut simplement appliquée selon une logique plus matérialiste et renouvelée de façon « socialiste ».

Si cette logique d’exploitation et de travail abstrait propre au capitalisme n’était pas née du développement des forces productives des sociétés agraires modernes, mais plutôt par un développement spectaculaire des forces de destruction, s’imposant de l’extérieur à l’économie naturelle au lieu de se développer en son for intérieur, cela contredirait sérieusement cette conception du matérialisme historique.

Pour préserver ce paradigme métathéorique, historique et philosophique, ses défenseurs marxistes durent « oublier » l’histoire de l’avènement du capitalisme ou décrire faussement celui-ci. La motivation principale fut clairement de ne pas apparaître comme « réactionnaires », mais c’était une mauvaise idée, une de celles qui émerge fréquemment de l’idéologie bourgeoise. La mythologie du progrès issue des Lumières, d’une part et sa contestation par certains réactionnaires - pessimistes culturels et romantiques agrairiens - d’autre part étaient en fait deux faces d’une même pièce. (…)

(…) Les théories du matérialisme historique, en conclusion, ne doivent s’appliquer qu’à une seule forme sociale (capitaliste). La question reste toutefois entière sur l’origine militaire du capitalisme.

Des armes “non-conventionnelles”

À un certain moment du 14ème siècle, quelque part en Allemagne du Sud, il y a dû avoir une puissante explosion ; un mixte de salpêtre, de souffre et d’autres composants chimiques explosa. L’audacieux moine qui avait fait cette expérience s’appelait Berthold Schwarz. Nous n’avons pas plus d’informations à son sujet, mais cette explosion peut être qualifiée de « big bang du capitalisme ». Il doit être noté également qu’en Chine on connaissait déjà depuis longtemps ces explosifs, et qu’on avait utilisé ceux-ci pour de splendides feux d’artifices mais également en cas de guerre. Les Chinois n’avaient toutefois pas pensé à utiliser ces explosifs comme armes de longue portée (…). Cette utilisation fut réservée pour notre pieuse Europe chrétienne. La plus ancienne utilisation d’un canon date de 1334, quand Nicolas I de Constance défendit sa cité de Meersburg avec l’un d’entre eux.

L’arme à feu était née, arme jusqu’à présent sans rivale quant à sa puissance de destruction. Cette innovation fondamentale de l’époque moderne amena tout d’abord une “révolution militaire » (Parker) qui marqua l’ascension historique de l’Occident. Les conséquences de ces armes de longue portée étaient déjà connues au Moyen Âge. Des craintes idéologiques surgirent lorsqu’aux alentours de l’an mil on importa des nouvelles arbalètes d’Orient. Le second conseil de Latran interdit cette arme de guerre en 1129, considérant celui-ci comme « non-conventionnel ». Ce n’était pas pour rien que l’arbalète devint rapidement une arme de choix pour voleurs, brigands et rebelles.

Les armes à feu rendirent ridicules militairement parlant chevaliers et autres combattants à cheval du Moyen-âge. Grimmelshausen [un auteur/traducteur allemand du 17ème siècle], (…), écrivit dans son Simplicissimus : « Ce qui fit de moi un homme si grand est qu’un écuyer pouvait désormais tuer un des plus courageux héros du monde (…) ».

Les armes à longue portée ne restèrent plus longtemps aux mains des seuls marginaux. La nouvelle technologie ayant fait ses preuves, il n’y avait plus aucune raison de se retenir de l’utiliser. Les seigneurs, grands et petits, craignant d’être marginalisés, s’empressèrent d’acquérir ces nouvelles armes. Aucun conseil n’y ferait rien ; ces nouvelles armes de destruction se répandirent comme une traînée de poudre. La technologie des armes à feu progressa particulièrement vite au sein des villes de l’Italie du Nord, avec leur savoir-faire particulièrement impressionnant. L’ensemble des découvertes de cette époque furent subordonnées à l’art de construire et d’utiliser des canons.

Le théoricien italien Antonio Cornazano décrivit l’importance décisive des armes à feu au début du 16ème siècle, faisant l’apologie des canons et désignant ceux-ci affectivement comme « Madame La Bombarde, avec son fils fusil. Cet engin diabolique rend obsolète ses concurrents et conquiert n’importe quelle ville, faisant trembler des armées entières au son du canon. »

Des armes encore meilleures et des canons encore plus larges et à plus grande portée furent construits […] En réponse, de nouvelles techniques de fortifications furent développées. La première modernisation fut en même temps une course aux armements et ce processus s’est répété encore jusqu’à nos jours, symbole même de cette modernisation. Plus larges et technologiquement développés furent ces engins de mort, plus prononcée fut l’altération des structures sociales due à la « révolution militaire ».

Le Moloch militaire

Il devint rapidement clair que cette révolution militaire n’aurait pas pour unique conséquence un simple changement de technologie militaire. Les transformations qui en résultèrent quant à l’organisation logistique militaire pénétrèrent profondément à l’intérieur des relations sociales. Jusqu’alors, l’organisation militaire et l’organisation civile au sein des sociétés agraires étaient pratiquement identiques. Chaque citoyen était aussi membre des forces armées, avec des obligations militaires. Une armée n’était rassemblée que lorsqu’une très haute autorité, empereur, roi, duc ou consul, faisait un « appel aux armes » et entraînait ces citoyens-soldats dans un conflit. Entre chaque conflit, il n’existait pratiquement pas d’appareil militaire permanent. Même si des grands empires comme celui de Chine ou celui de Rome avaient des armées permanentes plus ou moins puissantes, celles-ci n’avaient qu’un effet superficiel sur l’ensemble des méthodes de production ou mode de vie dans une société, aussi coûteuses ou élaborées qu’elles étaient.

La différence décisive réside dans l’équipement. Les guerriers prémodernes ramenaient avec eux armes et autres accessoires militaires (…). Casques, boucliers et épées pouvaient être produits par n’importe quel forgeron, et chaque garçon savait utiliser un arc et des flèches. La logistique guerrière pouvait être organisée de façon décentralisée. Ceci correspondait d’ailleurs aux relations décentralisées propres aux sociétés agraires développées. L’autorité centrale, même despotique, avait une influence limitée, surtout au quotidien.

Les armes à feu rendirent tout ceci complètement obsolète. Les mousquets et canons ne pouvaient être produits localement puis stockés chez soi, ou même transportés par une seule personne. Les instruments de mort avaient soudainement changés de dimension et détruit nombre de relations humaines. Le canon est d’ailleurs à certains égards l’archétype du monde moderne : un outil qui commence à dominer celui qui l’utilise. Une nouvelle industrie de l’armement naquît, servant de prototype pour une future industrialisation (…).

L’appareil militaire commença à s’émanciper de l’organisation sociale civile. La guerre devint une occupation spécifique, tout comme l’armée devint permanente, commençant à dominer l’ensemble des structures sociales, comme montre Geoffrey Parker dans son ouvrage : « En parallèle avec ce développement, on assista à une croissance marquée de la taille des armées à travers l’Europe (forces armées de nombreux États multipliées par 10 entre 1500 et 1700), et à l’adoption de nouvelles stratégies encore plus ambitieuses et complexes pour diriger de telles armées. (…) [La] révolution militaire, finalement, accentua dramatiquement l’impact social des activités guerrières : plus il y avait de coûts, plus il y avait de dégâts, et plus il y avait de problèmes administratifs posés par l’existence de telles armées » (Parker 1988, 2).

De cette façon d’immenses ressources sociales furent destinées à des fins militaires, à un niveau jamais atteint jusque-là. À l’occasion, il y avait déjà eu du gaspillage de ressources sociales liées au domaine militaire, mais jamais aussi longtemps et à une telle échelle. Le nouveau complexe militaire se transforma rapidement en un insatiable Moloch engouffrant des quantités énormes de matériel et pour qui de meilleures possibilités de développement social furent sacrifiées. (…) Les sociétés prémodernes consommaient relativement peu en termes d’armement ; à côté de celles de l’époque moderne, leurs guerres semblent presque d’inoffensives querelles.

À cet égard, Karl Georg Zinn fait une comparaison encore moins flatteuse pour l’époque moderne : « Par rapport au développement technologique de l’armement au 14ème siècle, l’époque médiévale (…) disposait de forces militaires relativement faibles. La guerre et l’armement ont pesé bien moins lourd sur leur société que sur celle de l’époque moderne. La proportion de surplus agricole utilisé à des fins destructrices resta relativement faible au cours du Moyen-âge ; autrement ils n’auraient pas pu investir dans l’agriculture, comme il n’y aurait pas eu autant de cathédrales, de nouvelles cités ou de forteresses d’érigées. La différence fondamentale entre l’époque médiévale et moderne réside en une divergence au niveau du progrès technologique : progrès agricole au Moyen-Âge, progrès de l’armement et du luxe négligeant l’agriculture à l’époque moderne. »

« Madame La Bombarde » ne dévora pas seulement une partie disproportionnée du produit social, mais donna également à l’économie monétaire un coup de pouce décisif, jusque-là limitée. L’expansion productive de l’agriculture et de l’industrie pastorale n’aurait pas suffi à l’émergence de l’argent comme puissance dominatrice anonyme. Au cours du millénaire il y a toujours eu des avancées techniques, mais on en profitait généralement (…) pour faire moins d’efforts plutôt que pour accumuler du capital monétaire. Une forme aussi violente de développement productif ne pouvait être imposée que de l’extérieur, en l’occurrence par un complexe militaire complètement détaché du social. »

La production d’armes à feu ne pouvant plus être conduite de façon décentralisée à l’intérieur de l’économie agricole et domestique, elle devait être centralisée. Idem pour l’appareil militaire et ses armées permanentes, remplies de tueurs professionnels ne pouvant plus subvenir à leurs propres besoins. La seule forme de reproduction compatible avec l’asociale machine militaire était l’argent. Les besoins sociaux étant coupés de l’abstraction destructrice de l’appareil militaire, l’argent apparaissait comme une forme adéquate pour cette nouvelle abstraction. L’économie de guerre permanente et l’indépendance structurelle d’armée à grande échelle fut traduite, socialement parlant, en une expansion similaire de l’argent comme médiation sociale. Celle-ci provient peut être d’autres sources, mais elle se répandit principalement comme conséquence de la « révolution militaire ».

Financiers de guerre, Condottieri et Lansquenets

Chefs de mercenaires du début de l’époque moderne (Condottieri), mousquetaires et canonniers sous leur commandement étaient les premiers à être libérés complètement des impératifs de reproduction agraire et des obligations sociales. Leur existence, dès lors, servit de prototype à la forme sujet elle-même, qui, naissante à l’époque moderne devait évoluer en principe social général comme scission entre travail et besoins.

Les analyses de l’historien culturel Rudolf Zur Lippe montrent comment ces nouveaux et sanglants « fabricants de morts » servirent de modèle au salariat moderne et à son management : « La planification des opérations militaires (…) devait se soumettre à l’impératif du profit. Les notions chevaleresques d’honneur et de courage n’étaient plus de mise. (…) La grande masse des guerriers fut transformée en soldats-salariés dont les commandants étaient rémunérés par des fonds royaux ou des offices. (…) Les canons servaient à des buts de guerres aussi abstraits que l’accumulation de capital. (…) Le nombre de lansquenets ne représentant rien de plus que celui qu’on pouvait payer, l’abstraction des destructions causées en furent sa conséquence logique. » (Zur Lippe 1988, 37)

Le vieux capital mercantile ne fut pas une cause première de cette relation entre travail abstrait et innovation militaire, comme voudrait l’ontologie du matérialisme historique. Le canon, cette abstraite machine à tuer, ne fut pas une réponse au capital mercantile déjà en train de s’accumuler de façon abstraite, mais exactement l’inverse ; la genèse de cette forme était due à la « révolution militaire » et à ses conséquences sociales.

Le matérialisme historique est confronté ici à un problème, puisque ce [big bang] (…) ne se conforme pas à la dialectique des « forces productives et rapports de productions » qui en réalité est un résultat du mode de production capitaliste. (…)

En réalité, l’intérêt abstrait d’accumuler et l’économie monétaire moderne des entrepreneurs libres ne pouvait pas émerger immédiatement des marchands et artisans urbains médiévaux. Ces groupes, situés aux marges de la société agraire, y restaient fermement attachés via des guildes et autres associations commerciales caractérisées par un système d’obligations mutuelles et de traditions. Leurs marchés n’étaient pas caractérisés par une compétition libre et encore moins par une logique abstraite d’accumulation. Ce ne fut pas avant l’avènement des clans de marchands comme celui des infâmes Fuggers qui devinrent financiers militaires (…) que cette logique changea. (…) Ces financiers cherchaient à obtenir des revenus monétaires exorbitants. Ce calcul mercantile, libéré de toute obligation sociale, était celui des capitaines de mercenaires. La rationalité abstraite du management capitaliste moderne se répandit du bout du canon, des fusils et des pièces d’artillerie aux mains d’assassins professionnels, non pas pour l’intérêt général.

L’utilisation de mousquets et de canons fut à un certain point une forme primitive de « travail abstrait » […] Le « travail abstrait » désigne n’importe quelle activité faite pour de l’argent, où ce qu’on fait à relativement peu d’importance. Le sujet monétaire moderne dans sa forme originaire a poussé cette indifférence jusqu’à risquer sa vie ou celle des autres. L’objectivation du monde à l’abstraite logique du profit incluait l’objectivation individuelle à travers ce risque. Les entrepreneurs et travailleurs de la mort étaient ensemble prototypiquement ce sujet-objet de l’histoire, qu’il s’agisse du capitaine mercenaire manager ou des soldats-salariés. Peu importe qui se bat ou pourquoi, dans quelle branche de production l’argent est investi, quel genre de travail on effectue ; tant qu’on en obtient un prix satisfaisant il n’est pas important de savoir combien d’endroits a-t-on détruit.

Le nihilisme monétaire s’est déguisé sous l’apparence d’une vie paysanne. Le blé [expression française] (ou du foin [expression allemande]) fut une des premières expressions pour designer l’argent, et chacun cherchait à « faire de l’argent comme du blé [ou du foin] », sans se soucier d’autre chose, comme l’indique une chanson de lansquenets

On se fiche
Du Saint Empire romain
S’il crève aujourd’hui ou demain
Pour nous ça ne change rien
Et s’il tombe en miettes
Tant qu’il y a du blé [ou du foin] à gagner
On le maintiendra en l’état

Les simples soldats au sein des appareils militaires en développement (…) expérimentèrent en premier l’absence de travail. Quand il n’y avait plus d’argent (…) de nombreux mousquetaires et canonniers étaient renvoyés ; ils se retrouvaient alors littéralement jetés dehors et étaient craints comme clochards-vagabonds, voleurs ou assassins occasionnels. L’image du soldat sans racines et souvent sans emploi était un phénomène de masse.

Vers une société gouvernée par l’argent

Les trophées de guerre et autres emprunts à des financiers ne suffirent toutefois pas à faire fonctionner l’armée moderne. La reproduction sociale dans sa totalité était épuisée de nourrir cette machine et en même temps elle était soumise à l’argent-forme. Premièrement, cela signifiait monétiser l’impôt. Tandis que l’impôt en nature était lié à une production agricole réelle, l’impôt monétaire faisait abstraction des conditions naturelles et imposa sa logique, celle de l’appareil militaire, aux activités quotidiennes.

L’insatiable faim d’argent du régime des armes à feu en vint à dominer l’ensemble des activités sociales. Selon des calculs récents, l’impôt augmenta de 2200 % du 15ème au 18ème siècle. L’imposition de cette logique monétaire entraîna une démoralisation massive, ainsi que l’attestent de nombreuses sources.

Même Rousseau raconte [ça] dans ses Confessions (…) : « (…) Je suis entré dans sa maison [au paysan], à moitié mort de faim et de soif. Je pria [celui-ci] de me fournir un repas en échange d’argent. Il m’offrit du lait [frelaté] et du pain dur, m’expliquant que c’était tout ce qu’il avait. (…) Le fermier, qui m’avait longuement questionné, conclu de mon appétit que mon histoire était vraie. Après m’avoir expliqué qu’il pouvait bien voir que j’étais un bon, un honnête jeune homme et que je n’étais pas venu le dépouiller, il ouvrit une petit trappe à côté de sa cuisine, monta dedans et revint un moment plus tard avec une crêpe (…). Quand vint l’heure de payer il devint nerveux et inquiet ; il ne voulait pas d’argent (…) et je n’arrivais pas à comprendre ce qu’il craignait. Finalement, tremblant, (…) il m’informa qu’il cachait son vin et son pain des autorités fiscales, et qu’il serait perdu si on commençait à croire qu’il ne mourrait pas de faim ».

Ces agents fiscaux représentaient, aux côtés des financiers de guerre et des condottieri, un autre prototype du marché libre en ce sens qu’ils achetaient à l’État le droit de collecter l’impôt. Et si certains ne pouvaient pas payer, on leur confisquerait vache ou outils (…) pour en retirer de l’argent.

La conversion des fruits naturels en impôt monétaire et son augmentation exorbitante était toutefois incapable de satisfaire l’appétit monétaire des machines de guerre. Les despotes militaires modernes commencèrent alors à fonder leurs propres entreprises productives en dehors des guildes et autres associations de commerce ; l’objectif de telles entreprises n’étaient désormais plus de satisfaire des besoins mais seulement l’acquisition d’argent. Ces manufactures d’État et autres plantations produisirent, première historique, pour un marché anonyme et large, qui devint une condition préalable au marché concurrentiel libre. Comme personne ne voulait servir de travailleurs salariés bon marché, on utilisa des fous et des esclaves des périphéries. Des nouveaux crimes furent même inventés pour obtenir plus de main-d’œuvre. Les (…) nouveaux pénitenciers et maisons de travail du marché libre, développés durant la monétisation forcée de la société, compléta l’illustre collection des prototypes de l’entreprise libre.

La guerre, mère de l’État moderne

Les condottieri, qui se vendaient avec leurs armées privées au plus offrant, était une forme de transition. Les administrations princières, d’abord seulement clients, allaient bientôt prendre ce problème en main. Ce qui deviendrait plus tard une loi de développement de l’économie moderne fut d’abord celle des grandes puissances engagées dans des guerres : ceux qui étaient gros mangeaient ceux qui étaient petits.

Une fois lancé par l’automatique dynamique de la « révolution militaire », l’ensemble des États modernes – tout juste nés – se livrèrent une guerre sans merci. Dans ces bains de sangs sans précédent ils testaient leurs forces, qui résidaient (…) dans l’utilisation de technologies à grande échelle, pour se préparer à conquérir l’Europe […] C’est à ce moment-là que l’État moderne, envers de l’argent, naquit.

Cette dynamique fut accélérée par l’invasion des Amériques. À l’instar du développement de technologies militaires modernes, l’expansion coloniale en Amérique du Nord comme du Sud (impensable sans armes à feu) développa l’appétit des machines militaires pour l’argent. (…) Des aventuriers comme Pizarro massacrèrent des nations indiennes entières avec juste quelques canons et mousquetaires. Le colonialisme et l’économie de l’armement se renforcèrent mutuellement. Le trafic continu à travers l’Atlantique demanda d’importants programmes de construction navale, qui ne pouvaient être effectués que par l’économie monétaire abstraite. La « guerre qui construit l’État” pris une dimension transcontinentale. La logique des canons conduit à celle de l’hégémonie mondiale. La guerre de Sept Ans (…) de 1756 à 1763 entre Prusse et Angleterre d’un côté et Autriche, Russie et France de l’autre fut ainsi une guerre mondiale, prenant place en Europe, en Inde et en Amérique du Nord.

L’histoire était désormais une suite de plus en plus rapide de conflits militaires. Geoffrey Parker explique ainsi que l’ère moderne fut incomparablement plus guerrière que l’ensemble des autres époques, en termes de fréquence comme en termes de longueur et d’échelle. La concentration et militarisation de l’économie conduisit nécessairement à une centralisation sociale. La logique du gros poisson mangeant ces congénères plus petits n’était pas valable qu’au sein des relations entre États, mais également au sein des États eux-mêmes. Jusqu’au 16ème siècle il n’y avait pas d’administration organisée s’imposant d’en haut. Les gens ordinaires devaient payer des taxes sous forme de produits naturels ou de corvées, mais étaient sinon laissés à eux-mêmes. Les institutions étaient autonomes et limitées dans leur autorité. Il y avait même des régions importantes où des fermiers et artisans libres étaient armés et ne connaissait aucun féodalisme (…).

La modernisation ne conduisait à rien d’autre qu’à détruire ces formes d’économies autonomes de l’extérieur et d’en haut pour soumettre tout un chacun à « l’économie politique des armes à feu » par l’impôt monétaire puis par l’imposition du travail abstrait. Des guerres de paysans du 15ème-16ème siècle aux Luddites du 19ème siècle, des producteurs indépendants se défendirent par des rébellions désespérées contre l’oppression exercée par l’abstraite économie monétaire et son corollaire militaire. Toute résistance fût brutalement réprimée. L’appareil d’État absolutiste, bâtit sur l’invention des armes à feu, imposa ses objectifs avec force.

L’économie sans contraintes socio-culturelles

Derrière l'omniprésente obsession moderne de gagner de l’argent réside l’infernal bruit du canon. Ceux-ci enclenchèrent une dynamique de profondes transformations sociales (…). “L’économie politique” des armes et de l’appareil militaire, détaché du social et seulement reproductible via l’abstraction-travail, devint indépendant de son dessein originel. Des despotes modernes assoiffés d’argent naquit l’idée de “valorisation", qui prit pour nom « capitalisme » au début du 19ème siècle. Le bouclier rigide de l’étatisme militaire fut mis de côté uniquement pour permettre à l’empire de l’argent nouvellement indépendant de progresser comme une fin en soi à l’intérieur d’une économie désormais sans contraintes socio-culturelles, et pour donner naissance à l’omnipotente compétition anonyme de tous contre tous.

Cette forme de compétition totale porte (…) ses origines dans une guerre totale, même dans sa terminologie. Ce n’est pas une coïncidence que Thomas Hobbes, fondateur du libéralisme étatique moderne, déclare que l’état naturel de l’homme est « une guerre de tous contre tous » […] Les Lumières transformèrent l’impératif de “l’économie sans contraintes” en une abstraction ontologique-philosophique du « sujet autonome » au 18ème siècle, qui avait été quoiqu’il en soit prédéfini par le totalitarisme de la forme-valeur. Le socialisme, d’un autre côté, fit de l’État un sujet transcendantal, pôle opposé d’une même ontologie bourgeoise et hérita donc de l’origine guerrière du monde moderne. Le marxisme du mouvement ouvrier avait une raison inconsciente d’adopter l’expression « armées du travail ».

La fin en soi de la valorisation de la valeur et du travail abstrait a depuis longtemps été internalisée et accepté comme naturel au sein des démocraties-marchés globales du présent. Elles ont encouragé à l’extrême l’omnipotence de l’argent sur nos vies et l’administration bureaucratique des êtres humains correspondante. Les droits et libertés, l’autonomie et la responsabilité, la politique et ses partis restent à ce sujet toujours muets.

Une critique radicale du capitalisme restera bloquée aussi longtemps qu’elle partage son ontologie avec celle des bourgeois. La plupart des critiques de cette dernière adhèrent eux-mêmes à cette ontologie bourgeoise. Implicitement ou explicitement ils essayent de se rassurer avec des constructions ontologiques des Lumières bourgeoises et adoptent une position agnostique sur l’origine réelle du monde moderne en expliquant de façon contrefactuelle que notre système capitaliste émergea directement des anciennes sociétés agraires.

Une pensée critique et émancipée anti-moderne ne doit pas être une idéologie réactionnaire, mais devrait sérieusement songer à une « dialectique négative » (…) ; en gros, cela détruira l’ontologie du sujet des Lumières une bonne fois pour toutes. Cela inclue une nouvelle évaluation de l’histoire, une qui n’ignorera plus l’origine de l’époque moderne : « l’économie politique des armes à feu ».

Bibliographie

Norbert Elias: Über den Prozess der Zivilisation. Soziogenetische und psychogenetische Untersuchungen. Frankfurt/Main 1990, first1936.

Norbert Elias, Sur le processus de civilisation.

Rudolf zur Lippe: Vom Leib zum Körper. Naturbeherrschung am Menschen in der Renaissance. Reinbek bei Hamburg 1988, first 1974.

Karl Marx: Das Kapital. Kritik der politischen Ökonomie, Erster Band. Berlin 1965, first 1867.

Karl Marx, Le Capital.

Geoffrey Parker: The military revolution. Military innovation and the rise of the West, 1500 - 1800. Cambridge - New York 1988.

Geoffrey Parker, La révolution militaire.

Karl Polanyi: The great transformation. New York 1975, first 1944.

Karl Polanyi, La grande transformation.

Werner Sombart: Krieg und Kapitalismus. München 1913.

Werner Sombart, Guerre et Capitalisme.

Max Weber: Die protestantische Ethik. Tübingen 1984, first 1920.

Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme.

Max Weber: Wirtschaft und Gesellschaft. Grundriss der verstehenden Soziologie. Tübingen 1985, first 1922.

Karl Georg Zinn: Kanonen und Pest. Über die Ursprünge der Neuzeit im 15. und 16. Jahrhundert. Opladen 1989.

Karl Georg Zinn, Canons et Peste.

Texte original de Robert Kurz

Traduction de l'allemand à l'anglais par John Carroll

Traduction de l'anglais au français par Armel Campagne

16 Jul 15:16

Le « male gaze » (regard masculin)

Après l'article de Thomas la semaine dernière sur le « slut-shaming », on continue avec les concepts féministes difficilement traduisibles. To gaze signifie en effet « regarder fixement », « contempler » ; on peut le traduire par « regard masculin », que j'emploierai alternativement avec l'expression anglaise.
Issu de la critique cinématographique, ce concept est devenu central dans le vocabulaire du féminisme anglophone. Le « male gaze » peut en effet être étudié au cinéma, mais aussi dans d'autres domaines de la culture visuelle (BD, publicité, jeux vidéo…). Selon moi, on peut aussi l'étendre à l'expérience quotidienne, celle d'un regard omniprésent, un regard qui est aussi jugement et auquel on ne peut pas échapper.
Source: Genre !
16 Jul 15:09

Lutte contre la fraude fiscale • Ils n'y ont jamais cru

by Sandro Poli

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Beaucoup attendaient du gouvernement Ayrault qu’il frappe fort la fraude fiscale. Au contraire, il l’accueillait en son sein. Depuis la démission de Jérôme Cahuzac et son audition devant l’Assemblée Nationale, le gouvernement n’a toujours pas apporté la moindre réponse crédible et sérieuse permettant de lutter contre ce poison. Les pères fouettards de l’austérité nous demandent de « faire des efforts» mais ne se soucient guère de l’évasion fiscale des importants dont ils recherchent le soutien. Ce fléau nourrit pourtant la crise démocratique et économique que nous traversons.

Les estimations des pertes annuelles dues à la fraude fiscale peuvent varier mais restent extrêmement élevées. La Commission Européenne avance le chiffre de 50 milliards d’euros pour la France, mais le Syndicat Solidaires-Finances Publiques, qui représente les agents du fisc, évoque lui le chiffre de 80 milliards, soit une perte de 20% environ des recettes fiscales d’une année.

Les entreprises, en particulier les grands groupes, sont les championnes des manœuvres pour échapper au fisc : du travail au noir au non reversement de la TVA, en passant par la création de sociétés fictives ou la domiciliation offshore, ces fraudes réduisent chaque année de 23 à 32 milliards d’euros les recettes de l’impôt sur les sociétés. L’évasion fiscale des plus riches est également significative. Les travaux de Gabriel Zucman estiment à 250 milliards d’euros minimum le patrimoine non déclaré des français dans les paradis fiscaux, soit un manque à gagner de 15 milliards d’euros annuels environ.

Il est intéressant de rapporter ces estimations aux chiffres de la fraude sociale qu’utilisent les réactionnaires pour nous opposer les uns aux autres : la fraude à la sécurité sociale ne dépasse pas les 3 milliards d’euros annuels et la fraude aux prestations familiales 700 millions d’euros. A peine 5% de la fraude fiscale !

Contrôles peu fréquents

En France, selon les derniers chiffres de la Cours des Comptes, au moins 90% de la fraude fiscale reste impunie puisqu’un peu moins de 4 milliards d’euros ont été récupérés en 2010. La Direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF), qui contrôle les affaires où l’ampleur de la fraude dépasse les 1,5 million d’euros, obtient des résultats décevants. On observe une baisse d’environ 15% du rendement du contrôle fiscal des plus fortunés depuis 10 ans et ce malgré l’explosion des revenus des 0,1% les plus riches et de leurs patrimoines sur cette période.

Les contrôles sont peu fréquents : un contrôle tous les trois ans en principe pour les 150 000 contribuables les plus riches, mais seuls 2,3% des dossiers des 500 plus grosses fortunes professionnelles sont soumis à examen chaque année. La probabilité pour un contribuable fortuné d’être contrôlé est donc d’une fois tous les 40 ans ! Ce taux diminue à mesure que la richesse augmente, un seul contribuable parmi les 50 plus riches étant contrôlé chaque année.

On peut d’ailleurs s’interroger sur le sort de la liste de 3000 exilés fiscaux français ayant fuité de la banque HSBC et transmise en 2009 aux autorités françaises. Eric Woerth, alors ministre du budget, estimait le total d’évasion à 3 milliards d’euros. Personne n’en a entendu parler depuis.

L’austérité encourage la fraude

La baisse du budget de l’Etat encourage les fraudeurs fiscaux. En effet, pour dissuader les fraudeurs et renforcer le rendement des contrôles, les administrations concernées auraient besoin de moyens supplémentaires. Or la Direction générale des finances publiques (DGFiP) aura perdu plus de 18% de ses effectifs entre 2002 et fin 2013, dont une part importante dans le contrôle fiscal. La sous-direction qui s’occupe de l’examen des dossiers jugés « sensibles » (ceux de Liliane Bettencourt ou Bernard Arnault) ne compte qu’une centaine d’agents. Son rattachement au cabinet du ministre du budget facilite les conflits d’intérêts, comme l’ont montré les affaires Woerth et Cahuzac.
Les directions territoriales de la DGFiP, en charges des ménages gagnant plus de 220 000 euros par an sont elles aussi très mal dotées. Elles doivent faire face à une fréquente segmentation des tâches entre la gestion des trois types de fiscalités (personnelle, professionnelle et immobilière) et à des limitations géographiques de plus en plus complexes, les revenus et le patrimoine contrôlés étant dispersés sur le territoire et au-delà.

Le faible rendement des dispositifs de lutte contre la fraude s’explique aussi par la complexité croissante de celle-ci et par son caractère mouvant. Or la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), censée prévenir les nouveaux mécanismes de fraude, est peu considérée. La rotation de ses agents est élevée : 85% d’entre eux ont moins de 4 ans d’ancienneté. Or les dossiers nécessiteraient un véritable suivi et il faut au minimum 3 ans de pratique pour qu’un agent soit complètement formé.

Le gouvernement rassure la finance

L’affaire Cahuzac est le symbole de l’oligarchie et de son détachement vis-à-vis des devoirs citoyens les plus élémentaires. Une oligarchie pour qui l’impôt, c’est les autres. Si elle prétend n’avoir jamais cru à la lutte des classes, c’est qu’elle pense l’avoir gagnée. Plutôt que de combattre l’influence de ces nouveaux seigneurs, les choix politiques du tandem Hollande-Ayrault s’y soumettent directement : la fausse loi bancaire, l’Accord Made in Medef, les cadeaux fiscaux faits aux « pigeons » ou la réforme des retraites à venir en sont des exemples récents. Souciez vous de la « confiance des marchés » et du grand patronat davantage que de la volonté populaire et les Jérôme Cahuzac se multiplieront en plein cœur du pouvoir.

La loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique adoptée le 25 juin dernier est un paravent. Elle consiste principalement en l’augmentation de la sévérité des peines en cas de fraude fiscale aggravée sans allonger le délai de prescription (aujourd’hui fixé à 3 ans) et continue d’interdire à la justice d’enquêter sur les fraudes fiscales sans l’aval du ministre du budget. Elle propose également l’extension des outils d’intervention de l’administration fiscale sans que celle-ci ne soit dotée de réels moyens supplémentaires. Dans le cadre de l’appel du G8 à un échange automatique d’information, une liste de pays « non coopératifs » sera établie. Comme pour la rémunération des traders et des patrons, le gouvernement espère en vain que le système s’autorégule.

Des pistes de solutions

S’agissant de l’évasion fiscale, il serait raisonnable de taxer à hauteur de 30% les avoirs dissimulés dans les paradis fiscaux. D’autres spécialistes préconisent d’aller jusqu’à 50%, comme le font d’ailleurs les États-Unis. Le produit d’une telle taxe d’assainissement fiscal serait pour l’Europe de 667,5 milliards d’euros et pour la France de 66 milliards d’euros au moins. Cela correspond à 5 milliards de plus que le budget 2012 de l’Éducation nationale. S’ajoute à cela l’imposition des revenus issus des fonds rapatriés en France, dont le rendement est évalué à 15 milliards d’euros annuels. Ce type de mesures permettrait de limiter sérieusement la fraude fiscale et serait une manière efficace d’augmenter les recettes de l’Etat sans austérité.

Par ailleurs, défendre l’interdiction des activités dans les paradis fiscaux c’est mettre en place les pressions nécessaires, telles qu’un retrait des licences bancaires pour les banques jugées non coopératives. Les banques suisses ne peuvent pas se permettre de perdre leur accès aux marchés français. Les Etats-Unis ont déjà appliqué ce type de menaces en 2009, en obligeant la banque UBS à lui donner 4450 noms de ses clients américains (pour une valeur des dépôts équivalente à 18 milliards de dollars), occasionnant du même coup une dénonciation spontanée d’environ 15 000 personnes ayant des comptes dans une soixantaine de pays.


Sandro Poli

16 Jul 14:57

Drame de Brétigny ; chacun vaut’tour.

by Maëster

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VautoursBretigny001

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Certains commentateurs confondant ce blogue avec une tribune ouverte

à tous (et à toutes les idées), et afin de leur rappeler qu’il s’agit avant tout

d’un blogue d’humour et d’humeur (de préférence la "bonne"), j’ai décidé

de fermer les commentaires sur cet article. Inutile donc de venir répandre

encore vos peurs, vos fantasmes et vos sous-entendus anxiogènes. Merci.

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Classé dans:Actu qui tue
16 Jul 14:57

Catastrophe de Brétigny : Ken Loach nous avait prévenus

by Noël Mamère
La catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge est un drame partagé par tous les Français. Les six personnes décédées sont mortes parce qu’elles faisaient un geste banal : prendre leur train pour revenir du travail ou partir en vacances. Elles ont été piégées, prisonnières de wagons transformés en un amas de tôle.


16 Jul 14:57

Près d'un Français sur trois vit à découvert

by Napakatbra

 Lepoint.fr - Seuls 35 % des Français ne vont jamais au-delà de leur découvert bancaire autorisé, tandis que 28 % sont dans le rouge tous les mois.

en lire plus

16 Jul 14:16

Portugal : “La crise accroît le nombre d’homicides”

Le nombre d’homicides augmente au Portugal, écrit Jornal de Notícias, précisant que les signes alarmants sont apparus en 2012, mais que “la tendance s'est poursuivie au cours du premier trimestre de cette année, avec une augmentation de 20%”.

71 homicides ont été recensés dans le pays depuis le début de l’année 2013, c’est à dire huit de plus qu’entre janvier et la fin du mois de juillet 2012.

Alors qu’une source au parquet explique que la crise provoque “des conflits plus importants dans les foyers”, un spécialiste membre d’une association de soutien psychologique assure dans le quotidien que le Portugal vit “une dictature financière, et les gens ont perdu espoir que les choses changent. Les problèmes financiers s’accumulent et empirent. Les gens deviennent désespérés et sombrent dans la violence”.

16 Jul 14:14

Mais D'où Peut Donc Bien Venir Que Tous Ces «Tabous Ont Sauté»?

by Sébastien Fontenelle

 

L’autre jour, à la TV, y avait un débat sur «les antifascistes», auquel participait notamment un certain Joseph Macé-Scaron, de chez l’hebdomadaire Marianne, qui a dit comme ça que «le problème aujourd’hui, c’est la porosité totale» entre une partie de la «droite traditionnelle» et l’extrême droite.

 

Puis de préciser, d’un ton désolé : «Les tabous ont sauté.»

 

Puis de répéter: « En dix ans, les tabous ont sauté.»

 

Avec le résultat que des gens de l’UMP disent désormais couramment les mêmes vilenies que les Pen.

 

Et cela est tout à fait vrai, et Joseph Macé-Scaron a tout a fait raison.

 

Dans un livre paru en 2002, Daniel Lindenberg avait d’ailleurs pronostiqué cette «levée générale des tabous» (1), impulsée par celles et ceux qu’il appelait, non sans perspicacité, «les nouveaux réactionnaires».

 

Mal lui en prit: cela lui valut de se faire agonir par les clercs d’haut niveau dont il osait pointer la divagation droitière.

 

L’Express publia, une semaine après la sortie de l’ouvrage, une tribune collective dénonçant, ne t’esclaffe pas, une « dénonciation ignominieuse, menée avec des moyens qui rappellent les plus beaux jours du stalinisme» - et Le Point ne fut bien sûr pas en reste, qui mobilisa pour l’occasion le fameux chasseur de communistes Jean-François Revel.

 

Mais c’est (de très loin) Le Figaro qui fut le plus assidu dans cette dégueulasse «entreprise de disqualification» (2) de Lindenberg - à laquelle «les deux responsables des pages “débats et opinions“» de cette digne publication consacrèrent «plus d’une vingtaine de papiers (dont une quinzaine de tribunes ou entretiens)» (3), pour un lynchage en règle où fut convoqué le ban et l’arrière-ban de la cléricature «mal-pensante».

 

Le 14 novembre 2002, par exemple, ces deux éminents professionnels publièrent un long entretien avec Alain Finkielkraut – qui avait chez eux un rond de serviette à son nom -, pour communier avec lui dans la dénonciation de «la pensée 68» (présentée sans rire comme «notre dernier tabou»), puis dans le constat qu’«Orwell avait raison de déplorer que la gauche fût toujours antifasciste mais rarement antitotalitaire», puis (bien sûr) dans le regret que les «intellectuels» soient encore trop peu nombreux «à dénoncer les positions antirépublicaines d’un certain nombre de représentants de l’islam».

 

En somme: les deux responsables des pages «débats et opinions» du Figaro se sont beaucoup démenés, il y a dix ans, pour ostraciser – disons comme ça – l’impudent auteur qui avait eu le front de s’alarmer d’une droitisation du débat public.

 

Pour le dire autrement: les deux responsables des pages «débats et opinions» du Figaro ont été, il y a dix ans, à la pointe du combat pour la levée générale des tabous dont Joseph Macé-Scaron déplore aujourd’hui les effets, lorsqu’il constate, accablé par tant de malheur, qu’ «en dix ans, les tabous ont» effectivement «sauté».

 

Dans l'intervalle: tout le monde a eu le temps d'oublier que l’un des deux responsables des pages «débats et opinions» du Figaro – et le plus gradé, en vérité – était à l’époque un certain Joseph Macé-Scaron.

 

 

 

 

 

(1) Le rappel à l’ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires, Seuil, 2002.

(2) Les intellectuels de médias en France, L’Harmattan, 2005.

(3) Idem.

 

 

 

 

 

 

Mardi, 16. Juillet 2013 - 12:30
16 Jul 14:10

L'industrie pharmaceutique va gagner 150 millions par an grâce à la suppression des vignettes des médicaments

by Claude-Marie Vadrot

La disparition des vignettes figurant sur chaque boîte de médicaments qui devait se faire dans l'indifférence générale le premier juillet dernier a été reportée à une « date ultérieure ». En dépit des discrètes mais fortes protestations des gros laboratoires pharmaceutiques qui insistent depuis des années pour une opération qui devrait lui procurer entre 150 et 200 millions d'euros d'économie par an. Dans le projet retardé, dont le nom de code est Datamatrix, cette vignette sera remplacée par un code-barre (...)

- Sur le vif
14 Jul 14:59

FLASH ♦ Discours du 14 juillet : Hollande annonce que la réforme des retraites passera par "un allongement de la durée de cotisation"

by POI
Monolecte

La purge, toujours les jours fériés, pendant les vacances et la réponse... attendra la rentrée des classes.
On n'aurait pas comme un gros problème de timing, là?

François Hollande a affirmé ce dimanche midi que, concertation ou pas, la réforme des retraites passera par "un allongement de la durée de cotisation" pour bénéficier d’une retraite au taux plein. Ceux qui voudront ou surtout pourront partir avant, subiront en conséquence une diminution sensible de leur pension – une décote actuellement fixée à 2,5% […]
13 Jul 13:34

"Dans cette crême chantilly, j'ai senti une touche féminine"

Article - observatoire :
Stéréotypes sexistes dans "Qui sera le prochain grand pâtissier?", la nouvelle émission télé-réalité de pâtisserie de France 2 ? C'est ce que dénoncent plusieurs associations féministes ...
13 Jul 10:29

Des milliers de Chiliens manifestent contre les inégalités

Des dizaines de milliers de manifestants ont protesté contre les inégalités au travail et dans le système éducatif à Santiago du Chili, jeudi 11 juillet, à l’appel des syndicats et des étudiants. Ce mouvement se situe dans le cadre d’une mobilisation nationale à quatre mois de l’élection présidentielle.

13 Jul 10:23

Guide pour les alliés masculins

by hypathia
J'ai trouvé ce texte sur le site Deep Green Resistance, site d'écologie radicale qui lutte contre toutes les formes d'oppression, celle des femmes aussi, et qui veut mettre fin au suprémacisme humain sur la planète, entendez le suprémacisme patriarcal, puisque les deux se confondent. J'ai trouvé intéressant de le verser au dossier. Évidemment, j'entends déjà d'ici les tenants de Luc Ferry et de Jean-Christophe Rufin râler : rappelons que le râle est le bruit émis par les mourants sur leur lit de mort, ce qui est un bon signe si on se positionne autrement et ailleurs qu'eux. Selon eux (évidemment tous les arguments qui suivent sont faux et spécieux puisque tout progrès humain bénéficie nécessairement à tout le monde), donner des droits aux noirs au XIXème siècle, c'était en retirer aux blancs, donner des droits aux femmes, c'est FORCEMENT pour les conservateurs en retirer aux hommes, et enfin en donner à la nature ou en tous cas la protéger de l'avidité humaine, c'est en retirer définitivement aux mêmes ! Sacrilège ! La plus belle créature de dieu (e?), rendez-vous compte, quel affront ! Voici la traduction (évidemment, je publie ce texte avec leur accord) de Male Ally Guidelines :


Guide pour les alliés masculins
(Développé par les alliés hommes de Deep Green Resistance Group, avec l'aide des femmes des Women's Caucus.)

Introduction
En tant que classe, nous, hommes, avons développé une position de force dans le système de pouvoir appelé patriarcat, en vue de naturaliser l'exploitation du corps des femmes, de leur travail, de leur temps, de leurs enfants, etc... Le partriarcat consiste en un système coordonné de structures sociales, économiques, politiques, légales et culturelles conçues pour opprimer les femmes au profit des hommes. Ce système pourvoit les hommes en privilèges dans chacun des aspects de leur vie ; nous en sommes les bénéficiaires directs. En tant qu'hommes, nous confondons souvent ces privilèges avec des droits naturels.

Ce n'est pas assez pour nous d'être de « bons garçons ». Ce n'est pas assez de nous interdire personnellement d'exploiter les femmes. Ce n'est pas suffisant d'être consciencieux et respectueux des femmes. Ce n'est pas assez d'entretenir l'égalité dans nos relations avec les femmes. Toutes ces choses sont importantes, mais s'abstenir en personne d'un comportement notoire d'oppression des femmes n'affronte pas le patriarcat en tant que système de pouvoir. La décence commande que nous travaillions avec les femmes à déraciner et démanteler entièrement ce système, entre nous, entre groupes et communautés, dans toutes les institutions et la culture au sens large.

Les lignes suivantes sont destinées à encourager les activistes hommes du mouvement DGR à changer leur comportement pour mieux s'allier aux femmes. En tant qu'activistes mâles, nous avons été socialisés dans une culture de domination, et nous sommes juste capables de porter, pratiquer et reproduire le patriarcat. Souvenez-vous : être un allié est un processus au long cours plutôt qu'un titre à posséder ; il doit toujours être défini par les femmes qui détermineront quelles actions et comportements quotidiens feront qu'un homme est un réel allié.

GUIDE 

1 – Apprends à être silencieux, retiens ta parole, sois humble et écoute la voix des femmes. Sois conscient des subtiles façons qui te permettent de dévaluer les femmes et de les traiter injustement. 
2 – Écoute ce que les femmes disent. Accuse réception de ce qu'elles disent et réponds de façon appropriée. Respecte les femmes assez pour ne pas être d'accord avec elles, plutôt que de prétendre adhérer à une chose avec laquelle tu es en désaccord ; quand tu es d'accord, dis-le.
3 – Nous devons suivre le « lead » des femmes et donner priorité aux questions mises en avant par les femmes et tout ce qui les concerne. La culture où nous voulons aller sera centrée sur les femmes : nous devons aller dans cette direction nous-mêmes. Donnez priorité à avoir les femmes en position de pouvoir, priorité à générer de nouvelles femmes leaders. Cela implique de reconnaître comment les femmes leaders sont objectifiées et tenues au silence, et d'avoir zéro tolérance envers une telle attitude.
4 – Il n'est pas approprié que nous parlions d'autorité sur des sujets que les femmes expérimentent directement. En tant qu'hommes, nous ne devons ni ne pouvons comprendre ces expériences. Si nous devons parler sur ces sujets, ce sera seulement après les femmes ou si les femmes nous le demandent, jamais selon notre propre perspective.
5 – Nous devons nous défier de notre propre comportement patriarcal, telles ces façons de faire taire ou de dévaluer les femmes, d'utiliser d'un langage patriarcal (comme des discours de haine, des plaisanteries basées sur l'humiliation et la dégradation, et de s'identifier par des généralités telles que « l'Homme », « homme au travail », l'homme en tant que référence universelle, etc...
6 – Ne soyez pas client de la pornographie ni de la prostitution. Libérez votre sexualité des structures patriarcales capitalistes qui exploitent les femmes. Donnez de la voix contre l'industrie exploiteuse du sexe.
7 – Ne vous comportez pas en « ayant-droit ». Les femmes ne doivent rien aux hommes, y compris un sourire, une conversation, une étreinte ou une relation, aucune intimité d'aucune sorte. Les hommes n'ont pas le droit de prendre l'espace des femmes au détriment de leur confort et de leur frontières personnelles.
8 – Combattez les comportements sexistes des vos amis, familles, associés et alliés politiques. Mettez un terme aux relations masculines qui encouragent et pratiquent le sexisme. Nous n'avons pas besoin de permission pour interpeller les autres hommes sur les comportements patriarcaux; c'est notre responsabilité de base. Interpeller les hommes dans leurs espaces et groupes exclusifs est une priorité.
9 – Le « mansplaining » n'est pas toléré. Par ceci, nous entendons toute parole masculine arrogante, hautaine et condescendante, ainsi que tout autre façon de parler de manière autoritaire ou de mettre la parole masculine sur un piédestal.
10 – Bien que le patriarcat fasse du tort aux hommes d'une certaine façon, sa cible intentionnelle ce sont les femmes. Ainsi, bien que nous puissions nous sentir blessé par la masculinité, nous ne sommes pas opprimés par celle-ci. 
11 – Nous devons nous familiariser nous-mêmes sur les questions affectant les femmes, et sur la théorie et l'histoire féministes. Nous ne devons pas nous attendre à être biberonnés en matière de féminisme.
12 – Dans la culture dominante, les hommes sont les perpétrateurs de harcèlement et de violence. De nombreuses femmes sont les survivantes de cette violence – des études estiment que pratiquement 1/3 des femmes ont été sexuellement agressées ou battues par des hommes, et beaucoup de femmes estiment que ces chiffres sont sous-estimés. Il n'est donc pas de la responsabilité des femmes d'assurer que les hommes des environs sont en sécurité. 
13 – Nous ne sommes pas là pour sauver les femmes. Nous ne sommes pas là pour être des héros. Nous ne sommes pas là pour être des protecteurs des femmes, les femmes peuvent se protéger elles-mêmes. Notre travail n'est pas de protéger les femmes, il est de respecter leurs souhaits et de travailler en solidarité avec elles pour démanteler le patriarcat. Si nous endossons ces rôles contre les souhaits des femmes impliquées dans une situation donnée, nous franchissons les limites. 
14 - Le guide ci-dessus représente une base pour un comportement acceptable. En suivre les prescriptions n'est pas exceptionnel, et ne mérite pas de récompense. En revanche, choisir d'ignorer les comportements sexistes sera considéré comme un acte de collaboration avec la culture masculine dominante. 

Lien supplémentaire : Les hommes et les masculinités dans les mouvements d'émancipation des femmes
13 Jul 10:20

Un Boeing 787 d'Ethiopian Airlines en feu à l'aéroport d'Heathrow

by M.C. avec Reuters
Nouvelle série noire pour le Dreamliner en Grande-Bretagne. Un Boeing 787 de la compagnie Ethiopian Airlines, qui ne transportait aucun passager, a pris feu vendredi sur une piste de l'aéroport londonien d'Heathrow. Puis quelques heures après, un autre 787 a été obligé de se reposer à Manchester après "un incident technique".
13 Jul 09:48

Une usine d’aluminium de Maurienne reprise par un groupe allemand

10 Jul 12:37

Nouvel accord avec la Troïka : ce que la Grèce prend et ce qu'elle donne

by Laure-Lou Piguet
Les nouvelles négociations avec la Troïka ont abouti ce lundi à un accord qui devrait permettre le versement par étapes d'une tranche d'aide de 6,8 milliards d'euros. Une aide plus basse que prévue, obtenue au prix de dizaines de milliers de licenciements.
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Matthias Morse et Klaus Masuch
(Photo Louisa Gouliamaki. AFP)

Les concertations de la semaine dernière avec les bailleurs de fonds de la Grèce ont finalement abouti ce lundi à un accord en deux phases : la mise en disponibilité, ou mobilité, de 12.500 fonctionnaires fin juillet et fin septembre, et de 12.500 fonctionnaires supplémentaires en fin d'année.


Retrouvez notre dossier :
Crise et austérité en Grèce : une histoire sans fin ?


La mesure a déjà suscité des réactions après l'annonce la semaine dernière de la mutation des policiers municipaux dans le corps de la police hellénique. 15.000 fonctionnaires devront être licenciés fin 2014.

L'impôt sur les grandes fortunes devait être mis en œuvre à partir de 2014. Dès cette année, il s'appliquera aux bateaux, voitures à grosses cylindrées et piscines. Certaines exceptions et régimes favorables aux entreprises et professions libérales, qui étaient de mise jusqu'à maintenant et privaient l'Organisme d'assurance des professions libérales de ressources importantes, seront supprimés. Les retraites et salaires de l'armée ne seront pas touchés. Mais ce coût sera équilibré par des coupes dans les programmes d'armement.

Pour combler le trou de l'assurance sociale, une série de mesures structurelles seront prises, comme le « claw back » ou coupe des dépassements de dépenses estimées par l'État pour les cliniques privées et les centres de dépistage. D'ici le 15 juillet, la Banque postale et Proton Bank devront être cédés.

Les entreprises publiques de l'industrie de la Défense, qui emploient environ 2.400 personnes, seront appelées à licencier après que les trois entreprises de cette branche (aéronautique, véhicules et systèmes de défense) auront fusionné. Enfin, dès 2014, la taxe foncière sera étendue aux terres agricoles.

10 Jul 12:36

Vitesses apaisées en ville : un observatoire des bonnes pratiques est créé (10/07/2013)

Le Certu et le Cete de l'Ouest ont créé un outil de partage d'expériences, sous la forme d'un site web, intitulé l'Observatoire national de l'apaisement des vitesses en ville (ONAV). Les projets de zones 30, zones de rencontres ou d'aires piétonnes pourront ainsi être mutualisés au sein de la communauté des acteurs de l'aménagement public. « Par cet outil il s'agira de mieux faire connaitre la richesse et variété des multiples projets, en plein développement, d'apaisement des vitesses dans nos villes et villages» explique le Certu dans un communiqué à propos de cet observatoire, officiellement créé à l'occasion de la journée « Une voirie pour tous » organisée à Nantes le 27 juin dernier. Le site Internet sera administré par le CETE de l'Ouest ; les contenus proviendront à la fois des informations recueillies par le Certu et les Cete, mais également par les collectivités elles-mêmes.  


10 Jul 12:36

La France dépense moins que les autres pays riches en matière d'éducation

by Laurent MUCCHIELLI

pas_glop.jpgSur 14 pays de l’OCDE comparables, la France est au dernier rang en matière de dépense par élève au primaire, au 11e rang pour l’enseignement supérieur et au 7e pour le secondaire (collèges et lycées), comme l’indique le rapport « Regards sur l’éducation 2013 », de l’organisation internationale. Pour comparer le niveau d’investissement scolaire de la France au reste des pays riches, la moyenne de l’ensemble de l’OCDE n’a pas de sens : on met ensemble la France, le Chili, la Turquie ou le Mexique. Nous n’avons donc gardé que les pays les plus peuplés et les plus riches de cet ensemble.
Si l’on observe la dépense d’éducation rapportée à la richesse nationale, la France arrive en 9e position sur 14, avec 6,3 % du Pib. C’est beaucoup moins qu’au Danemark (8 %) ou en Norvège (7,6 %), mais l’indicateur est peu significatif. Pour mesurer l’investissement du pays dans le domaine de l’éducation, il faut tenir compte du nombre d’élèves à chaque niveau. On peut tirer trois leçons des chiffres de l’OCDE. D’abord, le constat est désormais largement admis : l’enseignement primaire est très nettement sous doté en France. Notre pays consacre par an deux fois moins à un élève de primaire (6 600 dollars) que la Norvège (12 200). La France est bonne dernière de la liste, notamment parce que les enseignants à ce niveau sont les plus mal payés des pays riches. Dans certains pays, les enseignants disposent de davantage de personnels de soutien, comme c’est d’ailleurs le cas en maternelle en France. La prime de 400 euros qui sera versée par le gouvernement ne changera en rien la situation.

Illustration : lesmusesdunet.joueb.com

10 Jul 12:33

« On ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies »

by Deborah
Projet " Modulife" d'habitat économe en énergie. Crédit : Philippe Bovet

Projet « Modulife » d’habitat économe en énergie. Crédit : Philippe Bovet

Olivier Silder et Philippe Bovet, deux spécialistes de l’énergie et de l’habitat viennent de publier l’ouvrage «  Bâtiments performants. Des constructeurs relèvent le défi du réchauffement climatique » aux éditions Terre Vivante. Philippe Bovet a répondu aux questions d’Univers Nature sur l’enjeu que représente l’habitat dans la transition énergétique.

1/ Qu’est ce qui vous a motivé à écrire cet ouvrage ?

D’abord la rencontre avec Olivier Sidler, un des énergéticiens les plus compétents d’Europe et un excellent pédagogue pour toutes ces questions énergétiques. Ensuite connaître ces décideurs qui ont compris que la donne énergétique avait changé et qu’on ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies.

2/ Sur quels critères avez-vous sélectionné les bâtiments ?

Des critères essentiellement géographiques, afin que nous n’ayons Olivier et moi-même peu à nous déplacer. Tous les entretiens ont eu lieu dans un triangle Paris-Valence-Mulhouse. Olivier habite dans la Drome et moi à Bâle. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’exemples intéressants en Bretagne ou à Toulouse, mais pour nous cela évitait des déplacements inutiles et nous permettaient aussi d’être cohérents en matière d’énergie et de transports.

3/Quels sont les freins actuels à lever pour favoriser la transition énergétique dans ce secteur ?

Comme je l’explique dans l’introduction, la forte inertie des mentalités entraine une certaine difficulté pour mettre en place le changement. Aussi, on relève des freins réglementaires comme la garantie décennale (qui protège pendant 10 ans après la livraison l’acquéreur contre tout vice de construction) qui opère comme un frein à l’innovation, des freins liés à à la formation et au manque de compétences de certains corps de métiers ainsi que des difficultés de financement.

4/ Quel projet a particulièrement retenu votre attention ? Pourquoi ?

Tous sont intéressants car différents. De la maison individuelle rénovée à l’immeuble neuf de bureaux à énergie positive de la ZAC de Bonne. Cette diversité montre qu’un changement est possible dans tous les secteurs du bâti et rapidement si on le veut et si on s’en donne la peine.

5/ En moyenne, quel est le surcoût pour construire des bâtiments basse consommation ?

On doit ne pas parler de surcoût, mais de surinvestissement, mais avoir ensuite des factures énergétiques plus faibles. Il y a de multiples surcoûts acceptés et jamais remis en cause, comme les places de parkings en grande partie inutile dans les centres urbains bien desservis par les transports en commun. Ou encore une entrée d’immeuble en marbre, alors que d’autres matériaux peuvent être choisis. Et au delà, le dérèglement climatique nous oblige à agir. Quand quelqu’un se noie et qu’on doit lui jeter une bouée, on ne discute pas du prix de celle-ci.

 6/ C’est quoi pour vous un bâtiment intelligent ?

C’est avant tout un bâtiment low-tech (et non high-tech) performant. Il ne faut empiler les systèmes énergétiques et avoir des bâtiments complexes.

7/ La prochaine RT 2020 qui généralisera le Bepos est-elle une réponse suffisante pour atteindre les objectifs de réduction de CO2 fixés par la France ?

Absolument pas puisque nous émettons du CO2 selon 4 axes: l’habitat, les transports, les achats et les déchets. Le bâtiment n’est donc qu’un des 3 secteurs. De plus le bâtiment neuf ne représente qu’1% du parc annuel de logement mis en chantier, il faut absolument s’attaquer à la rénovation du parc existant.

 

10 Jul 12:12

Toi aussi, sois sportive et top model, ma fille

by Emanu124

Sexisme ordinaire un soir de finale, un journaliste de la BBC commente non pas la victoire de Marion Bartoli à Wimbledon, mais son physique "atypique" pour être gentille.

Le journaliste, lui a été plus cash en direct.

Il s'est excusé après coup mais le mal était fait.

Comme d'habitude.

Et si ce n'était que la première fois, mais non. Tous les ans à Roland Garros, nous avons le droit au journaliste télé qui lâche le sempiternel "et notons la très jolie tenue de cette superbe jeune femme...."

(je parle de Roland Garros parce que c'est un des rares évènement sportifs que je regarde, mais je suppose que c'est pareil ailleurs).

....

A chaque fois, je pique une crise toute seule devant ma télé devant cet amoncellement de crétinerie.

Qui signifie que

1/ Une femme doit être sexy pour réussir. Donc une femme en général et une sportive en particulier doit être en plus blonde avec de longue jambes sinon elle n'est pas une vraie championne.

2/ Elle doit en plus porter une tenue sexy pour mettre ses longues jambes en valeur, c'est mieux.

3/ Si elle pouvait faire une petite gâterie en prime au commentateur ce serait bien en prime.

 

Certes un physique avenant est un plus dans la vie, ne nous voilons pas la face. Mais ce qui est particulièrement exaspérant c'est qu'on entend rarement des commentaires sur les jolies fesses rebondies du bogosse en short dans les commentaires sportifs.

Peut-être aussi parce qu'on compte les femmes sur les doigts de la main dans cette profession.

La femme doit être sexy en tenue de sport et ne sait pas parler de basket ou de hockey sur glace, tout le monde le sait.

 

Pour revenir au physique "atypique" de Marion Bartoli, il l'est, pour une sportive. Un peu bouboule, pas très gracieuse, et pas très avenante, non plus. 

Ca ne l'a pas empêchée de gagner Wimbledon. C'est tout ce qu'on lui demande. Pas de poser en maillot de bain en couverture de Vogue. 

Pour retourner le problème est-ce qu'on demande à Andy Murray, qui a gagné chez les hommes d'être un canon international ?

Non. Et pourtant. Si on veut aller sur ce terrain, il y aurait à dire : un dirait un croisement de hobbit et de girafe qui aurait grandi trop vite.

Et en prime il perd ses cheveux.

Pas super glamour, le gars.

Pourtant, lui ne peine pas à trouver un équipementier qui le sponsorise, à la différence de Marion Bartoli, qui, jusqu'à il y a deux ans peinait pour trouver des sponsors, malgré son classement bien supérieur à d'autres joueuses françaises moins douées, mais plus photogéniques. Son caractère un peu particulier n'explique pas tout, voir ici

Je n'ai rien contre les sportives sexy, bien au contraire, une jolie fille c'est toujours agréable à regarder.

Mais j'en ai un peu ma claque qu'au 21ème siècle on évalue ENCORE plus les femmes en fonction de leur physique que de leurs capacités intellectuelles ou physiques.

Dans le sport en particulier, et tous les autres domaines en général. 

Sinon je peux aussi dire que tous les commentateurs sportifs sont des gros blaireaux incultes et bas du front.

Je suis sexiste du journaliste sportif.

40 partout, service à suivre.

IMG_1868.jpg

(Un commentaire sur la tenue de Novak, peut-être ?)

(la photo est de moi à Roland Garros l'année dernière c'est pour ça qu'elle est prise d'un peu loin)

10 Jul 08:00

L’ère de l’espionnage personnel : un déni de nos libertés fondamentales

by gauchedecombat

7449249trou-de-serrure-et-oeil-jpgRésumons. Les révélations de Snowden (dont on apprend qu’il aurait accepté la proposition d’asile Vénézuélienne, ce qui j’en profite au passage ne grandit pas franchement l’attitude de la France à son sujet…) nous ont appris, enfin à nous, commun des mortels, que les USA avaient un programme, Prism, dont la vocation est d’opérer un espionnage à l’échelle mondiale. Vous connaissez pour la plupart d’entre vous la suite, les gouvernements européens se sont empressés de jouer les vierges effarouchées en hurlant au scandale et  en exigeant officiellement des explications de la part du gouvernement américain que l’on attend toujours… Sauf que. Première puce à l’oreille, le fait qu’ils ne remettent absolument pas en cause les négociations sur le libre échange entre les états unis et l’Europe. Deuxième puce à l’oreille, nous avons appris depuis que les pays européens ne sont pas en reste, puisqu’ils développent le même type de dispositifs. Voici une infographie qui nous montre comment la France intercepte l’ensemble de nos communications personnelles, qu’elles soient sous la forme de mails, de coups de téléphone, ou de fax :

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source : Le Monde

Et donc, à partir du moment où l’on sait tout cela, je constate que non seulement cela ne crée aucune polémique particulière d’une ampleur perceptible, mais que de plus ces informations semblent  tomber dans un océan sinon d’indifférence générale, du moins dans une marre de fatalisme assez exaspérant à mes yeux. Et puisque mes concitoyens semblent si bien s’incommoder de ce genre de violation manifeste de nos libertés fondamentales sans qu’ils ne se donnent la peine de réagir, je ne vois pas pourquoi j’irais me commettre dans une lutte perpétuelle pour la défense des droits humains les plus basiques, comme je l’ai toujours fait, sans que mes concitoyens ne se joignent plus activement à ma propre indignation. J’ai donné, et plus que de raison. J’ai en effet passé l’âge de me battre seul contre des moulins à vent. J’ai pu avoir dans le passé des velléités de me prendre pour la réincarnation de Don Quichotte himself, comme me l’ont assez reproché mes amis et mon entourage, mais tout cela est bien fini. J’ai donc envie de dire et d’écrire,  non par dépit mais par simple pragmatisme, que je devrais me satisfaire plus aisément de voir mes congénères se laisser plumer jusqu’à leur plus substantifique moelle, et que moi, en pur égoïste que je ne suis pourtant pas, je vais aller cultiver mon jardin. Ou plutôt, comme je n’en ai pas (ou plus depuis peu), me contenter de rénover mon petit appartement pour en faire ma bulle à moi, mon petit cocon bien douillet. Dont je m’extrairai de temps à autre pour accomplir quelque voyage qui me faisait rêver depuis longtemps…. Et vous, allez vous faire f…. (censuré) voir chez les grecs. Plus mon problème.

 

Annexe :

Soutenons le Venezuela et les Latino-Américains qui reprennent le flambeau laissé à terre par les gouvernements européens

 

En révélant par le menu l’ampleur du dispositif planétaire d’espionnage des Etats-Unis, et les menaces qu’il fait courir aux libertés des citoyens, Edward Snowden a rendu un grand service à tous les défenseurs des droits de l’homme, quel que soit le continent où ils se trouvent. Compte tenu des énormes risques personnels qu’il a pris, son attitude mérite la reconnaissance et le respect.

C’est pourquoi on aurait attendu des gouvernements européens, principales cibles – et d’ailleurs désignées comme telles – de la National Security Agency (NSA), qu’ils répondent favorablement à la demande d’asile politique formulée par ce lanceur d’alerte désormais traqué par tous les services de renseignement des Etats-Unis. Malheureusement, en s’alignant de fait sur l’administration Obama, aucun d’entre eux n’a jugé bon de mettre ses actes en accord avec les principes qu’il proclame dans les forums internationaux, et qui figurent d’ailleurs dans les textes de l’Union européenne.

En répondant favorablement à la demande d’asile humanitaire que lui a officiellement soumise le dissident américain Edward Snowden – et comme Evo Morales, pour la Bolivie, et Daniel Ortega, pour le Nicaragua, avaient également par avance accepté de le faire –, le président vénézuélien Nicolas Maduro et, avec lui, l’Amérique latine ont repris le flambeau laissé à terre par les gouvernements européens.

Dans le combat qui s’annonce pour la liberté et la sécurité d’Edward Snowden, nous appelons les citoyens européens et, en particulier, les responsables politiques, associatifs et syndicaux, à signer cet appel pour affirmer leur solidarité avec les forces et les dirigeants progressistes latino-américains, et tout particulièrement avec le président Maduro.

POUR SIGNER CET APPEL

 


LISTE DES PREMIERS SIGNATAIRES

 


  • Manuel Castells, professeur et directeur de l’Internet Interdisciplinary Institute à l’Open University de Catalogne, Barcelone (Espagne).
  • Susan George, écrivain, présidente du Conseil d’administration du Transnational Institute (France)
  • Ignacio Ramonet, président de Mémoire des luttes, directeur du Monde diplomatique en español (Espagne)
  • Carmen Castillo, cinéaste, écrivain (France)
  • Jean-Luc Mélenchon, député européen, co-président du Parti de gauche (France)
  • Maite Mola, responsable internationale du Parti communiste d’Espagne (Espagne)
  • Gianni Vattimo, philosophe, député européen (Italie)
  • Micol Savia, avocate, représentante de l’Association internationale des juristes démocrates auprès des Nations Unies, Genève (Suisse)
  • Bernard Cassen, président d’honneur d’Attac et secrétaire général de Mémoire des luttes (France)
  • Teresa Carballeira, professeur de droit public, Université de Saint-Jacques de Compostelle (Espagne)
  • Noël Dolla, artiste peintre (France)
  • Margarita Ledo, professeure, Université de Saint-Jacques de Compostelle (Espagne)
  • Francis Wurtz, député européen honoraire (France)
  • Françoise Alamartine, secrétaire nationale adjointe en charge des relations internationales de Europe Ecologie Les Verts (France)
  • Roberto Savio, fondateur de l’agence IPS (Italie)
  • Gus Massiah, membre fondateur du Cedetim/Ipam (France)
  • Denis Duclos, philosophe, directeur de recherches au CNRS (France)
  • Santiago Alba, écrivain (Espagne)
  • Armand et Michèle Mattelart, professeurs, essayistes (France)
  • Pierre Conesa, maître de conférences à Sciences Po Paris (France)
  • Pouria Amirshahi, député (France).
  • Juan Torres, économiste, Université de Séville ( Espagne)
  • Francisco Jarauta, philosophe, Université de Murcie ( Espagne)
  • Salim Lamrani, maître de conférences à l’Université de la Réunion (France)
  • Lina Galvez, Université Pablo de Olavide, Séville (Espagne)
  • Pascual Serrano, journaliste, essayiste (Espagne)
  • Ricardo Garcia Zaldivar, économiste, Université Carlos III Madrid (Espagne)
  • Christophe Ventura, rédacteur en chef de Mémoire des luttes (France)

 


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10 Jul 07:54

Justice : Les minces filets des lanceurs d'alerte

by Editor

 

Sans eux, nombre d'affaires judiciaires récentes n'auraient pas vu le jour. Mais le législateur renâcle à les protéger des foudres de leurs employeurs.

 

Dans la chaleur de l'été débutant, les grandes lois promises par le gouvernement après le scandale Cahuzac arrivent devant les chambres du Parlement. Et subissent une légère fonte.

 

Lire: Le verrou de Bercy, garant du renseignement fiscal

 

Dernière exemple en date, l'abrogation, par les Sénateurs, d'un amendement au projet de loi sur la transparence de la vie publique, destinée à protéger les lanceurs d'alerte de l'administration.

 

Dans les faits, l'article 40 du code pénal décrit que «Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.» Mais le fonctionnaire ou le vacataire de l'administration, après avoir signalé de possibles errements qu'il a aperçu ou seulement subodorer, peut subir les foudres de ses supérieurs après un tel signalement. Placardisations, blâmes voire carrément fin de contrat: les possibilités, multiples, ne sont guère de nature à inciter l'employé de l'Etat à témoigner de malversations de l'administration.

 

«Les conflits d'intérêt ne sont pas des infractions pénales»

 

L'article 17 de la loi sur la transparence de la vie publique, tel que voté à l'Assemblée nationale et présenté à la commission des lois du Sénat a souhaité remédier à ce «petit» manquement….en interdisant une quelconque sanction contre qui a relevé la possible existence d'un conflits d'intérêts. Un article que les Sénateurs se sont empressés d'abroger le 8 juillet en pointant que les conflits d'intérêts «ne sont pas des infractions pénales» selon le Sénateur Sueur, rapporteur du texte pour la commission des lois du Sénat. De plus, assure l'élu, « cette disposition s'apparente à celle figurant à l'article 9 septies du projet de loi, actuellement en instance devant le Sénat, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, avec laquelle elle mériterait d'être mieux coordonnée.»

 

 

L'amendement et le Sueur

 

La position de la commission des lois, suivie par le Sénat le 9 juillet en séance, a eu le don d'étonner les associations anti-corruption. «On ne comprend pas bien la position des sénateurs, assure Sophia Lakhdar, de Sherpa. Avec ce texte, il était possible de mettre un frein à des mesures de rétorsion qui peuvent toucher les lanceurs d'alerte sur des conflits d'intérêts, un volet que ne prend pas en compte la loi sur la fraude fiscale.»  Mais qui touche au premier lieu les hommes politiques, si timides avec la transparence… et laisse à craindre une révision idoine de la protection des lanceurs d'alerte contenue dans le projet de loi sur la fraude fiscale.

 

«Si l'amendement Sueur est honnête, commente le magistrat Eric Alt, membre du conseil d'administration de Sherpa, les lanceurs d'alerte seront mieux protégés qu'auparavant, exception faite de la prévention des conflits d'intérêts». En effet, le texte, adopté à l'Assemblée sur la création d'un super procureur financier assorti d'un renforcement des mécanismes de lutte contre la fraude, instaure une protection du lanceur d'alerte. 

 

«Limiter le champ»

 

Salarié du public ou du privé, «aucune personne ne peut-être» mutée, déclassifiée, licenciée etc… «pour avoir, de bonne foi, témoigné sur des faits constitutifs d’une infraction pénale dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou pour les avoir relatés. » En guise de réconfort, elles seront mises en relation avec le Service central de Prévention de la Corruption, à l'activité fort discrète depuis sa création en 1993.

 

Lire: les aventures extraordinaires de la moralisation de la vie politique

 

S'il ne satisfait pas vraiment les associations anti-corruption, «ce timide filet de sécurité» selon l'expression de Marie Nicole Meyer de Transparency International, «a au moins le mérite d'exister». Pour l'instant… Le texte, qui sera discuté au Sénat le 17 juillet, est encore soumis à débat à la commission des lois du Sénat. Un amendement, déposé par le rapporteur du texte, le Sénateur socialiste Anziani, propose de «limiter le champ des dispositions relatives à la protection des lanceurs d'alerte au signalement des seuls crimes et délits […]et, d’autre part, à prévoir que le signalement ne peut être effectué qu’auprès des autorités judiciaires ou administratives.» Et tant pis si, à l'instar de l'affaire Cahuzac, UBS, HSBC ou BNP Monaco, les «autorités» concernées font les sourdes oreilles? 

 

 

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mer, 10/07/2013 (All day)
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10 Jul 07:52

L'Etat opère un hold-up sur les ressources de la protection de l'eau

Discrètement, l'Etat ponctionne les ressources des Agences de l'eau, en principe destinées à maintenir et à améliorer la qualité du précieux liquide.


L'Eau paie l'Eau. C'est la règle à laquelle l'Etat s'est toujours officiellement attaché. Elle est pourtant aujourd'hui clairement mise en question par l'arbitrage du budget 2014. Et en mettant en cause cette simple règle écologique, les populations les plus défavorisées en seront les premières victimes.

Le gouvernement a décidé de ponctionner les Agences de l'eau pour l'année 2014 à hauteur de 10% de leurs recettes provenant des redevances sur l'eau. C'est 210 millions d'Euros qui iront directement au budget général de l'Etat. Le motif évoqué est la situation financière saine des Agences avec un fonds de roulement qui leur évite pour la plupart de s'endetter. Mais cette situation est une simple situation d'équilibre qui permet d'agir.

Ainsi les conséquences seront multiples

La première est évidemment de mettre en cause le caractère sain de la gestion des Agences, dont on doit se féliciter, au vu des situations financières d'autres institutions.
La deuxième est écologique. Les projets soutenus par les Agences seront diminués. Ainsi l'objectif de rétablissement de l'état écologique des eaux à l'horizon 2020, en respect de la directive européenne cadre sur l'eau ne pourra pas être tenu.

Il en sera de même pour la gestion quantitative de la ressource et l'adaptation au changement climatique. Cela amplifiera les conséquences dues à la baisse des aides des conseils généraux dans ce secteur passées de 164 Millions d'Euros en 2007 à 112 Millions en 2011.

La troisième est économique. L'effet levier des aides des Agences est significatif. Quand une Agence apporte une aide de 1 €, c'est 5 € de travaux qui sont enclenchés. Pour la seule Agence Loire-Bretagne dont je préside le Comité de Bassin, le financement annuel des projets à hauteur de 350 Millions à 400 Millions d'Euros génère 2 Milliards d'Euros de travaux chaque année. C'est 7 à 8000 emplois d'activité qui sont ainsi promus. Emplois qui, de plus, sont non délocalisables.

Enfin, la quatrième conséquence est d'ordre social. Les redevances sont versées en partie par les secteurs économiques industriels et agricoles. Mais elles le sont avant tout et à plus de 80% par les usagers domestiques. Cela veut dire que ce prélèvement qui ne servait qu'à permettre l'amélioration de la qualité de l'eau devient en partie un impôt. Il sera payé par l'ensemble de la population et en particulier par les plus défavorisés.

Ceci va totalement à l'encontre de l'engagement du Président de la République et du Premier Ministre de ne faire payer que les riches pour rétablir l'équilibre financier de l'Etat. Les plus défavorisés y participeront sans pouvoir y déroger, l'eau étant indispensable à la vie.

Comment répondre à cette nouvelle contrainte ?

Seules deux solutions existent : Soit réduire les actions en faveur de la qualité de l'eau, soit augmenter les redevances. Ceci en opposition totale avec les arbitrages pris par le gouvernement à l'automne 2012 pour le lancement des 10èmes Programmes 2013/2018 des Agences.

Variable d'ajustement, l'écologie le restera-t-elle toujours ? Les populations les plus défavorisées continueront-t-elles à en subir les conséquences dans leur vie quotidienne ?

Si l'eau ne paie plus seulement l'eau, c'est malheureusement ce qui perdurera.



Source : Courriel à Reporterre

Serge Lepeltier a été ministre de l'Environnement et est maire de Bourges.

Photo : In-Terre Actif

Lire aussi : Le rapport de Philippe Martin sur l'eau satisfait l'agro-industrie, pas les écologistes

10 Jul 07:44

La cantine des Pyrénées

by Anne-Leïla Ollivier

Cet ancien bar, situé sur la rue des Pyrénées, axe très passant du 20e arrondissement parisien, n'est pas un lieu comme les autres. Sur les vitres, des feuilles A4 disposées en domino servent d'enseigne à cette cantine où l'on sert des menus à 4 euros et organise des ateliers accessibles à tous.

Par Rémy Cattelain {PNG}

A l'intérieur, un comptoir d'un côté, des tables de l'autre. Au fond, la cuisine. Chaque jour de la semaine à midi, on y sert un plat à 2 euros ou un menu à 4 : entrée plat dessert vin rouge café. Le visiteur prend son assiette et s'assied à l'une des grandes tables flanquées de bancs de bois. Au mur, un texte annonce la philosophie du lieu : « Ici ce n'est pas un restaurant : personne n'est payé pour faire à manger, les courses ou le ménage, et il n'y a pas vraiment de bénéfices : l'argent récolté sert à payer les frais, […] l'idée n'est pas de proposer un service, mais de faire tourner un lieu collectif d'entraide, qui serve à plein de gens, à plein de choses. […] Ici, pas de patron, pas de responsable. » L'équipe qui s'active au bar et en cuisine est composée de garçons et de filles de tous âges, l'accueil est simple et sympathique. Aujourd'hui au menu : rouleaux de printemps, riz et légumes, lychees. Une dame explique qu'elle en a trop, qu'elle emporte le reste pour son dîner. « C'est bien cet endroit, je vais leur donner des assiettes. »

Par Anne-Leïla Ollivier {PNG} L'un des « anciens » explique la genèse du projet : « L'idée tournait depuis environ un an et demi, dans différentes bandes : activistes, squatteurs, ou plus axés sur des questionnements théoriques, des très jeunes et d'autres avec de l'expérience. Nos présupposés : une action locale avec l'idée que ce qui s'y passe soit accessible à tout le monde, sans barrières dues aux horaires, à l'argent, ni intellectuelles ou identitaires. On a voulu s'imprégner du quartier et de ce qui existait déjà, plus qu'arriver et appliquer nos schémas – ce qu'on a tendance à faire en tant que militants. » L'une de ses camarades évoque la notion de solidarité de classe : « Ce lieu est une façon de se battre contre l'isolement. Comme on le dit dans notre déclaration collective, nous ne voulons ni compenser les faiblesses de l'État, ni créer une alternative à l'intérieur du système. Ici, il n'est pas question de charité mais bien d'entraide et de solidarité. »

Un texte d'appel a été lancé pour que le projet puisse être discuté collectivement. Au départ, l'équipe voulait louer pour éviter le problème principal des squats : l'expulsion. « On a cherché, mais les prix du marché privé imposent un fonctionnement capitaliste, on ne peut pas se permettre de faire des repas à plus de 4 euros… » Alors, quand des camarades leur annoncent qu'ils ont les clés de ce bar fermé, ils tentent le coup, quitte à négocier avec les propriétaires, une société de gestion immobilière – qui leur envoie illico des gros bras pour les déloger. Ils tiennent la place, la police intervient et applique la loi : on ne peut les mettre dehors sans procédure. « On est allés voir les gars en leur disant que plutôt que de se lancer dans une procédure longue et coûteuse on était prêts à négocier un bail. Ils n'ont pas donné suite et ont préféré engager une procédure. Depuis janvier, il y a eu trois audiences, on gagne du temps grâce aux méandres judiciaires. »

PNG

Chaque semaine, une réunion organise les équipes. Les aliments viennent du marché, d'un magasin discount ou de la récup' aux stands bio de Rungis. Outre la cantine, les ateliers s'organisent : échecs, bricolage, cours de français, ciné-club… Le cours de français est submergé de demandes et de propositions : « Il y a des niveaux très différents, il a fallu discuter d'une “ligne pédagogique”, ça pose des questions sur l'apprentissage, les copains qui s'occupent de ça sont super contents et victimes de leur succès : il a fallu ajouter des cours. On a même appris que certaines institutions sociales nous envoient des gens… »

09 Jul 09:44

Là bas si j'y suis : Ruffin défend Mermet (Fakir)

Monolecte

Quand on grimpe pour secouer le bananier, on doit veiller à garder le cul propre!

Vite dit - suivi :
Affaire Mermet, suite. Après la publication d'un article très critique sur les conditions de travail au sein de l'équipe de Là bas si j'y suis, l'émission de France inter présentée par Daniel ...
09 Jul 09:33

Daniel Mermet & la Boîte de Pandore

by Lémi et JBB

C'est peu de dire que l'enquête d'Olivier Cyran sur les pratiques « managériales » de Daniel Mermet a fait couler de l'encre. En raison de la stature médiatique de ce dernier, bien sûr. Mais aussi parce que derrière ce cas particulier et les débats qu'il suscite se profile une ligne de fracture plus profonde. Retour sur polémique, à l'occasion de la publication sur le sujet d'un papier de François Ruffin.

En un long texte publié il y a quelques heures, le journaliste François Ruffin revient sur ce qu'il appelle ses « années Mermet » – réaction à l'enquête d'Olivier Cyran mise en ligne ici-même et qui a fait couler tant de pixels sur la toile. Ce texte, il nous l'a en effet, comme il l'indique en incipit, proposé avant-hier. Nous avons hésité et pas mal tergiversé, avant de le refuser. Non parce que c'est un mauvais papier ; François est un excellent journaliste (c'est aussi un ami), et cet article, en lequel il se raconte tout autant qu'il évoque Là-Bas si J'y suis (LBSJS), relève dans la forme de la belle ouvrage. Non (plus) parce qu'il y prend la défense de Daniel Mermet : la contradiction des débats est une absolue nécessité quand il s'agit de pointer et dénoncer les actes d'une personnalité publique. Il fallait que Daniel Mermet soit défendu, et c'est une bonne chose que François Ruffin s'en charge.

Alors ? Si nous avons finalement refusé ce texte, c'est qu'il nous semblait ne faire que peu de cas de la souffrance endurée par nombre de ceux qui ont côtoyé plus ou moins durablement le boss de LBSJS. Cette souffrance même qu'Olivier Cyran décrit au long de son enquête documentée, livrant plusieurs témoignages que personne (ni François dans « Mes années Mermet », ni Antoine Chao en un témoignage mis en ligne sur Rue89, ni Yann Guégan dans le retour sur l'enquête qu'il a publié sur ce même site) n'a infirmés ou contestés1. Tout juste est-elle présentée comme un mal nécessaire, pendant du talent de Daniel Mermet. Il faudrait « des hommes spéciaux pour faire des choses spéciales », écrit François Ruffin, ajoutant un peu plus loin : « Mi-ange mi-bête, ou ni ange ni bête, avec ses zones d'ombre, avec ses fautes, avec ses hontes, mais également avec sa lumière et sa gloire. »

Un portrait en clair-obscur tout à fait légitime (qui n'a pas ses parts d'ombres ?). Sinon qu'il nous semble justifier ce qui ne devrait pas l'être. Au motif du talent (avéré) du taulier de l'émission de France Inter, au prétexte de la qualité de l'émission, c'est la nécessité d'une rude et brutale sélection qui est suggérée. Une forme de darwinisme professionnel. Ceux qui en font les frais seraient des « jeunes intellos » incapables de s'adapter, des gens « très gentils, très bien, mais délicats », « des fleurs fragiles ». Comprendre : ce serait leur faute. Même sans se pencher sur la réalité des choses2, ce positionnement s'avère pour le moins délicat. Imagine-t-on les mêmes arguments s'il s'était agi d'un conflit social classique, mettant aux prises un patron piétinant le droit du travail et ses salariés ?

Dans le bref chapeau introduisant son papier, François Ruffin écrit notamment qu'il souhaitait voir publié son texte ici « pour ne pas figer les lignes, avec deux camps qui se feraient front, à l'heure où d'autres batailles plus essentielles doivent nous rassembler ». Il nous semble qu'il a à la fois tort et raison. Raison parce qu'il y a bien deux camps en présence. Et tort parce que ceux-ci n'ont rien de neuf, de récent (bien au contraire), qu'ils ne doivent rien à ce débat autour de Daniel Mermet. S'il faut les ancrer dans l'espace contemporain, on peut sans doute estimer que leur réelle formulation politique, en tant que telle, date de la fin du XIXe siècle, avec l'essor parallèle de l'anarchisme et du socialisme.

Il ne s'agit aucunement de rejouer Cronstadt, encore moins de surjouer l'opposition entre tenants de l'horizontalité et adeptes de la verticalité, réformistes et révolutionnaires, libertaires (au sens large) et dirigistes (au sens encore plus large). Non, c'est juste un constat : ce qui se donne à lire en filigrane de ce débat (si on souhaite dépasser le seul cas de Mermet), c'est l'éternel affrontement entre l'exigence d'une cohérence irréductible et le souci de l'efficacité politique. C'est au nom de la première que nous avons accepté l'enquête d'Olivier Cyran quand il nous l'a proposée ; et il nous semble que c'est au nom de la seconde que François prend la défense de Daniel Mermet. Et qu'il loue (à juste titre) le travail réalisé à LBSJS, avant d'interroger : « Pourquoi tout cela devrait-il s'effacer derrière la souffrance, bien réelle, de quelques salariés ? Pourquoi ce malheur pèserait-il le poids du plomb, et le bonheur délivré, celui de la plume ? »

C'est là le point crucial, essentiel. Nous n'avons pas publié la très fouillée enquête d'Olivier Cyran parce que nous souhaitions – comme certains l'affirment en commentaires – « faire tomber la statue Mermet » (et pourquoi voudrait-on cela ?3). Encore moins par souci de vengeance4. Nous ne l'avons pas non plus mise en ligne par envie de « foutre la merde » gratuitement, ni de faire du « buzz » en nous payant une « célébrité ». Pour être francs, nous préférons bien davantage être connus de quelques-uns pour notre boulot au long cours, sur le site comme dans notre version papier, que par un cercle bien plus large qui nous verrait d'abord comme ceux qui s'en sont pris un jour à Mermet (qu'ils saluent cette enquête ou la déplorent).

Non, nous pensons juste que le talent et le succès ne sauraient compenser des pratiques autoritaires et humiliantes. En aucun cas. Au contraire, il appartient aux gens doués et dotés d'une certaine puissance, d'une influence et d'un pouvoir sur les gens (et c'est bien le cas du taulier de LBSJS), de se montrer exemplaires. A fortiori quand ils ont bâti toute une carrière en défendant la veuve et l'ouvrier. Si ceux qui se font les étendards de notre cause se comportent plus ou moins régulièrement comme ceux qu'ils dénoncent, il faut le dire et l'écrire - et tant pis pour les dents qui grincent. À quoi bon se battre, sinon ? En quoi croire encore ? Autant se mettre au tricot, au jardinage ou à la spéléologie (activités fort respectables par ailleurs). Et laisser définitivement la politique de côté.

Ce fossé qu'évoque François Ruffin est le même, au fond, que celui opposant, à l'extrême-gauche, les tenants du réalisme électoral (voter pour le moins pire) aux adeptes de l'abstention. Il y a là une ligne de front presque irréductible5. D'un côté, ceux qui pensent que les principes ne sont pas tout, et qu'il importe de faire des concessions. De l'autre, ceux qui estiment que rien ne légitime (et surtout pas une émission de radio ou un bulletin de vote) de laisser nos valeurs de côté.
C'est là un positionnement qui peut et doit se discuter. L'exigence de l'éthique comporte aussi ses enfermements, ses points aveugles, ses errements - les chevaliers blancs peuvent parfois se révéler insupportables. Mais voilà : c'est notre ligne. Et si un jour, nous trahissons cette dernière6, il y aura forcément un Olivier Cyran pour nous rappeler à l'ordre. Ce ne sera que justice.


[1] Ces témoignages n'ont pas non plus été infirmés ici, dans l'espace de commentaire faisant suite au papier de Cyran. Au contraire, sont venus s'ajouter d'autres récits (certains signés) confirmant ce qui était décrit dans l'article.

[2] En l'espèce, le journaliste Julien Brygo, pour reprendre cet exemple, n'a rien d'« une fleur fragile ». Et il suffit de regarder son travail récent avec le réalisateur Pierre Carles ou de lire ses articles du Monde Diplomatique pour s'en convaincre. Voire de réécouter ses reportages à LBSJS, diffusés avant qu'il ne soit éjecté de l'émission.

[3] En passant, nous n'avons aucun passif avec LBSJS : nous n'avons pas essayé d'y travailler et n'avons jamais subi les foudres du taulier. Tout juste a-t-on croisé Daniel Mermet à deux ou trois reprises, sans qu'il n'en ressorte de ces très brèves rencontres rien de spécialement positif ou négatif.

[4] Il ne nous appartient pas de solder une affaire qui a en réalité débuté en 2003, avec la reprise par CQFD du témoignage de Joëlle Levert. Pour un retour sur le sujet, lire ce papier d'Acrimed.

[5] En un commentaire publié sur le site de Fakir, Olivier Cyran revient justement sur la nature de cette ligne de front : « La sacralisation du grand chef – que ce soit sous la figure de l'entrepreneur, du leader politique ou du génie artistique –, c'est de cela justement que crève notre société pyramidale qui craque aux coutures. Ton texte, Ruffin, révèle une fracture qui va bien au-delà d'une simple opposition entre pro- et anti-Mermet. Elle touche selon moi à quelque chose de beaucoup plus essentiel. Je suis de ceux qui pensent que la crise actuelle est aussi une crise des structures de pouvoir. Que l'on fabrique des pneus chez Goodyear ou des reportages dans une émission de radio, on ne peut espérer se sortir de la déglingue qu'en partageant solidairement nos idées, nos ressources et nos savoir-faire. »

[6] Il ne s'agit en aucun cas de poser Article11 en modèle de fonctionnement (c'te blague). Nous avons trop conscience de nos propres faiblesses (qui vont de la paresse à l'addiction au rosé en passant par un humour douteux...) pour ne pas jouer les fiers-à-bras. Mais il est certains principes (indépendance totale, camaraderie rédactionnelle, autogestion autant que faire se peut) qui ne se discutent pas et dépassent le cadre de notre canard.

09 Jul 09:30

Platitude

by Claudio Orlando

Quand on veut une vie sans vagues, on a une vie sans sel.

29 juillet 2012 (89)

 

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